Adama Kanté de Sènè Invest : Entrepreneur de talent ou arnaqueur de génie ?

La suite des événements donnera peut-être une réponse à la question. Le jeune homme avait tout pour séduire : communication bien rodée dans les grands médias et gains mirobolants. Mais la belle expérience a tourné court. L’homme est aujourd’hui introuvable. Et les investisseurs ont toutes les raisons de croire qu’ils ont été bernés

Publié jeudi 20 avril 2023 à 05:14
Adama Kanté de Sènè Invest : Entrepreneur  de talent ou arnaqueur de génie ?

Il est 20 heures quand nous rencontrons un jeune homme «investisseur» dans un restaurant de la place. B.T est dans le creux de la vague depuis plusieurs mois. Amertume, regret et colère sont des sentiments qui l’animent. La raison ? Il s’est fait flouer par un certain Adama Kanté qui l’avait incité à investir des millions dans l’entreprise «Sènè Invest». Comme B.T, ce sont des centaines de Maliens de l’intérieur et surtout de l’extérieur qui tentent désespérément de récupérer leur argent investi dans cette fameuse entreprise agricole.

B.T a fait la découverte d’Adama Kanté suite à un reportage de la chaine TV5 Monde en décembre 2022. Auparavant, en 2020, Kanté avait publié une vidéo de lui-même, couvert de boue et au fond d’un puits qu’il prétendait creuser. Cette vidéo récolte très rapidement des millions de vues sur les réseaux sociaux.

La Radiotélévision belge francophone (RTBF), la Deutsche Welle (télévision allemande) et plusieurs médias locaux s’intéressent ainsi au projet de ce jeune homme de 23 ans. Son histoire impressionne même le prestigieux magazine d’affaires américain «Forbes», qui le classe en 2022 parmi les 30 Africains de moins de 30 ans qui façonnent l’Afrique de demain. Des universités l’invitent à prendre la parole devant leurs étudiants. De quoi convaincre les plus sceptiques !

«Une bonne communication et marketing sur les réseaux, ses bureaux dans un immeuble du quartier des affaires de l’ACI 2000, ses prestations avec la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) et les reportages des médias les plus crédibles d’Afrique et d’Europe m’ont convaincu», avoue B.T qui décide donc de contacter Adama Kanté sur les réseaux sociaux. Le premier rendez-vous fixé, B.T se rend dans les locaux de Sènè Invest à Niamakoro Kourani, où il engage 2 millions de Fcfa en cash.


«L’entrepreneur» propose 40% de bénéfice sur l’investissement initial et des dividendes en 2 semestres pour 20% ou 10% par trimestre. B.T opte pour la dernière. Il ne percevra que ses gains des deux premiers trimestres. «Chaque fois que je l’appelais, il trouvait des excuses pour me faire patienter», explique B.T qui, paradoxalement, incitait au même moment des connaissances à investir chez Sènè Invest. «Je l’ai mis en contact avec des cousins au Maroc. Il leur a fait la même proposition. Le partenaire marocain de mes cousins, après discussions avec Adama Kanté, leur a dit que le monsieur est un arnaqueur». Ce qui aurait dû être un deuxième avertissement.

 

INJOIGNABLE- B.T continue de fréquenter Adama Kanté qui lui propose d’investir dans une société de livraison. Il y mettra 1 million de Fcfa. Puis, il accorde au jeune ambitieux un prêt de 3 millions de Fcfa (remboursable au bout de 25 jours avec un intérêt de 35%) pour exécuter un soi-disant marché de la Mission onusienne au Mali.

Le calvaire de B.T commence quand il a voulu faire pression pour récupérer son argent. Adama Kanté devient injoignable sur son téléphone et sur les réseaux sociaux. Désemparé, B.T se paye les services d’un huissier pour trouver une solution. Adama Kanté ne se présente à aucune des 4 audiences du Tribunal du commerce. Il est condamné à rembourser l’argent de B.T et les frais de justice.

Afin de voir plus clair dans cette affaire, nous avons soumis à un expert du domaine un contrat d’investissement entre Sènè Invest et un de ses investisseurs. «Il contient plusieurs manquements et incohérences passibles de poursuites judiciaires autant contre l’entrepreneur que contre l’investisseur», analyse Cheick Oumar Soumano, conseiller en investissement et promoteur du cabinet COS-Solution.


Le spécialiste définit un investisseur comme un complément de l’entrepreneur, dans le sens où l’entrepreneur met en œuvre une idée à travers des collaborateurs directs ou des institutions de financement. «Pour ce cas spécifique, on voit l’emprunteur et l’investisseur. L’investisseur est le préteur et l’entreprise devient l’emprunteur. Ce qui signifie qu’on est en face d’un contrat de crédit ou prêt», soutient le conseiller en investissement.

De prime abord, fait remarquer le spécialiste, le taux d’intérêt de 40% stipulé dans le contrat est surréaliste dans l’état exceptionnel actuel du Mali et cela constitue une violation de la législation de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Selon cette institution financière, deux catégories de structures effectuent ce type d’opération.

Les premières sont les institutions bancaires qui ne doivent pas dépasser un taux de rémunération de 15% l’année soit 1,5% le mois (sur 1 million investi on obtient 150.000 Fcfa sur 1 an). Et la seconde catégorie est constituée des Systèmes financiers décentralisés (SFD) ou institutions de microfinance (IMF) qui sont autorisés à appliquer un taux d’intérêt de 24% par an, soit 2% par mois.


La deuxième remarque est que l’entreprise Sènè Invest est une Société à responsabilité limitée (Sarl). Mais Adama Kanté signait ses contrats en qualité de directeur général contrairement à gérant. Il s’agit là d’un manquement à la législation. Selon la loi, le titre de directeur général ne s’applique qu’à une société anonyme (SA). Pour notre expert, il y a une usurpation de titre assimilable à de l’escroquerie. Le troisième point sur lequel Cheick Oumar Soumano attire l’attention, c’est la référence au registre de commerce.


Les éléments mis en avant dans les contrats de Sènè Invest pour identifier cette référence, ne sont pas ceux qui incarnent le registre de commerce. En effet, son immatriculation 42102529250056T est un faux car au Mali, l’immatriculation d’une entreprise se présente sous la forme MA-BKO-Année-A-4 chiffre-A-une lettre, soit MA-BKO-2023-1234-A-M par exemple. L’on peut en déduire que Sènè Invest n’est pas immatriculée.

 

PYRAMIDE DE PONZI- Le numéro d’identification fiscale semble correct, mais il renvoie à celui d’une entreprise individuelle alors qu’Adama Kanté signale que son entreprise est une Sarl. Contradiction ! En plus, le capital social de l’entreprise n’est jamais signalé dans les contrats alors que sa mention est obligatoire. Sans compter que le jeune Kanté a créé une myriade de sociétés rattachées à Sènè Invest qui, elle-même, est illégale au Mali. Elle englobe neuf sociétés que sont Sènè Islamic finance, Food santé, Sugu mobile, Coq rich, Free Food, Sènè Express, Sènè Imprim, Sènè résidence et Sènè immobilier. Sa valeur serait estimée à 300 millions de Fcfa.

C’est en novembre 2022 qu’Adama Kanté avait lancé un lever de fonds pour Sugu mobile. Le faisant, il avait foulé aux pieds toutes les règles connues en la matière. Il se garde de spécifier la nature de Sugu mobile et fixe la part sociale de sa nouvelle trouvaille à 50.000 Fcfa. Et sur les documents, Sugu mobile n’est relié à aucune structure alors qu’il est censé être un démembrement de Sènè Invest. Cette nouvelle entité se voulait un marché de proximité, où les populations pouvaient s’approvisionner en légumes, fruits, viande, poisson et autres produits. Bassirou Diarra, un ancien superviseur de Sugu mobile, témoigne : «J’ai travaillé deux mois sans salaire avant d’abandonner. Il m’avait confié la gestion de 3 Sugu. Plus tard, j’ai appris que la structure était déjà en faillite.»

Toutes nos tentatives pour rentrer en contact avec Adama Kanté ont été infructueuses. Au micro d’une web TV, il s’est défendu d’être un arnaqueur tout en admettant que sa société a eu une «panoplie de problèmes dont le management, le recrutement, le manque de professionnalisme, les malversations de certains membres de l’équipe, des cas de vols par des employés». Comme pour rassurer ses «partenaires», Adama a promis une «prise de contact pour négocier les échéances, lancer un audit, réorganiser et mieux structurer l’entreprise». En attendant, il est en cavale pour, dit-il, se  protéger des menaces de mort».

Ce phénomène n’est pas nouveau au Mali bien qu’il s’adapte à l’évolution des nouvelles technologies. Dans les années 90, les Maliens ont connu le phénomène Badiallo. S’en est suivi dans les années 2000, le réseau Q-Net qui aurait dépouillé des millions de personnes dans la sous-région. Plus récemment, l’application dénommée Open AI aurait fait plus de 700.000 victimes. Le modèle sur lequel est basé ces arnaques, est mondialement connu sous le nom de pyramide de Ponzi. Il s’agit là d’un montage financier frauduleux qui consiste à rémunérer les investissements des clients essentiellement par les fonds procurés par les nouveaux entrants.

Le sociologue Bréhima ély Dicko estime que la récurrence de ce phénomène révèle la cupidité des hommes. Et qui n’est pas propre à la société malienne. Le Nigeria, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Bénin et au-delà sont des exemples où les jeunes utilisent les nouvelles technologies pour s’enrichir. «Il y a une envie de s’enrichir vite, peu importe le moyen. L’individualisme s’est développé dans notre société, les gens veulent s’enrichir pour exhiber leur fortune et que d’autres fassent leurs éloges», analyse le sociologue.

Comment éviter des pièges du genre Sènè Invest ? Cheick Oumar Soumano donne quelques conseils. D’abord, avant d’investir dans une entreprise, il faut se renseigner sur la date de sa création, son dirigeant, son parcours personnel, sa situation auprès des services des impôts, son chiffre d’affaires. Autres questions à se poser : la société a-t-elle déjà versé des dividendes à ses investisseurs ? Tient-elle son conseil d’administration ? «Si un potentiel investisseur ne peut pas répondre à ces questions, il doit s’offrir les conseils d’un cabinet en investissement pour le guider», conseille Cheick Oumar Soumano.


Le conseiller en investissement est un expert qualifié dans le domaine des questions financières. Il est à même d’aider les demandeurs (clients) à décider quel produit financier correspond à leur besoin. De l’avis de Bréhima ély Dicko, il y a un manque de culture financière et d’éducation financière de masse. Un curriculum doit être développé pour éduquer les gens dans ce sens, suggère-t-il.

Oumar SANKARE

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