
L’Essor : Quel regard rétrospectif jetez-vous sur l’Armée
malienne après 61 ans d’existence ?
Broulaye Koné : D’abord, il faut définir l’Armée. Quand on
prend nos empires, nos ancêtres et même l’aube de l’Humanité, vous allez voir
qu’aucun pouvoir ne peut s’établir sans une force armée. Que ce soit les
Damonzon, Soundjata, dans les pays européens, l’armée est partie intégrante
d’une société. Pour la simple raison que l’Homme, c’est la survie. Pour
survivre, il faut se garantir, l’histoire même de l’armée commence par là.
En venant à l’Armée malienne, chaque société a son armée. La
doctrine de l’armée est définie par la politique qui est régie par les réalités.
Ce qui fait que l’on peut diviser la vie de l’Armée malienne en quatre étapes.
La première étape, c’est immédiatement après l’indépendance avec le président
Modibo Keïta qui avait un type de gouvernement socialiste. Donc, un pouvoir
socialiste a nécessairement un type d’armée qui est différent des autres
pouvoirs. Quand le Mali a pris son indépendance en 1960, l’Armée malienne a été
constituée par les anciens militaires de l’armée coloniale qui sont
volontairement venus en renonçant à tous les avantages.
Mais l’option socialiste a émoussé l’ardeur des soldats,
pourquoi ? Parce que Modibo Keïta s’est dit qu’il faut une armée productrice.
Il y a les chansons qui le rappellent, quand les autres armées se battent sur
d’autres terrains, l’Armée malienne est en train de faire le travail dans les
champs. Donc, il avait inculqué dans la tête des militaires qu’il fallait
travailler. C’était une option, parce que
l’armée devait être indépendante. Travailler pour se nourrir, s’habiller
et faire la guerre. Les champs de riz, de mil étaient entretenus par les
militaires, à telle enseigne que la valeur militaire a commencé à baisser petit
à petit.
Modibo Keïta a
remplacé à peu près les militaires par la milice populaire. La milice populaire
était mieux habillée, peut-être mieux entraînée que l’Armée malienne. Face à
cette situation, en 1968, je crois que j’étais en 8è année déjà, l’armée a été
obligée de prendre ses responsabilités. Parce que les exactions que les milices
étaient en train de faire à la population n’étaient pas dans le sens d’une
bonne gouvernance par rapport aux forces de sécurité qui devaient se charger de
la défense des personnes et des biens.
Deuxième étape, Moussa Traoré est venu en 1968. Ce n’était
pas un régime socialiste. Après la transition, on l’a appelé régime démocratique
mais à Parti unique. Là également il faut un type d’armée. Ce n’était plus une
armée de paysans, mais cette fois-ci Moussa Traoré a professionnalisé l’armée
malienne. Étant militaire, ayant pris le pouvoir sachant dans quelles
conditions était l’armée, il l’a professionnalisée. Nous, on a coïncidé avec la
professionnalisation de l’Armée malienne. C’est-à-dire, tout le monde était spécialisé
et il y avait des minutions, l’armement, l’équipement au complet.
Je suis de
l’arme blindée, nous avions des chars, des BRDM, des BTR 50, des BTR 60, des
BTR 152, etc. Nous étions fiers, nous connaissions notre métier et la nuit même
si vous nous réveillez n’importe quand
on allait partir à la guerre. C’est pourquoi, la 1ère guerre de 1974 n’a pas
duré. L’Armée malienne était déjà équipée. Ça a commencé en octobre 1974 et je
crois qu’au mois de décembre déjà c’était presque fini. Nous avons occupé le
Burkina Faso jusque dans les environs de Bobo-Dioulasso.
Nous pouvons dire qu’à part ce qui est en train de se faire
maintenant, l’Armée malienne n’avait jamais été équipée autant que pendant que
Kissima Doukara était ministre de la Défense. Nous étions professionnalisés à
telle enseigne qu’avant la fin du régime de Moussa Traoré également, il avait
commencé à avoir peur de l’armée. Parce que si vous professionnalisez une
armée d’une certaine manière et que l’injustice est là, c’est facile pour l’armée
de vous rappeler à l’ordre. Et c’est ce qui s’est passé en 1991.
Quand les
militaires ont vu que les exactions se faisaient sur les civils, ils ont été
obligés d’intervenir. En 1985, lorsque Thomas Sankara a voulu faire la guerre,
Moussa Traoré lui a dit non, il ne faut pas. Maintenant quand la guerre a été déclarée
le 25 décembre 1985, en cinq jours c’était fini. Nos MIG sont partis survoler
Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et les grandes villes. Les Occidentaux se sont
rendus compte que l’Armée malienne est tellement puissante que si on n’arrête
pas, elle va prendre tout le Burkina Faso.
C’était l’armée d’un régime démocratique, mais dirigé par un
militaire qui connaît la valeur. Ensuite, nous sommes venus à la démocratie,
multipartisme intégral, dirigée par les civils. Quand Alpha Oumar Konaré a pris
le pouvoir, sa première réaction, on se rappelle toujours : était de
dire : on n’a pas besoin de forces armées. Il a déclaré cela quand il est
parti à Dakar, lors de sa 1ère sortie. Donc, l’option d’Alpha, c’était
d’affaiblir les forces armées et d’armer, de renforcer les forces de sécurité.
Maintenant, avec l’évolution des choses, il a été menacé en 1994. Il a fallu
faire appel à Ibrahim Boubacar Keïta qui était à Abidjan. Le président Konaré a
vu qu’il ne pouvait rien faire sans les forces armées. C’est en ce moment
qu’Alpha a laissé tomber son idée d’armée affaiblie mais il ne nous a pas armé.
Au contraire, il y a des armements qui ont été détruits de passage. L’armée a été
affaiblie jusque dans les années 2012. Nous étions chefs, nous avons dit et répété
que les munitions sont obsolètes, l’armement est dépassé…
Est arrivé après le président Amadou Toumani Touré qui est
la suite de la démocratie multipartiste intégrale. Donc l’armée n’avait pas
tellement de moyens jusqu’en 2012. En 2010 déjà, nous avons alerté ATT et nous
avons amené l’idée de la Loi de programmation militaire. Cela n’est pas avec
IBK, c’était bien avant. Même si la loi n’a pas été prise mais tout était conçu
avant les évènements de 2012. Parce qu’il fallait passer par là.
Quatrième étape, c’est une transition dirigée par les
militaires. Quand les autorités actuelles se sont rendues compte que sans
moyens, on ne peut absolument rien faire, elles se sont décidées par rapport à
l’équipement de l’armée. On peut dire que les forces armées maliennes n’ont été
suffisamment armées que lorsqu’il y a un militaire au pouvoir.
L’Essor : En plus de l’acquisition de nouveaux équipements
notamment le renforcement du vecteur aérien, qu’est-ce qu’il faut au Mali pour
avoir une armée de nos rêves ?
Broulaye Koné : Vous me permettrez de définir et de situer
l’armée dans son cadre et son contexte. Une armée, ce sont les hommes, le matériel,
le terrain et les renseignements. Ce sont les quatre piliers de la stratégie
militaire. Si vous ratez l’un, vous ne pourrez rien faire. Aujourd’hui, je
crois que les jeunes officiers se sont rendus compte. Ils ont fait des études
dans de grandes écoles. Maintenant les hommes sont là.
Même vous, si ça ne va
pas, vous allez sortir pour aller défendre le Mali. Tous les Maliens sont des
patriotes. On connaît le terrain. Ce n’est pas un handicap pour nous. Avec les
systèmes de renseignement et les matériels qui sont disponibles, je crois
qu’avec ça nous pouvons espérer beaucoup. Il s’agit purement et simplement
d’adapter l’exploitation du matériel à la situation donnée. À notre temps où la
guerre classique opposait un État à un autre, c’était facile. Nous sommes dans
une guerre asymétrique qui nécessite beaucoup de tact.
D’une manière historique, les gens pensent que les guerres
asymétriques datent de maintenant. On
appelle ça dans le langage militaire classique, la guérilla. Samory Touré l’a
fait contre les Français. Les Maliens l’ont fait contre les troupes françaises
pour les mettre en déroute. Avec une dizaine de personnes, Samory Touré mettait
en déroute un bataillon de la conquête coloniale.
Cette forme de guerre est là
aujourd’hui et les autorités actuelles doivent le comprendre. Donc, il faut
obligatoirement coopérer avec la population. Sans cette coopération pour avoir
les renseignements extra, on n’ira nulle part. Et je crois qu’elles ont
compris. C’est vrai qu’il y a le matériel et la technologie mais ils ne peuvent
pas remplacer l’homme sur le terrain. Nécessairement, pour les autorités de la
Transition aujourd’hui, comme il y a le matériel, il s’agit d’avoir une bonne
relation civilo-militaire pour que tout soit fini.
L’Essor : Pour vaincre l’hydre terroriste et assurer la sécurité,
les autorités actuelles se sont inscrites dans une dynamique de diversification
du partenariat. Qu’en pensez-vous ?
Broulaye Koné : L’Armée malienne a été toujours équipée
de matériels venant de divers horizons. Dans les années 1968, quand les
militaires ont pris le pouvoir, l’équipement russe était majeur. L’armée de
l’air, l’artillerie et les blindés étaient équipés par les Russes. Dans notre
armée, nous avions également les armes chinoises et françaises. La coopération
diversifiée ne date pas de maintenant. L’actuelle place du Mess des officiers à
Badalabougou était la cité des coopérants russes.
Quand j’ai fini avec l’École
militaire inter armes (Emia), en 1977, tous les matins, le car était rempli de
ces coopérants qui partaient à l’artillerie, au blindé et à l’armée de l’air
pour nous encadrer. Il y avait aussi la coopération avec les Allemands à
travers le génie militaire. La diversification de la formation des cadres n’a
pas commencé aujourd’hui. On se posait la question au cours de nos formations à
l’étranger comment on va faire sans ces armes quand on va venir au Mali ?
L’intellect doit faire en sorte qu’il faut adapter la formation réussie en
Occident aux réalités sur le terrain. Il faudra faire comprendre à qui veut
l’entendre que la diversification de la coopération militaire n’a pas commencé
maintenant et que l’Armée malienne a toujours été dans cette logique.
L’Essor : Avez-vous des conseils pour les responsables militaires actuels ?
Broulaye Koné : Normalement, dans l’armée, le chef dit
toujours faites comme moi. Cela a son sens. Pourquoi les ordres sont exécutés
littéralement sans hésitation, ni murmure ? Parce que tu crois à celui qui
te donne l’ordre.
S’il te dit de rentrer dans le feu, tu vas le faire parce
qu’on est sûr et certain qu’il ne va nous mettre sur le mauvais chemin en le
faisant. Maintenant, ce que je peux donner comme conseil aux dirigeants
actuels, c’est d’être corrects, exemplaires dans tous les sens. Parce que le
soldat ne voit que le chef.
Un de nos anciens, Bougari Sangaré, disait : «ce que le chef dit à ses subordonnés, si c’est différent de ce qu’il fait, les faibles sont timorés et cela fait révolter les forts». Il faut qu’ils soient compétents, exemplaires, etc. Et les gens vont les suivre. Je demande aux officiers de maintenant : soyez corrects, justes. Il faut observer l’équité totale comme en bons chefs de famille. Cette équité doit être l’homme qu’il faut à la place qu’il faut.
Entretien réalisé par
Oumar DIAKITÉ
Oumar DIAKITE
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