
Dr Aly Tounkara Dr Ilo Allaye Diall
Depuis l’éclatement de la crise
institutionnelle et politique au Mali ayant vu la résurgence du phénomène de
coup d’État (août 2020 et mai 2021) dans ce pays, la Communauté économique des États
de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) peine à jouer le rôle qui est le sien, à
savoir celui de la construction d’une communauté de droit, respectant l’état de
droit et évoluant dans le strict respect du principe de solidarité entre les états
membres. Pis, ce triste tableau s’est assombri avec les coups d’État en Guinée
(septembre 2021) et au Burkina Faso (janvier 2020 et septembre 2022).
Au-delà de tout regard analytique sur ces
faits et la réaction de la Cedeao face aux violations de son Protocole sur la démocratie
et la bonne gouvernance, il est sans conteste établi que les accords trouvés
avec ces États relèvent plutôt du domaine politique que de celui du droit. En
l’espèce, les dispositions pertinentes de l’ordre juridique communautaire se
sont sabordées au profit des accords politiques à minima (ou problématiques)
ayant permis aux pays en question de « revenir » dans « le giron de l’état de
droit ».
Ce faisant, la situation actuelle du Niger remet à nouveau sur la
table la question de l’effritement du respect de l’État de droit au sein de la
Communauté. En effet, le coup d’état de la Garde présidentielle nigérienne
contre le président Mohamed Bazoum a
surpris tous les observateurs, y compris la Cedeao et les forces militaires
occidentales présentes sur le sol nigérien (au nombre de milliers). Mais face à
la crise, la réaction de l’organisation sous-régionale à cet énième coup d’Etat
dans l’espace communautaire a été on ne peut plus forte. Dès la première réunion
sur la crise, la menace d’une intervention militaire pour restaurer le président
déchu et le retour à l’ordre constitutionnel a été brandie.
De même, les condamnations sont venues de
presque partout en donnant par moments et par endroits, le sentiment de
l’immixtion de certaines chancelleries occidentales dans des domaines privés
relevant d’un État souverain. Subséquemment, les pays ayant réagi au coup d’État
et à la réaction de la Cedeao sont diversement appréciés par les Africains.
Parmi ces acteurs contestés, il faut principalement citer la France, les états-Unis,
l’Union européenne, l’Algérie, la Chine, le Tchad et la Mauritanie, une pléthore
de pays n’appartenant pas à la Cedeao.
Dans le même temps, deux des trois pays
membres ayant connu des crises du genre (le Mali et Burkina Faso en
particulier) se sont tous montrés solidaires du Niger, allant jusqu’à proclamer
que toute intervention militaire de la Cedeao
pour rétablir le régime déchu et l’ordre constitutionnel serait considérée
comme une attaque contre eux, et, en conséquence, qu’ils se verraient
contraints d’entrer en belligérance contre les troupes de la Cedeao pour divers
motifs.
Ce faisant, le fait que des États membres de la Cedeao, certes en crise
et en transition, s’opposent aux principes juridiques et politiques de leur
organisation commune en brandissant une menace de guerre régionale contre
plusieurs États est la preuve ultime d’un effritement sans conteste de l’aura
de l’organisation communautaire. Partant de ce constat, le Centre des études sécuritaires
et stratégiques au Sahel (CE3S), en tant que think tank, estime qu’il est plus
que temps de proposer des pistes de réflexion pour une meilleure réforme de
l’organisation communautaire afin que non seulement une telle situation ne se répète
plus mais surtout que la communauté ait du sens au regard de l’État de droit et
des objectifs visés.
Revenir aux fondamentaux : le respect de l’État
de droit
Les états membres de la Cedeao ont presque
tous connu une ère démocratique au début des années 1990. Ce mouvement de démocratisation,
que d’aucuns mettent au crédit de la Conférence de la Baule, est réel, dans une
certaine mesure, pour les États francophones, mais les autres états, avec des
expressions phonétiques différentes connaissant à peu près les mêmes réalités.
Mais la vraie question réside dans le fait de savoir à quoi se résume « l’État
de droit dans la Cedeao ».
À l’observation, il y existe un vrai détournement
de la notion à des fins autres que celles assignées par la démocratie. Somme
toute, les chefs d’État, par le biais de leur Constitution, donc légitimement,
concentrent entre leurs mains l’essentiel des pouvoirs par le jeu du présidentialisme
renforcé (dénué de toute courtoisie ou culture démocratique). Ils tiennent en
laisse les chefs de l’exécutif (Premier ministre) et réduisent les autres
ministres du gouvernement au simple rôle de chefs de service, ces derniers,
tombant, tels des béni-oui-oui, dans l’accomplissement simple des ordres du
souverain pour conserver les avantages dus à leur rang.
Le contrôle de l’action
gouvernementale est ainsi sapé et ne se fait plus que par le biais de
l’opposition (généralement très faible et divisée) et les organisations de la
société civile (qui, à leur tour, sont aussi majoritairement inféodées au
pouvoir en place).
Dans un tel contexte, il se comprend aisément
qu’il ne reste que la rue comme exutoire au peuple. Cet état de fait met le
compteur à zéro pour toute mesure de l’avancée démocratique dans un pays. Ce
triste constat est valable dans presque tous les pays de la Cedeao. L’indépendance
de la justice reste un vœu pieux dans la quasi-totalité des pays de l’espace
communautaire où le président de la République est aussi le président du
Conseil supérieur de la magistrature. Conséquence : le juge constitutionnel
n’est pas épargné de cette réalité. Les chefs d’État, s’abritant sous le
parapluie de l’État de droit, utilisent celui-ci pour rendre légitimes les différentes
révisions inopportunes et dénuées de tout sens quant aux besoins de leurs sociétés.
On assiste ainsi tout simplement à une instrumentalisation de la Loi
fondamentale à des desseins sombres et inavouables. Par exemple, en moins de
dix ans, la Constitution de quelques pays a été modifiée au moins quatorze
fois, soit une révision tous les six mois. De même, on assiste au même phénomène,
en octobre 2008, quand les autorités sénégalaises ont procédé à une nouvelle
modification de la Constitution pour régler un conflit interne au parti
majoritaire (le Parti démocratique sénégalais-PDS) et obliger le président de
l’Assemblée nationale à quitter le perchoir de cette institution.
Pour ne citer
que ces exemples vieillis par le nombre de pratiques similaires dans d’autres
pays. Le plafonnement du nombre de mandats salué par toute la communauté
internationale dans la dernière décennie du 20è
siècle fait l’objet d’un autre achoppement entre les populations et les
dirigeants africains. Presque dans toutes les régions du continent, les présidents
se sont vus accuser, à juste raison, de vouloir faire sauter le verrou
constitutionnel.
Ces malversations en lien avec le
tripatouillage de la Constitution trouvent une autre justification dans la
volonté « patrimonialiste » de ces souverains de léguer le pouvoir à un de
leurs proches pour se mettre à l’abri de toutes poursuites judiciaires. Les élections
truquées ont aussi leur mot à dire. Certains auteurs, qui les qualifient de
verni de la démocratie, demandent leur suppression, tellement qu’elles ne
servent plus la cause des populations et ne représentent plus leur volonté.
L’exemple des législatives maliennes de 1997 où la Cour constitutionnelle
annula définitivement le scrutin est édifiant.
D’autres exemples non exhaustifs
existent et sont nombreux à telle enseigne que c’est leur nombre qui nous empêche
de tous les citer. En Centrafrique en 1998, au Burkina Faso en 2000, au Togo en
2005, au Gabon en 2001, au Cameroun en 1997 et en Côte d’Ivoire en 1995, au
Zimbabwé en 2005 et 2008. L’élection présidentielle au Zimbabwé de 2007 a
offert l’occasion au président Mugabé d’utiliser l’astuce du recomptage des
voix pour se tailler une majorité de 85% au détriment de Morgan Tsvangirai.
Il est alors aisé de dire, sur la base de ces constats, qu’en Afrique en général et en Afrique de l’Ouest en particulier, l’État de droit est tellement détourné de son sens qu’il devient une des premières sources de conflits.
Améliorer la gouvernance pour que les populations se sentent ressortissantes de la communauté
De même que l’État de droit, la qualité de la
gouvernance en général est un des facteurs déconsolidant de la démocratie dans
l’espace de la Cedeao. Tous les domaines dans lesquels les états doivent agir
pour le bien-être des populations sont obscurcis par des pratiques peu
recommandables dans la communauté. L’éducation, la santé, l’agriculture, toute
la délivrance des services sociaux de base est entachée.
Les populations ne se
reconnaissent pas dans ces états incapables de fournir les services les plus
vitaux dans des conditions idoines leur permettant de vivre dignement et
sereinement. Évidemment, les exemples à citer pour illustrer ces propos font
florès et se trouvent dans tous les pays de la région ouest-africaine.
Mais
comme précisé dès l’entame de cette note, l’objectif ici n’est pas de
convaincre d’un fait, le constat étant déjà établi. Il faut que les états
parviennent à améliorer au maximum la délivrance des principaux services
sociaux de base. Dans ce volet, la Cedeao a conçu de nombreux programmes
communautaires pour une meilleure desserte des populations à l’instar du
Programme communautaire de développement (PCD) qui vise à renforcer l’intégration
régionale, à promouvoir la coopération entre les pays membres et à améliorer
les conditions de vie des populations de la région.
Il se concentre sur des domaines tels que l’agriculture, l’énergie, les infrastructures, l’éducation, la santé, l’environnement et la gouvernance. Mais ces programmes ne marchent pas et engloutissent des milliards de francs au détriment du bien-être des populations. La mauvaise gouvernance est le facteur le plus important créant un abysse entre les populations et les états démocratiques ainsi que les organisations d’intégration.
Faire en sorte que les états soient
responsables de leur développement
La première remarque qu’il est possible de
faire sur les états et les organisations du genre de la Cedeao est leur
incapacité à financer leur propre développement. Les fonds investis dans le développement
des états et pour l’atteinte des objectifs des organisations dont la Cedeao
sont pour leur majorité, originaires d’autres entités extra continentales. Si
elles ne sont pas européennes, elles sont américaines ou asiatiques. Dans un
tel contexte, les orientations pour la conduite des politiques publiques
nationales ou régionales viennent toujours d’ailleurs, un ailleurs ayant des
visions et des intérêts pour sa propre population, car ce sont les deniers de
ces populations qui sont usités. De ce fait, les interférences sont compréhensibles
même si elles ne sont pas partagées et légitimées.
La Cedeao et les états de la région ouest-africaine ne peuvent construire un environnement sain pour un développement socioéconomique de leur population avec les fonds d’autres pays n’ayant pas les mêmes intérêts et s’adonnant à une compétition sauvage autour du contrôle des ressources naturelles et du positionnement géostratégique dans l’espace.
Conclusion
Fort de ces constats, le CE3S en appelle aux États
et aux ressortissants ouest africains afin : d’éviter la guerre entre des
nations frères car les victimes ne seront qu’Africaines. En s’affrontant, les
Africains banalisent le sang des Africains, toutes choses qui encouragent les
acteurs non Africains engagés dans la conspiration et la calomnie ; de renoncer
à galvauder ou détourner l’esprit de l’État de droit afin de se maintenir au
pouvoir.
à force de tout mettre au compte de la
conspiration, l’élite politique au pouvoir en Afrique a fini par décliner toute
responsabilité en termes de rédévabilité et de respect des institutions ; d’améliorer
la gouvernance et la délivrance des services sociaux de base. Les acteurs étatiques
en charge de délivrer les services sociaux de base sont perçus pour leurs
pratiques comme des prédateurs par les populations. Ce ne sont pas la France,
la Russie, les USA, l’Allemagne etc. qui spolient les communautés et s’adonnent
à des ponctions sur les axes routiers.
Donc, œuvrer à rendre les États utiles ; de
travailler sérieusement pour financer leur propre développement. Il est absurde
que le G5 Sahel, la Cedeao, l’Union africaine, l’Autorité du Liptako Gourma
continuent à dépendre de l’aide apportée par les puissances économiques et
militaires non africaines et dans le même temps, prétendre rester indépendants
; de reformer la Cedeao afin qu’elle puisse agir avant que les situations dans
les pays ne dégénèrent en renversement de l’État de droit. Et ainsi, éviter de
braquer les Etats sur des positions de retour à un souverainisme total et
aveugle.
Les défis actuels du continent ne peuvent être résorbés que dans une
action collective et forte. La situation sociopolitique délétère que traverse
le Sénégal, avec le cas de l’opposant Ousmane Sonko, est un témoignage éloquent
de l’insuffisance des actions de prévention menées par l’organisation en vue de
se prémunir d’un quelconque coup de force ou de carnage. L’hypothèse du respect
de la souveraineté des États, dans de pareilles circonstances, résisterait
difficilement à l’analyse.
Dr Aly TOUNKARA
et Ilo Allaye DIALL
experts au CE3S
Rédaction Lessor
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