#Mali : La démocratie dévoyée

Si la “démocratie” et “l’ordre constitutionnel” pouvaient nourrir les Maliens, ils seraient tous obèses ! Tellement on leur rebat les oreilles avec ces concepts ! Or, le bilan du “soleil des démocraties” (plagiant l’écrivain Ahmadou Kourouma) proclamé en 1990 est catastrophique : aucun État francophone parmi les pays africains

Publié mardi 02 juillet 2024 à 15:49
#Mali : La démocratie dévoyée

les plus riches, aucune entreprise de ces pays parmi les cinquante premières entreprises africaines, aucune université francophone parmi les dix meilleures universités africaines et huit pays francophones (dont le Mali) parmi les dix pays africains ayant les taux d’alphabétisation les plus bas !


 

Démocratie ou oligarchie ?- M. Konimba Sidibé, ancien ministre et acteur du mouvement démocratique malien, a reconnu que «toutes les déviances et dysfonctionnements qu’on prête à notre système démocratique sont malheureusement une réalité : faible légitimité des élus issus de mascarades électorales, absence d’obligation de rendre compte (redevabilité) des dirigeants de l’État, état de droit souvent piétiné, etc.» (L’Indépendant, 10 août 2023).

La tropicalisation aurait donc transformé le rêve du «gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple», en cauchemar ! En vrai, la démocratie est ici l’affaire d’une minorité : les règles du jeu (de la Constitution aux Arrêtés) écrites en français, sont inaccessibles à 62% de Maliens analphabètes en français (Institut national de la statistique-2016), dont une majorité de ruraux (60% de la population). La majorité ne participe pas, elle assiste au jeu démocratique réservé aux ʺfrancisésʺ.

Par exemple : en 1992, 493.973 votes (sur 1.126.258) avaient promu M. Alpha Oumar Konaré, premier président démocratiquement élu du Mali; soit 5,31% des 9,311 millions de Maliens. 1.333.813 votes (sur 3.201.461) avaient envoyé M. Ibrahim Boubacar Keïta à Koulouba; soit 6,69% des 19.930.000 des Maliens en 2018. (Https://perspective.usherbrooke.ca/bilan...). Et selon la Mission d’observation électorale de l’Union européenne, plus 1.300 bureaux de votes n’ont pas été opérationnels (Rappel final, P.26).

D’où la «faible légitimité des élus» et la “représentation de la démocratieʺ, au sens théâtral du terme : un gouvernement où le pouvoir est détenu par une minorité privilégiée, les oligarques; gouvernement renouvelé périodiquement grâce à des mascarades électorales; gouvernement dont les institutions ne sont que des coquilles vides. Aucune ne remplit sa mission : la défense du territoire n’est pas assurée; l’Éducation ou l’Enseignement des enfants et adultes n’est pas assurée; on ne se préoccupe guère de l’état de santé de la population, etc. Mais, tous les responsables de ces départements sont grassement payés pour le travail qu’ils ne font pas.

 

Misère morale de la démocratie- «De quelle démocratie, parlent-ils ?», s’interroge Mr Idi Abdou, responsable d’ONG au Niger, comme s’il parlait du Mali : «Nous […] n’avons vécu que l’étouffement de nos droits fondamentaux et vu la corruption et l’enrichissement illicite atteindre des sommets …» (Le Monde, 10 août 2023).

Rappelons qu’au Mali, les premiers fonctionnaires milliardaires sont le produit du premier régime démocratique (1992-1997). Également au Niger, selon le Rapport 2022 de la Cour des comptes, il y a dix politiciens milliardaires (fortune allant de 984 millions de Fcfa à 9,840 milliards de Fcfa), «Tous appartiennent au Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (de M. Bazoum) ou à un parti l’ayant soutenu» (Le Monde 10 août 2023). D’où la question de la morale et de l’éthique chez nos démocrates !

M. Harry Truman, président des USA, 1945-1953, disait : «On ne peut pas devenir riche en étant politicien à moins d’être un escroc». Confirmation de M. Seydou Badian : «Sous Modibo Kéita, les fonctionnaires avaient honte de voler. Sous Moussa Traoré ils avaient peur de voler. Avec la démocratie, ils n’ont ni honte, ni peur». Et pour le citoyen lambda : «mɔgɔ kalannew de ye Mali la bin» (ce sont les intellectuels/gens cultivés qui ont ruiné le Mali).

Depuis 1992, avec les régimes démocratiques, l’impunité érigée en système a transformé l’enrichissement illicite en sport favori des élites. Selon un rapport de la Banque mondiale (Recommandations visant à renforcer le programme anti-corruption au Mali, 1999-2001) : les actes de délinquance financière n’ont jamais été sanctionnés «bien que les rapports [du Contrôle général d’État] aient été remis à la Présidence et transmis aux ministres» (P.10).

La création du Bureau du Vérificateur général n’y a rien changé. Depuis 2004, ses rapports annuels dénoncent les détournements de fonds : 383 milliards de Fcfa entre 2004 et 2010 (Synthèse Rapport Bilan, Avril 2004 – Mars 2011) ; 358,43 milliards entre 2011 et 2018 (Synthèse Rapport Bilan), etc.

Ces butins s’ajoutent aux salaires mirobolants auto-octroyés. En 2014, un député malien gagnait, toutes indemnités comprises, 2,500 millions de Fcfa par mois (Maliweb.net - 7 février 2014). Soit 8,62 fois le salaire d’un médecin spécialiste (Bac+10) en début de carrière (290.000 Fcfa mensuels en 2016).

D’après Mr Paul Traoré, enseignant chercheur, le budget de fonctionnement de l’Assemblée nationale malienne (147 députés) est supérieur à celui des quatre grands hôpitaux réunis - Gabriel Touré, Point-G, Hôpital du Mali et Hôpital Luxembourg (Les Réalités des finances publiques au Mali, août 2020).

Signalons aussi les subventions légales aux partis politiques vainqueurs aux élections : en 2017, 1,953 milliard de Fcfa pour 22 partis (L’Indicateur du Renouveau, 2 juin 2017) et en 2019, plus de trois milliards de Fcfa pour 66 partis politiques (Le Fondement, 19 août 2019). D’où la prolifération des partis politiques (plus de 200) dont le «chef de file de l’opposition» devait toucher 500 millions de Fcfa par an.

Quant au premier élu, le président [IBK par exemple], il disposait «d’un fonds spécial de 150 millions de Fcfa par mois, le Premier ministre 75 millions de Fcfa par mois, le président de l’Assemblée 30 millions de Fcfa par mois» (L’Indépendant, 18 janvier 2018).

Tout cela est-il moralement défendable dans un pays : où «la bonne» est payée à 15.000 Fcfa, où le paysan utilise encore la ʺdabaʺ, et ses enfants des briques comme bancs à l’école ; un pays où des enfants s’entassent à 200 dans des salles de classe inondées à chaque saison de pluie, dans la capitale même ? Ne faut-il pas une bonne dose d’immoralité pour s’octroyer de tels avantages ?

 

Démocratie ou Chefferie-indigène ! M. A. Foka nous apprend que les Occidentaux ont payé pour des élections : 165 milliards de Fcfa en Côte d’Ivoire en 2010 ; 50 milliards au Mali en 2018 ; 54 milliards de Fcfa au Cameroun en 2018 ; 31 milliards au Burkina-Faso en 2015 et 394 milliards en République démocratique du Congo en 2018 (Chronique, avril 2023–montants convertis en Fcfa par nous).

Ces mêmes Occidentaux refusent de financer les infrastructures, car «Il ne saurait être question de laisser l’Afrique s’industrialiser (…) l’Occident ne se laissera plus surprendre une deuxième fois; l’Asie lui oppose une sérieuse concurrence aujourd’hui, parce que l’Occident avait été distrait face à son développement». Propos prêtés au Chancelier allemand, Helmut Kohl (1982-1998). (Http://www.ayong.fr/pages/partage/citations/page-102.html).

Le financement des élections a pour but de mettre au pouvoir un “président-ami”. Selon un acteur de la Françafrique, Robert Bourgi, la présélection est opérée par la France, avant la “ratification” par les électeurs africains (France-24 : Gabon-France, les Confidences de Robert Bourgi, 4 avril 2016). La victoire du candidat adoubé sera donc validée quel que soit le niveau de violence et d’irrégularités ayant entaché le processus.

Ainsi, pour les dirigeants français, l’élection de M. Bazoum au Niger, est un “exemple pour la démocratie”. Or, selon la Mission d’observation électorale de l’Union africaine, « Les manifestations survenues après la proclamation des résultats provisoires par la CENI ont été réprimées, et des pertes en vies humaines ont été déplorées» et plusieurs responsables de l’opposition […] ont été arrêtés. Comme motifs de contestation, la Mission a rapporté : «des procès-verbaux transmis […] discordants par rapport à ceux des délégués de l’opposition; des procès-verbaux signés par les délégués de l’opposition sous la contrainte d’arme à feu; des procès-verbaux non signés par les délégués de l’opposition; des procès-verbaux issus des bureaux de vote n’ayant pas été opérationnels». (élections présidentielle et législative au Niger-2020/2021 : P.28).

La démocratie est devenue un instrument de la politique de domination. Elle permet notamment à la France de porter à la tête de certains États africains des dirigeants dociles, garants du pacte colonial imposé par le général De Gaulle, «des accords secrets garantissant à la France la mainmise sur les matières premières stratégiques présentes dans leurs sous-sols» (L’Empire qui ne veut pas mourir, P.105-107). Celui qui accepte ce pacte colonial sera paré de toutes les vertus ! Qu’il soit mal élu ou putschiste !

En définitive, la démocratie permet la restauration de ʺl’Indirect Ruleʺ : régime colonial britannique consistant à confier la gestion des territoires à des ʺchefs indigènesʺ, gardiens des intérêts du colonisateur qui, en retour, se portent garant de leur pouvoir. Voilà pourquoi M. Macron veut sauver M. Bazoum.

 

Démocratie sans souveraineté- Au 17è siècle, les États européens «ont posé les bases de la doctrine moderne de la souveraineté. Celle-ci repose sur trois principes : les États souverains sont réputés égaux du point de vue du droit international naissant ; ils ont un pouvoir absolu sur leur territoire ; cette souveraineté n’est reconnue qu’aux États européens, aux États de la “zone civilisée” (F. Pigeaud, ND. S. Sylla : De la Démocratie en Françafrique, édit. La Découverte, Paris 2024, P.47). Le comportement de la Force barkhane à Kidal et l’épisode de l’ambassadeur et des soldats français au Niger (après le renversement de M. Bazoum en juillet 2023) prouvent que la France ne reconnaît pas la souveraineté des États africains.

La proclamation des droits de l’Homme n’avait arrêté ni l’esclavage, ni les génocides, ni les massacres coloniaux. De même, la démocratie vendue aux Africains exclut toute souveraineté ! D’ailleurs, le “président démocratiquement élu” doit respecter les «domaines réservés» à la France : les matières premières stratégiques, la monnaie (Fcfa), la sécurité, le choix des partenaires stratégiques, le rôle de porte-parole et porte-plume aux Nations-unies. Ainsi, en janvier 1994, les autorités françaises ont décidé la dévaluation du Fcfa. Et des Programmes d’ajustement structurels aux conséquences dramatiques ont été imposés.

Nos élites, en bons “Nègres décérébrés”, des «hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme» (A. Césaire : Discours sur le colonialisme, édition 2004, P.24), se satisfont de cette “démocratie sans souveraineté”.

Elles se contentent des miettes jetées par leurs maîtres et des apparats du pouvoir sans responsabilité. Cette démocratie-là est incapable de remplir les missions qu’un État souverain doit à la nation, aux populations : a) la sécurité du territoire, des citoyens, des institutions,  des investissements; b) la sécurité alimentaire, sanitaire, médico-sociale, environnementale; c) la formation des jeunes, des adultes, la recherche; d) l’accès à l’électricité pour tous; e) la création, le développement, l’entretien des infrastructures de communication et de transports; f) la transformation industrielle et la valorisation des ressources (E. Nkunzumwami : Les Communautés économiques régionales en Afrique : la sécurité et le développement en 2023).

Malgré ce bilan catastrophique, des partis et regroupements politiques “démocratiques” ont exigé, le 31 mars 2024, que soit organisée «dans les meilleures délais l’élection présidentielle» au Mali. Au même moment, de jeunes soldats, fils et filles du peuple, meurent au combat pour sécuriser le territoire et les populations. Au même moment en Ukraine, malgré l’interdiction de certains partis politiques, accusés de nuire à la cohésion nationale, de nombreux partis politiques et plusieurs dizaines d’organisations de la société civile qui se sont opposés à la tenue des élections en temps de guerre !

Yaya. TOGORA

Freelance

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