Après la promulgation de la Constitution : Fini le nomadisme politique

Acteurs politiques et experts sont unanimes que la nouvelle Constitution, promulguée le samedi 22 juillet dernier par le président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, met fin au nomadisme des élus de la nation. Ce qui, à leurs avis, contribuera à moraliser la vie politique, crédibilisant ainsi le politique aux yeux des électeurs

Publié mardi 22 août 2023 à 05:36
Après la promulgation de la Constitution : Fini le nomadisme politique

La Constitution désormais en vigueur dans notre pays sanctionne le nomadisme politique d’un élu. À cet effet, l’article 106 du texte dispose : «Tout député ou tout sénateur, qui démissionne de son parti politique ou de l’organisation qu’il représente, est déchu de son mandat.

La démission est dûment constatée par écrit. L’adhésion à un autre parti ou à une autre organisation est considérée comme une démission. Le député ou le sénateur démissionnaire est remplacé dans les conditions déterminées par une loi organique». C’est fini, du moins dans le texte fondamental, le nomadisme en cours de mandat dans notre pays.

La  promulgation  de la Constitution, le samedi 22 juillet dernier par le président de la Transition le colonel Assimi Goïta, met fin à cette gangrène qui avait sérieusement rongé les partis politiques. Cela intervient après la proclamation des résultats définitifs par la Cour constitutionnelle qui a vu le Oui l’emporter avec 96,91%.

Ces résultats sont obtenus à l’issue des scrutins référendaires des dimanches 11 et 18 juin. Considéré comme une faille de la démocratie  malienne, le nomadisme politique, il y a belle lurette, a été décrié par les leaders politiques qui sont à la fois victimes et acteurs de ce jeu trouble. C’est à juste titre que notre rédaction s’est  intéressée à la problématique pour apporter des éclairages sur le sujet.

 

STABILITÉ POLITIQUE ET SOCIALE- L’enseignant-chercheur chargé des questions politiques et sociales à l’École normale supérieure (Ensup) de Bamako, Bakabigny Keïta souligne que la Constitution ne mettra pas fin au changement de parti des militants, mais avec elle, il ne sera plus possible qu’un élu change de formation politique en cours de mandat.


Il ajoute que l’élu ne pourra changer de parti qu’après son mandat au risque de le perdre. Toutefois, indique-t-il, la Constitution ne prévoit pas de permettre au parti d’origine de remplacer un élu qui change de parti pendant son mandat. Pour l’enseignant-chercheur, le député ou le sénateur en perdant le mandat pour une raison ou une autre, il le fait perdre également à son parti d’origine. Or, de l’avis de Bakabigny Keïta, ce parti n’y est pour rien.

Pour corriger cet état de fait, le spécialiste des questions politiques propose de prendre des décrets d’application qui vont garantir le mandat de l’élu démissionnaire à sa formation. La fin du nomadisme politique, fait savoir Bakabigny Keïta, contribuera à la stabilité politique et sociale de notre pays à travers le renforcement de l’égalité et de la démocratie. «En mettant fin au nomadisme politique, la Constitution se présente comme garante de la démocratie et à contrario comme adversaire de l’oligarchie (pouvoir de la richesse)», analyse l’enseignant-chercheur.


Selon lui, l’article 106 de la Loi fondamentale est une avancée majeure pour notre démocratie.  En dehors de cet article, le domaine politique reste exposé au pouvoir de l’argent et de celui de la grande hiérarchie administrative, explique-t-il. Le professeur d’enseiggnement supérieur affirme que l’effet politique de l’article 106 est de protéger les acteurs politiques individuels ou collectifs faibles contre les plus forts.

Afin, soutient-il, de créer un équilibre entre les forces actives sur la scène politique. Ainsi, Signale-t-il, la Constitution se propose de guérir le jeu politique du mal du nomadisme. L’expert déplore que notre Loi suprême n’ait pas organisé les partis politiques selon des orientations politiques, économiques, sociales et philosophiques.

 

MORALISATION DE LA VIE PUBLIQUE- L’un des acteurs de la révolution de mars 1991, Me Mountaga Tall aborde la thématique en considérant l’interdiction du nomadisme politique  comme l’une des innovations salutaires de la Constitution. Le président du Congrès national d’initiative démocratique (Cnid) ajoute qu’il ne sera interdit à personne de changer de parti. C’est un choix libre, insiste-t-il. «Par contre, nul ne sera désormais autorisé à changer de parti en amenant avec soi, le mandat du parti. Cet acte est une déloyauté. C’est à cela qu’il faut mettre un terme», note Me Tall, se réjouissant que ce soit une avancée dans la moralisation de la vie publique. «Oui, c’est la fin du nomadisme politique», soutient-il.

Le leader politique maintient que le nomadisme politique a dévalorisé l’action politique au-delà, l’action publique et les hommes politiques. Pour lui, il est inadmissible qu’un candidat batte campagne avec les couleurs et les programmes d’un parti politique et que juste après son élection, celui-ci vende son mandat au plus offrant. Il affirme que cela peut amener les électeurs à s’interroger et à s’écarter de la vie publique.

Le nomadisme est l’une des raisons qui ont creusé davantage l’écart entre la classe politique et les citoyens, dénonce l’ancien ministre. «Si aujourd’hui, il y a une volonté réelle de moraliser ce point, ce n’est que bénéfic pour l’action publique au-delà de l’action politique», reconnaît Me Mountaga Tall.


D’après notre interlocuteur, il est bon qu’un homme politique donne l’exemple, qu’il soit un miroir. De son point de vue, les hommes politiques ne devraient même pas attendre un tel texte pour avoir un comportement moralement acceptable. De ce fait, dit-il, l’éthique et la morale doivent être la boussole, non pas la contrainte. C’est pourquoi, le Cnid, par la voix de son président, dit n’avoir jamais accepté de recevoir quelqu’un qui a quitté son parti avec son mandat.

Par contre, fait remarquer le leader politique, parmi ceux qui ont voulu quitter le Cnid étant élus aucun n’a survécu politiquement. En tout cas, Me Tall semble garder son aura dans le landerneau politique malien, hier comme aujourd’hui. Quant au secrétaire général de l’Adéma-PASJ, il se demande plutôt qu’avec cette disposition constitutionnelle, s’il n’existe pas là un autre piège qui favoriserait les candidatures indépendantes au détriment des partis politiques.


Néanmoins, Yaya Sangaré relève qu’avec la promulgation de la Constitution, même si l’on n’assiste pas à la fin du nomadisme politique, il pourra être mieux encadré. «Le nomadisme politique est un fléau pour la démocratie, en ce qu’il instrumentalise les élus en quête de quelques avantages matériels et de promotion politique, fragilise les équilibres et les contrepoids nécessaires au bon fonctionnement de la démocratie, cultive et entretient même l’immoralisme en politique», argument l’ancien ministre. Indiquant  que la disposition constitutionnelle le concernant est une avancée à saluer, en ce sens qu’elle participe à la prise de conscience du fléau du nomadisme politique. Mais, prévient-il, son traitement peut s’avérer insuffisant si l’on ne l’attaque pas à sa racine.

 

DEMANDE FORTE DE LA CLASSE POLITIQUE- L’article concerné, poursuit Yaya Sangaré, établit désormais un lien contraignant entre le parlementaire élu sur la liste électorale d’un parti politique et celui-ci. Selon lui, tout retrait de ce parti, en plein mandat, met fin à l’activité parlementaire de l’élu. S’inscrivant dans la logique de la Constitution, il précise que l’article en question prévoit, en effet, la déchéance pour tout parlementaire qui viendrait à quitter sa formation politique en cours de mandat. Dans ce sillage, le secrétaire général de l’Adéma-PASJ avertit que si tel est le principe, sa mise en œuvre peut s’avérer difficile dans la pratique. D’où ce questionnement de sa part : «Ne s’agit-il pas là aussi d’une remise en cause de l’esprit  du mandat national de l’élu parlementaire au profit du mandat impératif ?».

Pour Yaya Sangaré, cet article a été une demande forte de la classe politique, même au-delà, pour tenter de moraliser certains comportements des politiques qui tranchent avec l’éthique et le respect dû aux choix des mandants. Ce faisant, il laisse entendre que l’encadrement du nomadisme politique devrait permettre à la politique de cesser de devenir une rente. L’acteur politique exhorte les formations politiques à jouer pleinement leur rôle en accomplissant leur noble mission d’éducation civique et de mobilisation des citoyens autour des objectifs de transformation positive de la société.

Abondant dans le même sens, le président du parti Yèlèma (le Changement) révèle que sa formation travaille fondamentalement déjà à construire le bon militant. «Nous avons compris  que le faible militant a plus tendance à transfuger que le militant aguerri. Nous pensons qu’il faut travailler au militantisme et sortir de la notion d’électeur», renchérit Youssouf Diawara, soutenant que l’objectif est de recruter les militants pour les former sur la connaissance des idéaux du parti et de son projet en faveur du Mali. Le leader politique entend se battre afin de  moraliser l’administration publique pour éviter ses influences négatives sur le processus démocratique.


Cette administration, évoque-t-il, doit par essence être neutre vis-à-vis de ces formations. Le plus souvent, l’appareil d’État est l’un des acteurs majeurs de cette transhumance  parce qu’il y a souvent des pressions à plusieurs niveaux qui font que les élus, malgré le mandat qu’ils ont de leurs bases, arrivent soit à faire un transfuge ou aller à l’encontre des décisions du parti, constate le leader de Yèlèma.

Selon lui, il faut travailler fondamentalement à encadrer les pouvoirs publics sur cette question. Sur le nomadisme, le président Diawara est on ne peut plus  explicite : «Le principe est suffisamment décrié par la société, les partis politiques. La fin du nomadisme permettra d’avoir plus d’accent en termes de conduite des responsables politiques  sur le terrain». Partant de là, il ajoute que quand un élu a un mandat de la part d’une base, la  logique voudrait que sa conduite soit en cohérence avec celle-ci.

Par ailleurs, le président de l’Union pour la République et la démocratie (URD) garde de l’espoir  en démontrant qu’avec la Constitution, il y aura un frein total au nomadisme politique au Mali. En clair, cela signifie que les élus ne pourront plus changer ou abandonner le parti qui est parvenu à les faire élire.

Gouagnon Coulibaly témoigne que l’URD fait le management des candidatures en apportant des financements et des supports de campagne. Pour lui, il est du devoir de l’élu de reconnaître cette appartenance. Le patron de l’URD retient que cela facilite la gestion des élus parce que les formations politiques sauront que les candidats qui sont élus, tant qu’ils sont à leur poste, elles peuvent compter sur eux.

Avec cette donne constitutionnelle, il assure que les élus, malgré les désaccords, trouveront des voies et moyens d’accorder leurs violons avec la direction du parti. Le parti a besoin des élus pour suivre sa voix et se conformer à sa position, dit Gouagnon Coulibaly. Cet ancien député reconnait la difficulté de contrôler des élus, malgré les réunions de cadrage avec eux sur certains sujets de la nation.

En définitive, la transhumance politique des députés et des sénateurs est en passe de devenir un vieux souvenir par la contrainte de la Constitution. La fin de cette pratique, peu orthodoxe, a été une demande forte de la classe politique dans sa majorité écrasante. Pourtant, notre Loi fondamentale reste muette sur le cas des maires.


Namory KOUYATE

Lire aussi : Destruction d'un drone de l'Armée : Le Mali traîne l'Algérie devant la Cour internationale Justice

Suite à la destruction d'un aéronef de reconnaissance des Forces armées maliennes, le gouvernement de la Transition a déposé ce jeudi 4 septembre, une plainte contre la République démocratique et populaire algérienne devant la Cour internationale de Justice. L'annonce a été par le gouverne.

Lire aussi : Cinsere-FNR : Le rapport annuel 2024 remis au Chef de l’État

Il en résulte une tendance de réalisation de 387 recommandations sur 517, soit 74,85%. Le document déplore certaines lenteurs notamment dans la mise en œuvre des projets industriels, de reboisement et de barrage.

Lire aussi : Fixation du nombre des membres du gouvernement à 30 au maximum : La Cour constitutionnelle déclare conforme à la Constitution

La Cour constitutionnelle a déclaré, lundi dernier, à travers un arrêt la loi n°2024-38/CNT-RM du 5 décembre 2024 portant loi organique fixant le nombre des membres du gouvernement conforme à la Constitution. Cette décision fait suite à une requête du Président de la Transition à l’ins.

Lire aussi : 36.151 fonctionnaires non enrôlés dans le SIGRH : Les salaires suspendus à compter de septembre 2025

Les salaires des 36.151 agents non enrôlés dans le Système intégré de gestion des ressources humaines (SIGRH) seront suspendus à compter de septembre prochain. La décision a été rendue publique le 26 août dernier par le ministère de l’Économie et des Finances, Alousséni Sanou, dans un.

Lire aussi : Communiqué du conseil des ministres

Le Conseil des Ministres s’est réuni en session ordinaire, le mercredi 27 août 2025, dans sa salle de délibérations au Palais de Koulouba, sous la présidence du Général d’Armée Assimi GOITA, Président de la Transition, Chef de l’Etat..

Lire aussi : Communiqué du conseil des ministres du mercredi 27 août 2025

Le Conseil des Ministres s’est réuni en session ordinaire, le mercredi 27 août 2025, dans sa salle de délibérations au Palais de Koulouba, sous la présidence du Général d’Armée Assimi GOITA, Président de la Transition, Chef de l’Etat..

Les articles de l'auteur

Cinsere-FNR : Le rapport annuel 2024 remis au Chef de l’État

Il en résulte une tendance de réalisation de 387 recommandations sur 517, soit 74,85%. Le document déplore certaines lenteurs notamment dans la mise en œuvre des projets industriels, de reboisement et de barrage.

Par Namory KOUYATE


Publié vendredi 29 août 2025 à 08:41

Visite du Premier ministre burkinabè : Une séance de travail féconde pour la concrétisation de la vision des chefs d’État

Rimtalba Jean-Emmanuel Ouédraogo a fait le tour de quelques questions d’intérêt commun à nos deux pays et dans le cadre de la Confédération AES avec son homologue, le Général de division Abdoulaye Maïga, hier à la Primature. Les deux personnalités ont ensuite visité le Palais des pionniers.

Par Namory KOUYATE


Publié vendredi 22 août 2025 à 07:45

Arrivée du Premier ministre burkinabé au Mali : Un agenda très chargé

Lors de sa visite d’amitié et de travail, Rimtalba Jean Emmanuel Ouédraogo visitera des structures, participera au lancement des activités de la 2è édition du Camp de la brigade citoyenne du Mali. L’hôte de marque aura une séance de travail avec le gouvernement. Enfin, il sera reçu par le Président de la Transition, le Général d’armée Assimi Goïta.

Par Namory KOUYATE


Publié mercredi 20 août 2025 à 09:08

Visite du Premier ministre burkinabé au Mali : L'axe Bamako-Ouagadougou se renforce

L'avion transportant le Premier ministre du Burkina Faso, Jean Emmanuel Ouedrago a atterri ce mardi aux environs de 17h à l'aéroport international Président Modibo Keïta-Senou..

Par Namory KOUYATE


Publié mardi 19 août 2025 à 18:56

Présentation au Chef de l’État du rapport du SIGRH : Plus de 36.000 fonctionnaires manquent à l’appel

À ce jour, 122.166 agents ont été recensés sur un total de 158.317, soit près de 80% de l’objectif initial.

Par Namory KOUYATE


Publié lundi 18 août 2025 à 08:01

Rapport d'exécution du projet de SIGRH : Outil de maîtrise d'effectif et de salaire

Le processus de la mise en place du SIGRH a été inclusif et s’est étendu sur une période allant de mai 2022 à septembre 2024.

Par Namory KOUYATE


Publié vendredi 15 août 2025 à 19:39

Visite d’une délégation des États-Unis au Mali : La sécurité et l’économie au menu

Les échanges avec la délégation du Congrès ont porté sur la situation au Mali afin de voir comment les États-Unis et notre pays peuvent collaborer et travailler ensemble.

Par Namory KOUYATE


Publié mercredi 13 août 2025 à 08:29

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner