
L’Essor : Quel regard portez-vous sur la situation sociopolitique du Mali ?
Mamadou Oumar Sidibé : La situation sociopolitique du Mali est
marquée par de défis multidimensionnels résultant de facteurs à la fois
internes et externes. D’un côté, nous faisons face à une insécurité exacerbée
par les conflits armés et le terrorisme. De l’autre, le Mali traverse une période
de transition politique où les attentes de la population sont immenses
notamment en matière de gouvernance, de stabilité économique, de réconciliation
nationale et de restauration de l’ordre constitutionnel.
Au niveau sociétal, malgré ces défis, les Maliens ont montré une résilience
admirable face à l’adversité. Toutefois, il est crucial que cette transition débouche
sur un retour à l’ordre constitutionnel normal, plus inclusif, démocratique et
stable.
En tant que président du Forum des partis et mouvements politiques, qui
s’engage à rassembler les formations politiques en vue de mener des discussions
consensuelles sur les grands enjeux d’intérêt national, je considère qu’il est
plus que jamais essentiel de favoriser un dialogue ouvert et constructif entre
toutes les forces vives de la nation. Ce dialogue est indispensable pour
trouver des solutions durables en phase des aspirations populaires. Le bien-être
des Maliens doit être au cœur des priorités de notre gouvernance et des réformes.
Je souligne également l’importance de la liberté d’expression, un
pilier fondamental pour toute démocratie. Il est crucial que le gouvernement
garantisse un environnement où les partis politiques, les acteurs de la société
civile et les citoyens puissent s’exprimer librement et contribuer pleinement
au processus de la transition. Un débat public ouvert et transparent est la clé
pour un Mali démocratique et réconcilié.
L’Essor : Que retenez-vous de 2024 en termes de bilan ?
Mamadou Oumar Sidibé : L’année 2024 a été décisive pour le Mali
marquée par des progrès mais aussi des défis. Si des avancées notables ont été
réalisées notamment avec l’annonce de la tenue prochaine des élections, il
reste encore beaucoup à faire pour transformer ces intentions en réalités concrètes.
Sur le plan institutionnel, des initiatives ont été prises pour réformer
la justice, améliorer le système électoral et introduire des mécanismes de
transparence dans la gestion des affaires publiques. Ces réformes sont
essentielles mais elles nécessitent une mise en œuvre effective et sans
compromis pour garantir leur succès.
Sur le plan sécuritaire, des progrès ont été accomplis grâce au
renforcement des capacités des Forces armées et de sécurité ainsi qu’à
l’acquisition d’équipements sophistiqués. Cela a permis de réduire les menaces
dans plusieurs zones bien que des attaques meurtrières et des violences
continuent de secouer certaines régions notamment dans le Centre.
Au niveau économique, bien que des efforts aient été faits pour
relancer l’agriculture et soutenir le secteur minier, la hausse des prix des
denrées alimentaires a eu un impact négatif sur le pouvoir d’achat des
citoyens. La question de la production d’énergie demeure également un défi
majeur, malgré l’annonce de nouvelles centrales photovoltaïques qui peinent
encore à démarrer.
Concernant le renforcement des relations bilatérales, le Mali a
intensifié ses partenariats avec la Russie, la Chine et la Turquie particulièrement
dans les domaines militaire et diplomatique en réponse à la réduction de
l’influence occidentale et cherchant à diversifier ses alliances
internationales. Aussi, le Mali a renforcé la coopération avec ses voisins
du Burkina Faso et du Niger dans le cadre de l’Alliance des
États du Sahel (AES) visant à lutter contre le terrorisme et promouvoir la
stabilité au Sahel. Cette initiative s’est consolidée en 2024 en tant que bloc
régional face aux pressions extérieures.
Sur le plan politique intérieur, l’année 2024 a été marquée par la suspension des activités des partis politiques et des associations à caractère politique invoquant des préoccupations d’ordre public et la nécessité d’un dialogue inter-Maliens pour la paix et la réconciliation nationale. Cette mesure a été levée en juillet marquant un retour progressif à une vie politique plus ouverte. Cependant, l’arrestation des 11 leaders de partis politiques et mouvements signataires de la «Déclaration du 31 mars 2024», suivie de leur libération en décembre après plus de 5 mois de détention, a fragilisé le dialogue politique. Nous regrettons ces initiatives et soulignons la nécessité d’une politique plus inclusive et respectueuse des droits fondamentaux.
Pour ma part, en tant que président du Forum des partis et mouvements
politiques, nous travaillons avec détermination pour assurer la cohésion et
l’unité au sein de la classe politique en mettant l’accent sur la recherche du
consensus autour des grandes questions nationales. Enfin, au sein du
PRVM-Fasoko, 2024 a été marquée par une structuration interne réussie et un
renforcement de notre influence politique avec une attention particulière portée
à l’implantation de nos structures de base et à la consolidation de notre
communication.
L’Essor : Le Premier ministre a engagé des concertations notamment avec la classe politique avec la perspective d’organiser des élections. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Mamadou Oumar Sidibé : Je salue l’initiative du Premier ministre
d’engager des concertations avec la classe politique en vue de préparer les élections
à venir et rétablir l’ordre constitutionnel. Ces concertations sont primordiales
pour créer un climat de confiance et d’unité nationale. C’est un pas dans la
bonne direction.
Cependant, il faut être clair : les concertations doivent aller au-delà des déclarations d’intention et se traduire par des actions tangibles. Cela nécessite la mise en place d’un fichier électoral fiable, la définition claire du calendrier électoral et l’assurance totale d’indépendance de l’Aige.
Le PRVM-Fasoko plaide pour des élections qui reflètent la volonté
populaire et qui puissent véritablement renforcer nos institutions démocratiques.
Il est impératif que ces élections ne soient pas seulement un acte formel mais
qu’elles constituent un véritable levier pour la refondation de notre système
politique et institutionnelle.
L’Essor : Quelles sont vos attentes pour l’année 2025 ?
Mamadou Oumar Sidibé : L’année 2025 doit être celle du renouveau,
un tournant décisif pour la transition. Nous attendons une transition réussie
qui se traduise par l’organisation d’élections libres et transparentes en vue de
l’instauration d’institutions solides capables de renforcer l’État de droit et
la justice sociale.
Je nourris l’espoir que 2025 soit également l’année où le Mali pourra
surmonter définitivement ses défis sécuritaires et rétablir l’autorité de l’État
sur l’ensemble du territoire national afin que la paix et la stabilité règnent
dans toutes les régions. Sur le plan économique et social, il est urgent de
relancer les projets de développement pour améliorer les conditions de vie des
Maliens notamment dans les secteurs clés tels que l’électricité, l’éducation,
la santé, l’agriculture et les infrastructures. L’année 2025 doit également être
celle de la réconciliation nationale et de l’unité, des valeurs vitales pour
surmonter les défis actuels et bâtir un avenir prospère pour le Mali.
Je profite de cette occasion pour adresser, à tous les Maliennes et
Maliens, mes vœux les plus sincères pour l’année 2025. Que cette nouvelle
année soit celle de la paix, de la justice, de la stabilité et de la prospérité
pour notre cher Mali. En unissant nos forces, nous relèverons les défis et
construirons un avenir radieux pour nos enfants et pour les générations à
venir.
Propos recueillis par
Massa SIDIBE
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