
L’enseignant-chercheur affirme que l’histoire de l’enseignement au Mali a connu successivement trois grandes réformes à l’intérieur desquelles une cascade de changements sont intervenus faisant de l’école malienne un véritable laboratoire d’expérimentations pédagogiques constantes à la recherche de solutions aux nombreux défis de l’enseignement. Dr Moriké Dembélé soutient que les réformes sont d’ordre politique et répondent à des changements dans le profilage de l’homme à former. «Quant aux changements dans l’enseignement, ils sont d’ordre pédagogique et visent plutôt à améliorer les apprentissages scolaires. Bien que ces réformes politiques et innovations pédagogiques aient été montées à la suite de profondes mutations politiques majeures, de crises profondes dans l’enseignement, elles sont restées, soit inadaptées, soit inopérantes, soit galvaudées, soit encore déviées de leur trajectoire initiale», souligne le pédagoque.
Selon lui, la
première réforme était celle introduite
par l’enseignement colonial. Elle était
destinée essentiellement à former des hommes et des femmes entièrement soumis à l’ordre colonial. Les contenus
d’enseignement, renchérit-il, étaient sélectionnés en fonction du type d’homme
à former, celui totalement soumis à la domination à son insu. C’est un homme
conquis et acquis par l’esprit. Cependant, relève l’universitaire, cet enseignement échoue à maintenir la colonisation à l’horizon
des cent ans, prédits par les thuriféraires du pouvoir colonial.
Le spécialiste
des sciences de l’éducation poursuit qu’à l’indépendance, cet
enseignement ne cadrait plus avec les
objectifs de développement
du jeune État. Puis, venait ensuite la réforme de 1962. Dr Moriké Dembélé
rappelle qu’elle prônait la rupture d’avec l’enseignement colonial et se
proposait prioritairement de «décoloniser les esprits» des enfants maliens. À l’entendre,
cette réforme visait à former des citoyens nouveaux au service du développement
du Mali. Il précise que la réforme de 1962, pour diverses raisons, a été
ajustée maintes fois sans parvenir à modifier fondamentalement le profil
d’homme à former.
Pour lui, il y a eu une mosaïque de changements assez disparates. Il s’agit
du 1er séminaire sur l’éducation en 1964 a orienté et approfondi la
nationalisation de l’enseignement en projetant l’introduction des langues
nationales comme médium et objet d’enseignement,
du 2è séminaire sur l’éducation en 1978,
a prôné la ruralisation, comme modèle endogène de scolarisation et de
socialisation des enfants, des États
généraux de l’éducation en 1989 (1ère génération), et leur prolongement dans le
débat national sur l’éducation
en 1991, se traduisant par la fondation de la Nouvelle école
fondamentale (NEF), réunissant en un bloc unique le premier et le second cycle
de l’enseignement fondamental.
Notre expert
en science de l’éducation
dira que l’effacement de l’examen
d’entrée en 7è année a été la
conséquence immédiate. «Le système d’enseignement s’est enlisé dans une spirale
de retouches tous azimuts sans arriver à une transformation profonde
recherchée», constate Dr Dembélé.
Vient compléter le tableau des réformes, le Programme décennal de développement de l’éducation (Prodec) relatif à la loi n°99-046- du 28 décembre 1999 portant loi
d’orientation sur l’éducation au Mali.
À son avis, le système éducatif a pour finalité de former
un citoyen patriote et bâtisseur d’une société démocratique, un acteur
de développement profondément ancré dans sa culture et ouvert à la civilisation
universelle. Il trouve que si cette déclaration d’intention cadre tout à fait
avec l’évolution de la société et l’aspiration démocratique multipartiste, elle n’a pas été toujours traduite dans l’acte
pédagogique, les contenus d’enseignement et les méthodes de transmission n’ont
fait l’objet d’aucun changement significatif.
Moriké Dembélé regrette que l’enseignement, dans son contenu et sa forme actuelle, n’est pas en phase avec cette finalité majeure du système éducatif. D’après lui, la réforme de 1962, la refondation issue du Prodec 1 et 2, n’ont pas réussi à refonder les contenus et les pratiques pédagogiques, ni encore à réconcilier les populations et leur école. «À nouveau, s’en suivent de nombreuses rencontres pour réadapter le système de l’enseignement davantage à l’évolution du monde et de le réconcilier avec lui-même : le Forum national sur l’éducation, en 2008, les États généraux de l’éducation (EGE) (2è génération) 2024, le Programme national d’éducation aux valeurs (Pnev), enfin la réforme du lycée dans la perspective d’une mise en cohérence avec les enseignements donnés à l’université», explique l’enseignant de la FSHSE. À l’en croire, le résultat est un système d’enseignement sous tension permanente, incapable de renaître de ses cendres. Toute chose qui traduit, soutient-il, une incapacité à construire un enseignement adapté pour les futures générations. Le chercheur s’interroge depuis quand le rôle du paysan, du pêcheur, du commerçant est de réformer les enseignements ? Il déplore que les rencontres populaires à l’image du Forum national sur l’éducation (FNE) 2008 et des États généraux de l’éducation (EGE), 2024 ne traitent pas efficacement la question de la refondation des enseignements. Néanmoins, souligne-t-il, lorsqu’il s’agit des questions générales de l’éducation, il est possible de convoquer des rencontres populaires pour récolter des informations nécessaires au pilotage et à la gouvernance.
L’ÉCOLE À GÉOMÉTRIE VARIABLE- En outre, le
maître de conférences en sciences de l’éducation trouve que l’école au Mali
n’est pas une école malienne. «Son enseignement n’est ni pensé malien, ni
transmis et diffusé malien. Les
tentatives de réformes ont
tous échoué à cause du formatage profond et réussi des esprits formés ou
déformés depuis la colonisation. Le résultat est accablant à l’heure actuelle»,
déclare Dr Moriké Dembélé. Et pour preuve, des écoles pour riches, des écoles pour pauvres et des pauvres sans école. Notant que l’école devient un outil de
compétition sociale à géométrie variable : des élèves qui apprennent tout et
des élèves qui n’apprennent rien du
tout. L’enseignant du supérieur rechigne à voir qu’au Mali, plus de la moitié des effectifs scolaires soit scolarisée dans
le secteur privé. «Plus de 93% des lycées au Mali sont privés en 2024, en
effet, sur les 133.606 admis au DEF, sur les 91. 635 admis orientés : 62. 040
élèves, soit 67,70% ont été orientés dans
les lycées privés et seulement 29. 594
élèves, soit 32, 30% dans les lycées publics», révèle notre analyste.
De même, pour l’enseignement technique et
professionnel, sur un effectif de 41. 972 élèves orientés, 34. 557, soit 82,33%
sont orientés dans les écoles privées, alors que seulement 7.415
élèves, soit 17,66% dans les écoles publiques, explicite-t-il. Selon le maître
de conférences, cet état des lieux, même très parcellaire, atteste le
déséquilibre notoire qui marque l’enseignement secondaire général et professionnel et interpelle
chaque professionnel de l’éducation
pour une réforme de l’enseignement au Mali.
Sa recette est
de libérer l’école des restrictions
budgétaires publiques et du système économique libéral en général qui
désavantage les plus
pauvres. Et d’enchainer qu’il est important de
réformer le système d’enseignement en contexte de «souveraineté retrouvée» en
vue d’assurer la souveraineté citoyenne recherchée.
Le spécialiste des sciences de l’éducation martèle que notre école est sans partage minimal de valeurs
sociales, morales et éthiques
endogènes à la solde de valeurs extraverties : enseignement français et en
français, enseignement arabe et en arabe, enseignement anglais et en anglais,
etc. Il est persuadé que l’école est à la fois un espace d’apprentissage et de socialisation, les règles
et les valeurs de référence, doivent y être considérée comme la boussole
conduisant à l’intégration sociale, au vivre ensemble, à la cohésion sociale.
Dr Moriké Dembélé assure que la question des valeurs est centrale dans la
socialisation scolaire. À son avis,
elle a été posée depuis fort longtemps sans être réellement résolue de manière
tranchée depuis les indépendances. Il clarifie que dans des sociétés de
contacts démultipliés, de circulations
rapides des informations et des attitudes, des valeurs et de contre-valeurs, l’éducation aux valeurs et aux médias prend
toute son importance. «Le Programme national d’éducation aux valeurs (PNEV) n’a
pas encore été transposé en acte pédagogique et transmis dans les salles de classes. Il
préfigure un printemps, une lueur
d’espoirs pour enfin des valeurs humaines et sociales minimales partagées. Afin
d’éviter que l’école nous échappe et que les valeurs concurrentes y prennent le
dessus et compromettre notre
chance de vivre ensemble, il faut refonder profondément l’école au Mali», souhaite l’universitaire.
Il mentionne
aussi que nos innocents élèves
apprennent plus des autres que d’eux-mêmes.
Fustigeant que ces élèves connaissent la littérature, la géographie et l’histoire de la France, de l’Allemagne, des
États-Unis plus que celle du Mali et de l’Afrique. Ils connaissent tout des
autres et très peu d’eux-mêmes. Autant de réalités qui interpellent fortement «les réformateurs»
de la société malienne, de l’Homme malien, du «Mali den kura».
L’enseignant
fait savoir que pour des sociétés
plurielles comme la nôtre, l’enseignement doit être multilingue et témoigner de
la diversité linguistique. En clair, il
doit être dispensé en bamanan kan, peulh, songhoi, tamasheq, en khassonké, etc. Il reste convaincu
que chaque langue véhicule un savoir spécifique.
Le chercheur avance que la question centrale qui a manqué depuis toujours, c’est la refonte des contenus et du format pédagogique. «Au lieu d’une réforme dans la continuité, il faut une réforme de rupture, c’est-à-dire un nouveau type d’enseignement», indique l’universitaire. C’est pourquoi, il sied dans le contexte actuel de constituer une équipe de technocrates de haut niveau et lui confier la tâche de bâtir une nouvelle architecture de l’enseignement au Mali à la fois dans la forme et le contenu, conclut Dr Moriké Dembélé.
Namory KOUYATE
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