Dragage à Samaya : Le fleuve Niger sous haute pression

Cette activité s’impose comme la principale source de revenus pour des centaines de familles de ce village. Cependant, elle met en péril l’équilibre fragile du fleuve Niger

Publié jeudi 09 octobre 2025 à 07:52
Dragage à Samaya : Le fleuve Niger sous haute pression

Dans ce village situé à trois kilomètres de Banankoro et à une quarantaine de kilomètres de Kangaba, l’or a transformé le quotidien des populations riveraines. Ici, le fleuve Niger n’est plus seulement un espace de vie et de pêche. Il est devenu le théâtre du dragage artisanal, une pratique qui bouleverse l’équilibre écologique du milieu.

Le voyage vers Samaya commence par la traversée du fleuve. À bord d’une pirogue, le décor frappe immédiatement : un ciel voilé par les fumées des feux à ciel ouvert, des berges occupées par des installations de fortune et, au loin, le grondement continu des moteurs de dragues. Les tuyaux recrachent des fumées noires tandis que le bruit assourdissant des machines couvre toute conversation. «On ne s’entend plus ici», confie un passager en désignant les dragues amarrées au milieu de l’eau.

Sur le fleuve, l’activité bat son plein. Des dizaines de dragues flottent, reliées par des câbles et alimentées par des moteurs. Des jeunes hommes s’activent, espérant, à la tombée du jour, retourner en «cabane» avec quelques grammes d’or arrachés du lit du Niger.

Mais cette quête a un prix. Le dragage fragilise les berges, détruit les habitats aquatiques et raréfie le poisson, jadis abondant. «L’eau est trouble, nos filets ressortent presque vides», déplore un pêcheur rencontré sur place. L’environnement sonore et visuel est lui aussi bouleversé, plongeant les habitants dans un vacarme permanent.

Parmi les nombreux jeunes qui vivent de cette activité, Seydou Diawara, 34 ans, père de famille. Sans machine personnelle, il travaille pour le compte d’un propriétaire qui met à sa disposition son matériel. «Le prix d’une drague artisanale varie entre 4 et 5 millions de Fcfa. C’est énorme. Alors, on travaille pour quelqu’un, en sous-traitance, jusqu’à pouvoir en acheter une. Mais cela prend beaucoup de temps», explique-t-il.


Il approuve la d
écision des autorités de mettre un terme aux activités des dragues, mais rejette l’idée que leur utilisation soit la principale cause de la dégradation du fleuve. «Le vrai problème, ce sont les machines sophistiquées utilisées par les étrangers», soutient-il, demandant que l’activité soit encadrée plutôt qu’interdite.

Seydou Coulibaly, un autre dragueur expérimenté, affirme exercer ce métier depuis près de vingt ans. Rencontré sur les berges en train de démonter sa machine, il témoigne : «Dans ce pays, il n’y a pas de travail. Nous faisons ce métier malgré nous, juste pour nourrir nos familles. C’est pénible et risqué, mais on n’a pas le choix.» Ses gains oscillent entre 20.000 et 25.000 Fcfa par semaine.


Sur le fleuve, l’activité bat son plein

Selon les dragueurs, ce sont les propriétaires de machines qui négocient avec les autorités pour obtenir des autorisations. Des informations recueillies sur place révèlent que des patrouilles ont récemment incendié des centaines de dragues sur le fleuve, vers Samaya.

Pour limiter les risques du métier, certains apprentis suivent une formation. C’est le cas de Baba Kouada, originaire de Mopti, qui apprend le métier depuis trois ans. «En saison des pluies, l’or se fait rare à cause de la montée des eaux. Mais en temps normal, une drague peut rapporter jusqu’à deux millions de Fcfa. Nous ne voulons pas d’aide, seulement qu’on nous laisse travailler», affirme-t-il. Comme beaucoup, il estime que le dragage artisanal a peu d’impact sur l’environnement, comparé à l’utilisation de produits chimiques.


À l’opposé, le chef du village de Samaya, Lanceï Diawara, dénonce les ravages causés par l’activité. «Le dragage détruit nos fleuves et nos poissons. Il est devenu dangereux de boire l’eau tant sa qualité est dégradée. Autrefois, on arrêtait cett
e activité pendant l’hivernage pour aller aux champs», regrette-t-il. Selon lui, le dragage entrave même la navigation sur le fleuve Niger et augmente les risques d’accidents. «Cette pratique est soutenue par certaines autorités, sinon elle aurait déjà cessé. Nous demandons qu’on y mette définitivement fin, car elle n’apporte rien de bon au village», conclut-il avec fermeté.

À Samaya, comme ailleurs au Mali, le dragage illustre le dilemme entre survie économique et préservation de l’environnement. Si pour des milliers de familles, il représente une source de revenus, il apparaît pour d’autres comme une menace pour le patrimoine naturel. Entre l’espoir de tomber sur un filon d’or providentiel et la destruction écologique, le fleuve Niger paie aujourd’hui un lourd tribut pour ce «far west» des temps modernes.

Envoyé spécial

Makan SISSOKO

Lire aussi : Kita: Des terroristes neutralisés et des moyens roulants interceptés

Dans un communiqué rendu public ce mardi, l’Etat-major général des armées a livré le bilan des opérations menées hier lundi 10 novembre dans le secteur de Soribougou où des terroristes ont été neutralisés, une base démantelée et des moyens roulants interceptés.

Lire aussi : Diaspora malienne : Mossa Ag Attaher visite des familles rapatriées et la cité des Maliens de l’extérieur

Le ministre des Maliens établis à l’Extérieur et de l’Intégration africaine, Mossa Ag Attaher, a effectué, le vendredi 31 octobre, une visite de courtoisie au sein de deux familles de la diaspora malienne qui ont demandé à être rapatriées au Mali..

Lire aussi : Ségou : Le Gouverneur de la région réceptionne 17 citernes d’hydrocarbures

«Essenci nana, essenci nana». En français, «le carburant est arrivé». C’est sous des acclamations empreintes de liesse populaire que les autorités régionales ont réservé un accueil particulièrement chaleureux au convoi de 17 citernes de carburant arrivé hier aux environs de 11h35 à S.

Lire aussi : Développement industriel : L’opérateur Oumar Niangadou répond à l’appel du gouvernement

Son usine de production de détergent en poudre, située dans la zone aéroportuaire, a une capacité de production de 70.000 tonnes par an. Elle emploie 170 travailleurs permanents.

Lire aussi : Mali-Arabie Saoudite : Un nouvel accord pour améliorer les conditions du Hadj pour les pèlerins maliens

Le ministre des Affaires religieuses, du Culte et des Coutumes, Mahamadou Koné et le directeur général de la Maison du Hadj, Abdoul Fatah Cissé, sont présents à la Conférence internationale sur le Hadj qui se tient à Djeddah en Arabie Saoudite..

Lire aussi : Éducation : Les élèves reprennent le chemin de l’école

Cette reprise des cours est intervenue après une suspension de deux semaines et conformément au calendrier établi. Dans les différents établissements scolaires, les élèves ont répondu à l’appel dans le grand calme.

Les articles de l'auteur

Incendie au siège de Kafo Jiginew : Les citoyens invités à ne pas stocker de carburant à domicile

-.

Par Makan SISSOKO


Publié lundi 10 novembre 2025 à 21:14

Kafo Jiginew : Le siège entièrement consumé

Un violent incendie dévastateur s’est déclaré ce lundi 10 novembre 2025, vers 14h au siège de la Direction de Kafo Jiginew, selon les informations de l’ORTM..

Par Makan SISSOKO


Publié lundi 10 novembre 2025 à 19:38

Niamey : Les ministres de la Défense de l’AES évaluent la mise en place de la force unifiée

Le Général de corps d’armée Sadio Camara du Mali, le Général de brigade Célestin Simporé du Burkina Faso et le Général d’armée Salifou Mody du Niger ont réaffirmé leur unité autour de la Force unifiée de l’AES.

Par Makan SISSOKO


Publié lundi 10 novembre 2025 à 07:41

Niamey : Les ministres de la Défense de la Confédération des États du Sahel réaffirment leur unité autour de la Force unifiée

Les ministres chargés de la Défense du Niger, du Mali et du Burkina Faso, membres de la Confédération des États du Sahel (CES), se sont réunis le vendredi 7 novembre 2025 à Niamey dans le cadre du renforcement de la coopération militaire entre les trois pays..

Par Makan SISSOKO


Publié samedi 08 novembre 2025 à 10:51

Banques de semences communautaires : Une charte pour renforcer la résilience agricole au Sahel

Le document définit les principes, objectifs, règles de fonctionnement et valeurs d’une banque communautaire de semences. Objectif : promouvoir les semences locales, tout en protégeant les droits des agriculteurs et la biodiversité.

Par Makan SISSOKO


Publié vendredi 07 novembre 2025 à 15:05

Cercle de Kolondiéba : Une attaque terroriste déjouée par les FAMa

Les Forces armées maliennes (FAMa) ont encore frappé un grand coup contre les groupes armés terroristes dans le sud du pays. Selon un communiqué de l’état-major général des Armées, des vecteurs aériens FAMa, en mission de surveillance et d’appui à un convoi de carburant sur l’axe Kadiana–Bougouni, ont ce jeudi matin détruit plusieurs positions terroristes dans les localités de Donièna, Kouen et Bessina, relevant du Cercle de Kolondiéba..

Par Makan SISSOKO


Publié jeudi 06 novembre 2025 à 16:19

Crise liée au transport du carburant : Le Premier ministre rencontrera ce jeudi les syndicats de chauffeurs

Dans le cadre de la gestion de la crise liée au transport du carburant, le Premier ministre, Général de division Abdoulaye Maïga rencontrera ce jeudi 6 novembre 2025 à 10 heures, à la Primature l’ensemble des syndicats de chauffeurs et de conducteurs routiers du Mali..

Par Makan SISSOKO


Publié mardi 04 novembre 2025 à 15:21

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner