
Choguel
Kokalla Maïga et Issiaka Ahmadou Singaré ont remis le métier sur l’ouvrage pour
une publication de 329 pages sur «la vie et l’œuvre de Moussa Traoré,
secrétaire général de l’Union démocratique du peuple malien, président de la
République». Le lecteur est averti dès l’avant-propos par un boulet de canon tiré d’une
artillerie actionnée contre la IIIème République. N’a-t-elle pas déçu les
espoirs placés en elle ? N’a-t-elle pas installé le Mali dans la
médiocrité et la décadence ? Le verdict ne vient pas d’ailleurs, mais des
aveux publics «des acteurs eux-mêmes qui ne cessent de bomber le buste se
déclarant fiers d’avoir mis fin à la dictature la plus sanguinaire d’Afrique
occidentale».
Les
auteurs écrivent : «Modibo Kéïta est constamment cité en référence. Père
de l’indépendance nationale, il aurait engagé le Mali dans la voie du
développement avant que Moussa Traoré ne vienne plonger le Mali dans la
calamité. Pourtant, une seconde certitude, Modibo Kéïta reviendrait aujourd’hui
parmi nous qu’il serait plus fier de Moussa Traoré que des acteurs du 26 Mars
1991…» Ce n’est pas tout. «… Au nom de l’indépendance authentique, de la
souveraineté nationale, de l’honneur de l’Armée nationale, Modibo Kéïta a
demandé à la France d’évacuer les bases militaires qu’elle occupait sur le
territoire malien. Fidèle à cet idéal de liberté et de dignité, Moussa Traoré
s’est refusé à une réinstallation de ces bases sur notre territoire. Modibo
Kéïta a chassé les Français, Moussa Traoré les a tenus à distance. Leurs
successeurs ont choisi la docilité, la soumission à leur égard», ajoutent-ils.
(p.16)
Ils sont implacables sur la défense et le rôle de l’Armée. «Modibo Kéïta a considéré que la sécurité d’un État est un sujet sérieux pour être confiée à l’étranger. Avec le concours du général Abdoulaye Soumaré, il a créé une armée nationale, qu’il a voulu non coupée du peuple… Lui succédant, Moussa Traoré a donné à cette Armée ses lettres de noblesse : il l’a structurée, équipée, a accordé au recrutement et à la formation toute l’attention requise… La Grande Armée malienne de Modibo Kéïta et de Moussa Traoré a été méthodiquement émasculée par leurs successeurs sur injonction de la France. La conséquence : en janvier 2012, 500 apatrides venus de Libye font le coup de feu dans l’extrême nord du pays et la République s’effondre, perd plus de 2/3 de sa superficie.» (p.16-17)
Ils
poursuivent : «Modibo Kéïta a procédé à une réforme de l’enseignement au
Mali… Lui succédant, Moussa Traoré a consolidé son œuvre. Il a corrigé les
insuffisances dues à une mise en œuvre effectuée dans la précipitation,
restructuré l’enseignement secondaire général, technique et professionnel,
parachevé la création de l’enseignement supérieur, crée l’enseignement
post-universitaire. Ses successeurs, parmi lesquels un enseignant, se sont
comportés vis-à-vis de l’enseignement au Mali tels des éléphants dans une
boutique de porcelaine : ils ont tout cassé… (p.17)
Enfin, l’estocade : «Sous Modibo Kéïta, on avait honte de voler, sous Moussa Traoré, on avait peur de voler, sous les présidents démocratiquement élus, ne pas voler, ne pas détourner les deniers de l’État est un délit…»
Telles sont les balises qui ont guidé l’entreprise conjointe des auteurs, au nom de «l’appréciation qui doit être faite de l’histoire contemporaine du Mali». Celle-ci débute par la biographie expresse de Moussa Traoré, «Nabilaye Moussa» ou tout simplement «Namoussa» pour la famille et les intimes. Doué, Moussa est premier dans tout ce qu’il a entrepris : major du Soudan français lorsqu’il s’est présenté au concours d’entrée à l’école des enfants de troupes de Kati, major à la sortie, instructeur à l’École militaire Interarmes, rédacteur du programme de formation des officiers, rédacteur du manuel de la nomenclature des armes utilisées dans l’Armée malienne. Présent presque partout où le devoir l’a appelé, les auteurs rappellent que Moussa Traoré et Amara Danfaga, ont été les deux officiers au courant de la création du franc malien dont ils ont convoyé, à partir de la Guinée, les premiers billets.
LE
COUP D’ÉTAT DE 1968- Les auteurs donnent leur lecture du coup d’État de 1968, à
partir de cinq causes : «les dissensions au sein de l’US-RDA, le culte de
la personnalité, les difficultés économiques, les restrictions imposées aux libertés
individuelles et les privations, les frustrations au sein de l’armée». (p.45)
Ce sont les lieutenants Moussa Traoré, Youssouf Traoré et Kissima Doukara qui
sont les concepteurs du renversement politique, avec un cercle qui comprendra
finalement Filifing Sissoko, Amadou Baba Diarra,Tiékoro Bagayoko, Joseph Mara,
Missa Koné et Mamadou Sanogo.
Voici
Moussa Traoré, à la tête d’un Comité militaire de libération nationale qui aura
à affronter une opposition intérieure, des tentatives de coup d’État, régulièrement
contenues et une opposition civile, portée par les syndicats d’enseignants et
d’élèves, sévèrement réprimée. Ils survolent le divorce entre les enseignants
et Moussa Traoré. «Plus d’un enseignant a eu maille à partir avec le CMLN. Il
ne faut cependant pas en conclure que la majorité des enseignants ont été des
opposants. Parmi eux, certains ont choisi d’assumer leur militantisme de
gauche. Une affaire dit des tracs (!) a conduit à l’arrestation de plusieurs d’entre eux»,
écrivent-ils. (p.99). «Militantisme de gauche», voilà tout leur crime !
Face aux élèves, les auteurs réfutent l’idée qui était que «sous Moussa Traoré, les écoles étaient en crise». Ils argumentent : «Durant tout le temps qu’il a passé au pouvoir, l’ouverture des classes comme leur fermeture de même que les évaluations à mi-parcours et les examens de fin d’année ont toujours eu lieu aux dates retenues par les autorités compétentes». «Si l’ENSup et l’Ena, foyers de contestation qui a dégénéré, sont restées fermées une année, sous son régime, l’École n’a jamais connue d’année blanche», s’empressent-ils de relativiser. (p.101-102)
Le
CMLN avait prévu six mois pour organiser des élections et se retirer. Sa forme
militaro-civile va survivre pendant 23 ans avec comme base, le référendum constitutionnel
de 1974 avec un score de 96,66% pour le Oui. C’est désormais le pouvoir de
l’Union démocratique du peuple malien. En 23 ans, les auteurs ont égrené une
série de réussites dans la défense et la sécurité, les infrastructures,
l’agriculture, l’enseignement, la santé, l’encadrement de la jeunesse, les
sports, les arts et la culture, les relations extérieures. Sous Moussa Traoré,
le Mali était respecté dans le cercle des nations ; la voix du Mali
comptait.
Sur
l’histoire et dans l’histoire, il y a des silences, et même des omissions. Le
registre des droits de l’Homme qui est sûrement la face cachée du soleil est
rapidement évoqué. Péniblement, les auteurs ont fait allusion à «l’arrestation,
au jugement et à la déportation» des capitaines Alassane Diarra et Diby Silas
Diarra qui ont tenté de renverser Moussa Traoré, en 1969. «Les conditions
inhumaines qu’ils ont vécues constituent un des faits de notre histoire récente
qui n’auraient pas dû avoir lieu», concèdent-ils. (p. 92).
Sauf
que le parcours est jalonné de plusieurs atrocités, plusieurs morts et
plusieurs éclopés. Le bagne de Taoudenit ? Pas une ligne sur la mort de
Abdoul Karim Camara dit Cabral, le leader estudiantin torturé, tué dans un camp
militaire en 1977. Pas un mot sur la mort de l’élève Tiocary. C’est sous le
CMLN que le militant progressiste sénégalais, le premier normalien du Sénégal,
Omar Blondin Diop a été arrêté à Bamako et remis aux autorités sénégalaises. Il
est mort le 11 mai 1973. Senghor a parlé d’un suicide par pendaison. Un silence
de carpe sur la détention sans jugement, pendant dix ans de Modibo Kéïta et de
ses compagnons. Pas une ligne sur la mort même de Modibo Kéïta ! Et
pourtant le capitaine Sounkalo Samaké, dont ils citent le livre (Ma vie de
soldat, La Ruche à Livres-Librairie Traoré, 2007 - 189 pages), est
suffisamment loquace sur cette partie de notre histoire !
C’est troublant. Les auteurs ont bien précisé qu’ils ont écrit un «hommage» ; ils n’ont sélectionné que les points brillants.
Que retenir in fine ? Moussa Traoré appartient à la classe des patriotes de notre pays. Il a perpétré un coup d’État contre Modibo Kéïta et son régime, mais, dans les faits, à l’aune de la gestion de l’État, il peut être considéré comme un continuateur et même un des héritiers crédibles de Modibo Kéïta. L’exercice relève de la ratiocination. Il vient comme un pavé à rebrousse poils dans la lecture d’une histoire encore incandescente. Hier, on aurait parlé de propagande ; aujourd’hui on parle de communication. Or sur ce point, il ne s’agit pas de la vérité, mais de la perception de la vérité. Et cette vérité est bien écrite dans un style précis, quasi télégraphique. La maison d’édition a aussi donné une bonne perspective de l’ouvrage avec une présentation appréciable. Les auteurs ont bien spécifié que leur intention n’était pas polémique, mais il reste que la polémique est partout présente. Ce livre n’est que la première édition, ont précisé les auteurs sur la couverture. La suite est attendue. À lire.
Pr Ibrahim MAïGA
Auteur : Choguel Kokalla Maïga et Issiaka Ahmadou Singaré, Édition EDIS, Décembre 2023, 13.000 Fcfa
Rédaction Lessor
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