
La Côte d’Ivoire a suspendu depuis le 15
janvier dernier et pour six mois, l’exportation de 20 denrées alimentaires dont
le manioc, l’igname, la banane plantain, le riz et l’attiéké. La décision,
prise au nom de la «sécurité alimentaire des populations vivant en Côte
d’Ivoire», a des impacts réels sur des pays importateurs comme le Mali.
Au marché de Médine dénommé «Sugunin kura» à
Bamako, un des principaux points d’approvisionnement en ces produits importés,
les activités tournent au ralenti. Le site habituellement grouillant de monde
essaie de survivre. Les grosses bâches servant d’étals n’exposent plus que de
petits tas d’ignames et de bananes. La pénurie fait grimper les prix. Celui de
la banane plantain a presque triplé, passant de 200 à 500 Fcfa pour un tas de 3
à 4 bananes. Quant à l’igname, le kilogramme coûte 450 contre 225 Fcfa
auparavant. Et le kilogramme d’igname blanche se vend à 700 Fcfa.
Derrière une camionnette, Bouba Traoré attend
impatiemment l’arrivée des clients. Le vendeur de banane plantain et d’avocat
ne dissimule pas son désarroi : «Je fais ce métier depuis plus de 10 ans,
jamais je n’avais été confronté à une telle situation.» Selon lui, cette décision
des autorités ivoiriennes a causé beaucoup de difficultés aux commerçants. «Nous
vivons de la vente de ces produits. Si nous ne pouvons plus les importer, cela
affecte directement notre activité», confie-t-il, confirmant que les camions en
provenance de la Côte d’Ivoire ont été bloqués aux frontières, provoquant «d’importantes
pertes chez de nombreux commerçants».
Une communication préalable, dit-il, aurait
permis de mieux gérer cette transition brutale. Bouba Traoré observe une
certaine adaptation de la part des clients. Ces derniers commencent à
s’habituer progressivement à la cherté des produits. «Au début, la situation était
très difficile à gérer», avoue le commerçant. Alerté par notre conversation
avec son voisin, Sory Karembé, également vendeur de banane plantain, s’invite
dans les échanges et embraye : «Nous n’avons plus assez de revenus et
subvenons difficilement aux besoins de la famille».
Nouh Sissoko, un vendeur non voyant, discute
avec d’autres collègues commerçants autour du thé. Une nouvelle habitude imposée
par le manque de marchandises. «Nous ne trouvons même plus le prix de
condiments. Avant, nous n’avions même pas le temps de prendre du thé tellement
nous étions occupés», explique, désemparé, le commerçant. Il poursuit : «Regardez
ce hangar, il était rempli d’alloco (banane plantain) il y a moins d’un mois.
Mais aujourd’hui, il est presque vide.» Selon Nouh Sissoko, il faut investir
dans l’agriculture pour réduire les impacts de ce type de décision sur notre
pays.
Un de ses compagnons Souleymane Doumbia,
rapporte que les pertes s’évaluent en termes de millions pour certains d’entre
eux. «Des tonnes de produits ont pourri dans des camions, bloqués à la frontière.
Les Ivoiriens auraient dû nous prévenir avant de prendre une telle décision»,
tance Souleymane. Contrairement aux rumeurs selon lesquelles cette décision est
liée à la Coupe d’Afrique des nations (CAN), le vendeur de banane plantain
soutient que ce n’est pas le cas à cause de la durée de l’interdiction qui s’étend
sur 6 mois.
Mohamed Magassa est chargé de bien disposer les bananes plantains sur les bâches après le déchargement des camions. En temps normal, son équipe travaillait de 6 heures du matin à 18 heures. Elle pouvait gagner entre 30.000 et 40.000 Fcfa par jour. «On n’avait même pas le temps de discuter, tellement qu’on était occupés», se rappelle-t-il. Maintenant, c’est la période des vaches maigres. Ses camarades et lui ont de la peine à joindre les deux bouts depuis trois semaines. «On part à la recherche de clients, mais on revient souvent bredouille. Or, moi je ne sais faire que ce métier», se lamente Mohamed. Et d’espérer une rapide amélioration de la situation.
Habitudes alimentaires- À quelques encablures,
se trouve le hangar d’Adiaratou Diarra, vendeuse de banane plantain et
d’igname. «Avant cette décision, le kilogramme de l’igname à la peau blanchâtre
coûtait 350 Fcfa. Maintenant, c’est vendu à 700 Fcfa», nous apprend la vendeuse
qui exprime la détresse des vendeurs confrontés à un marché vide. «Beaucoup de
personnes dépendent de la vente de ces produits. Nous sommes tous assis ici
sans rien à vendre», se plaint la marchande qui indique s’approvisionner désormais
en igname à partir du Burkina Faso et du Ghana. «Ce que nous avons maintenant
provient du Burkina Faso. Il n’y a aucun produit ivoirien ici, même l’igname à
la peau blanchâtre vient du Ghana», souligne celle qui a 30 ans d’activité dans
le métier et qui rencontre ce problème pour la première fois.
Face à la situation, les clients trouvent
l’alternative. Daffa Traoré, un client régulier du marché de Médine, est venu
acheter de l’igname, de la pomme de terre et de la banane plantain. Mais la
flambée des prix finit par le contraindre à revoir ses habitudes. Néanmoins, il
relativise : «On peut toujours utiliser l’argent dépensé pour l’igname et
l’alloco pour autre chose. On peut se passer de ces produits même si c’est
difficile. D’ailleurs, ce n’est même pas notre aliment de base».
Comme lui, les amateurs d’attiéké pourraient
aussi être affectés par la situation. Bah Nagnouma vend de l’attiéké à
Djicoroni-Coura, dans la Commune du Mandé. Cette sexagénaire dit que son stock
est presque épuisé. «Mon livreur est bloqué à la frontière avec les sacs d’attiéké.
Jamais, je n’ai connu une telle difficulté d’approvisionnement», s’inquiète la
grossiste. Pour l’heure, notre interlocutrice maintient son prix de vente à 600
Fcfa le kilogramme pour les clients détaillants et 500 Fcfa pour les
grossistes.
Par contre, chez Madou Traoré à Mamaribougou, le prix du kilogramme
d’attiéké est désormais cédé à 1.000 Fcfa pour les grossistes et 1.200 Fcfa
pour les détaillants. Si la situation ne change pas, prévient-il, l’attiéké
ivoirien deviendra un produit rare et inaccessible pour la plupart des Maliens. En Côte d’Ivoire, les producteurs et les
vendeurs de ces produits font aussi les frais de la décision de leurs autorités.
Sur les réseaux sociaux, beaucoup d’entre eux dénoncent les dégâts causés par
cette interdiction. Au Mali, nombre de nos compatriotes pensent que les autorités
devraient trouver des solutions durables, dont la diversification des sources
d’approvisionnement et le développement de la production locale.
Le potentiel existe- Nos scientifiques ont
travaillé sur la culture de l’igname et de la banane plantain. Selon le
directeur général de l’Institut d’économie rurale (IER), Dr Kalifa Traoré, sa
structure avait un programme sur la pomme de terre, la patate douce et
l’igname. Dans le temps, la culture de la banane plantain était valorisée par
le Centre de recherche de l’IER de Sikasso.
« Ce centre qui s’occupait également
de la culture du thé et de l’ananas, a eu des difficultés à cause du manque de
financement », regrette le patron de l’Institut. Son service a encore dans ses
armoires les «vieux dossiers d’expérimentations sur les ignames avec des
rendements très élevés» et les compétences existent pour les remettre au goût
du jour. Mais, avoue Kalifa Traoré, « on ne peut pas diriger la recherche sur
une culture tant qu’elle n’est pas financée ». En plus, il faut nécessairement
un plan stratégique. «Notre stratégie n’est pas validée pour le moment. Une
fois qu’elle est validée, la recherche pourra mieux travailler sur ces différentes
cultures», assure-t-il.
Dr Kalifa Traoré est formel : la production
des produits concernés par la décision des autorités ivoiriennes, est bien
possible sur le sol malien. «À présent, les ignames sont produites en quantité
dans la région de Sikasso. Mais, dans les investissements, la patate douce et
la pomme de terre ont pris le pas sur l’igname».
Selon lui, les isohyètes de
Sikasso et de Kita sont des zones par excellence pour la culture de la banane
plantain, de l’igname et du thé. Il y a aussi la zone pré-guinéenne, qui
enregistre plus de 1.300 millimètres de pluie. «La recherche est là pour
accompagner les producteurs. Il suffit que les autorités orientent la recherche
vers ces cultures et qu’on mette les moyens, pour arriver à une production à
grande échelle afin de contribuer à l’atteinte de la sécurité alimentaire dans
notre pays», plaide le directeur général de l’IER.
De l’analyse du président de l’Assemblée
permanente des chambres d’agriculture du Mali (Apcam), Sanoussi Bouya Sylla,
cette situation affecte beaucoup plus les commerçants et les praticiens
ivoiriens que ceux du Mali. Et pour cause, argumente-t-il, la dépendance de
notre pays aux produits cités n’est pas aussi signifiante que certains
voudraient le faire croire.
«Combien de familles au Mali consomment de la
banane plantain, de l’attiéké ou de l’igname?, s’interroge-t-il. Et de faire
remarquer que souvent, les citadins ont tendance à tout analyser uniquement à
l’échelle de la seule ville de Bamako. Sanoussi Bouya Sylla affirme qu’il n’y
aura pas, concernant l’igname, «d’impact majeur, car notre pays en est également
un gros producteur, notamment dans la Région de Sikasso». En somme, rassure le
premier responsable de la faîtière des agriculteurs, «l’impact sur la
consommation malienne est quasi nul. Il n’y a vraiment pas de quoi s’alarmer…
Pour les agriculteurs maliens, c’est un non-événement».
Le président de l’Apcam soutient que cette décision
des autorités ivoiriennes est une opportunité pour le Mali, où les terres sont
favorables à la production de tous les produits concernés. «Mais certaines
facilités, comme les droits de douane et les coûts de transport, ont fait que
ceux qui produisent ces produits ne les considèrent plus comme rentables.
Aujourd’hui, avec cette décision, ils peuvent redevenir rentables, et les gens
peuvent se positionner par rapport à ces produits», explique-t-il.
En
attendant, prône-t-il, « ceux qui mangent l’alloco, peuvent très bien se
tourner vers la patate douce. L’igname est disponible. Et pour ceux qui
consomment de l’attiéké, peuvent se tourner vers le «Djouka». Sanoussi Bouya
Sylla rassure que les autorités de la Transition sont en train de prendre
plusieurs dispositions pour garantir la souveraineté alimentaire.
Amadou GUEGUERE
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