Diomansi Bomboté, Abdoulaye Guindo et Boureima Soulo
À l’ère des réseaux sociaux, où chaque citoyen peut produire et diffuser un contenu, la mésinformation peut se distinguer de la qualité du journalisme et de la circulation d’informations fiables. Et pour y parvenir, il faut impérativement recouper l’information, se conformer aux normes et à l’éthique professionnelles pour en faire une information crédible et consommable.
Cependant, la mésinformation n’est pas un phénomène nouveau, des les nouvelles technologies lui offrant un espace plus rapide et très accessible. La question est de savoir : la mésinformation peut-elle éclipser le journalisme, la vraie information ?
Les rumeurs, manipulations et fausses nouvelles prolifèrent. Face à cette marée numérique, les initiatives de fact-checking tentent de rétablir la vérité. La lutte est intense, et la désinformation se fait de plus en plus sophistiquée. Pour le doyen Diomansi Bomboté, la première arme contre la désinformation reste le recoupement systématique. «On peut diffuser une fausse information en toute bonne foi.
C’est pour cela qu’il faut toujours recouper, quelle que soit la confiance accordée à la source. Le journaliste ne travaille ni par émotion ni par amitié, mais par contrat avec le public», rappelle-t-il. Il en veut pour preuve une enquête qu’il a menée : «Pour dresser le portrait d’un ancien Premier ministre du Mali, j’ai interrogé 50 personnes en trois jours. C’est la convergence des témoignages qui conforte la véracité.»
L’ancien professeur du Cesti de Dakar confirme que les réseaux sociaux restent l’outil le plus puissant de diffusion du faux. Avec la numérisation, chaque citoyen se transforme en diffuseur potentiel, sans respecter les normes professionnelles : vérification préalable, prudence, confrontation des versions. La radio et les médias classiques suivent, mais en termes de rapidité et d’absence de contrôle, les réseaux sociaux sont désormais les véritables champs de bataille opposant le vrai et le faux dans le traitement de l’opinion.
Lors d’une récente intervention, Abdoulaye Guindo, membre de la plateforme «Benbere», a éclairé sur les nuances entre deux concepts souvent confondus : désinformation. «La désinformation est une fausse information délibérément fabriquée pour nuire à un individu, une institution ou à un intérêt économique ou politique. Ce qui la caractérise, c’est l’intentionnalité», expliquait-il. Le désinformateur sait ce qu’il fait et fabrique le contenu avec un objectif précis.
À l’inverse, la mésinformation relève de l’erreur. «C’est une fausse information accidentellement partagée, sans volonté de nuire», poursuit-il. Une plaisanterie mal interprétée, une vidéo sortie de son contexte, une rumeur relayée de bonne foi… Dans ces cas, l’auteur ignore qu’il propage du faux.
«La différence fondamentale réside donc dans le volontariat, fabriquer pour tromper d’un côté ou partager sans le savoir de l’autre», explique Abdouaye Guindo. Après l’épisode de la pandémie de Covid-19, la santé a longtemps été le terrain de prédilection des fausses nouvelles. Mais aujourd’hui, ce sont les questions sécuritaires qui dominent, précise Abdoulaye Guindo. Images détournées, vidéos d’autres pays présentées comme ayant été filmées au Mali, clichés manipulés ou recyclés lors des attaques. De ce fait, on peut retenir que la désinformation exploite la sensibilité du contexte sécuritaire, créant ainsi des buzz.
La santé reste toutefois un champ fertile, notamment avec la prolifération de «produits miracles» et remèdes non fondés qui circulent sur les réseaux sociaux. Si certains médias classiques ne sont pas exempts de reproches, les principaux vecteurs de désinformation demeurent les réseaux sociaux. «WhatsApp est le canal qui donne la plus longue durée de vie aux fausses informations», alerte le journaliste blogueur. Une rumeur y voyage en plusieurs langues, se diffuse dans des groupes communautaires, puis s’enracine durablement. TikTok, avec la viralité de ses vidéos courtes, s’impose également comme une plateforme de prédilection, suivi de Facebook, déjà largement implanté dans la sous-région.
Ainsi, pourquoi créer et diffuser de fausses informations ? Selon lui, les motivations sont multiples. La première est économique : certains sont rémunérés pour manipuler l’opinion ou engranger des abonnés. Plus une fausse information génère d’engagement, plus l’auteur attire plusieurs annonceurs et beaucoup de visibilités. En plus, il y a des fins politiques ou stratégiques, visant à discréditer un adversaire, influencer un débat ou renforcer une position dans un contexte électoral, sécuritaire ou diplomatique. La désinformation ne prospère jamais mieux qu’en période de tension. «Ceux qui fabriquent les faux attendent toujours un contexte pour diffuser», explique le patron de «Benbere».
Pour bien illustrer, prenons la pénurie du carburant, une attaque, une crise politique : il suffit d’un événement pour que de vieilles photos de citernes incendiées ressurgissent ou qu’une vidéo étrangère soit présentée comme locale. La technologie renforce cette dynamique : grâce à l’intelligence artificielle, il est désormais possible de créer des discours attribués à des personnalités qui ne les ont jamais prononcés, ou de produire des images hyperréalistes. La frontière entre réel et fabrication devient de plus en plus floue.
Abordant dans la même direction, le président de l’Association de blogueurs, Boureima Soulo souligne que de nos jours l’information sécuritaire est quasiment prise d’assaut par les réseaux sociaux avec en tête Facebook, Tiktok, X, WhatsApp et autres. Pour barrer la route à ces faux annonceurs, l’Association des blogueurs du Mali a développé une initiative intitulée : Anka Sèguè Sèguè. Et depuis 2022, des articles de fact-checking, des vidéos de sensibilisation et autres sont réalisés et mis sur l’adresse : assoblog.org. Avec l’évolution exponentielle des réseaux sociaux, tous les médias sérieux doivent avoir un desk Fact-checking en vue de minimiser les effets de la désinformation.
Gaoussou TANGARA
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