Accidents de la route en Afrique : Une question de santé publique majeure, mais négligée

L’insécurité routière est la première cause de décès chez les 5 à 29 ans, mais les états du continent n’engagent que des actions de courte durée, déplore Emmanuel Bonnet, chercheur à l’IRD

Publié mercredi 01 février 2023 à 07:21
Accidents de la route en Afrique : Une question de santé publique majeure, mais négligée

À Bamako, une collision entre un camion-citerne et une voiture fait cinq morts (photo d’archives)


La route tue, en Afrique plus qu’ailleurs. L’accident de bus survenu le 9 janvier près de Kaffrine au Sénégal a été très médiatisé en raison du nombre de victimes : 40 morts et 101 blessés. Mais il rappelle une situation très fréquente dans la majorité des pays africains. Ce drame vient ainsi s’ajouter à une longue liste de récentes collisions macabres.

Le 5 janvier, un accident de bus faisait 14 morts et 70 blessés à Yamoussoukro en Côte d’Ivoire ; 25 morts en août 2022 au nord d’Abidjan ; 30 morts dans le Sud-est du Kenya fin juillet 2022, 25 morts dans le Centre de l’égypte à la même période. à Kaffrine, la cause de l’accident – un éclatement de pneu – a mis en lumière la vétusté des moyens de transport et le non-contrôle des éléments de sécurité.

En 2010 était pourtant décrétée la Décennie d’action mondiale pour la sécurité routière sous les auspices de l’Assemblée générale des Nations unies. Dix ans plus tard, en février 2020, la Déclaration de Stockholm soulignait qu’aucun pays à faible niveau de revenus n’avait réduit ses taux de mortalité et de morbidité routiers. L’Afrique présente les taux les plus élevés. Le taux de mortalité moyen est estimé à 27,5 pour 100.000 habitants sur le continent alors qu’il est plus de trois fois plus faible dans les pays à revenus élevés. Les accidents de la route y sont aussi la première cause de décès chez les enfants et les jeunes adultes de 5 à 29 ans.

 

Bilans nationaux sous-évalués

Si cette décennie a été un échec s’agissant de la réduction de la mortalité et des blessés, elle aura au moins eu le mérite de placer la question au cœur des agendas politiques : dans le cadre des Objectifs de développement durable de l’ONU (ODD), l’ambition est de réduire de 50 % le nombre de blessés et de morts sur les routes du monde d’ici à 2030.

Mais dans un premier temps, la vraie question est de savoir si les pays africains sont en mesure de produire des statistiques fiables. à titre d’exemple : beaucoup d’états ouest-africains tirent leurs données des procès-verbaux d’intervention des policiers. Or les polices nationales ne sont pas les acteurs les plus impliqués lorsqu’un accident grave survient.

Ce sont principalement les sapeurs-pompiers qui interviennent pour secourir les victimes et les acheminer vers les centres de soins. Plusieurs études menées au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire démontrent que les données des pompiers et des urgences hospitalières permettent d’être plus précis. On dénombre alors quatre fois plus de blessés et de décès. Les bilans nationaux sont donc sous-évalués.

La problématique des blessés est également cruciale. Ils sont contraints d’engager des soins, souvent trop coûteux pour leurs revenus. Quant aux capacités d’accueil et de prise en charge dans les hôpitaux, elles sont insuffisantes et nécessiteraient d’être développées et modernisées, notamment en dehors des capitales. Certains blessés souffrent de handicaps durables, plus difficiles à prendre en charge en Afrique qu’ailleurs. Ainsi, les accidents de la route et les traumatismes associés représentent-ils aussi (et surtout ?) une question de santé publique majeure mais négligée : peu de moyens sont mis en place aux niveaux préhospitalier, hospitalier et post-hospitalier pour faire face aux besoins.

Les États africains créent des agences de sécurité routière sous les tutelles des ministères des Transports pour mettre en œuvre les politiques, sensibiliser les usagers et aménager certains lieux accidentogènes. La majorité des pays dispose aussi de tout l’arsenal législatif sur la réglementation routière, mais une grande majorité de ces lois ne sont pas appliquées. Le port du casque, celui de la ceinture de sécurité ou encore les taux d’alcoolémie ne sont presque jamais vérifiés sur le terrain.

 

Actions de court terme

Les états s’appuient sur ces agences sans qu’elles aient réellement les moyens d’agir. Elles dépendent des autres ministères qui acceptent rarement des injonctions externes. Il existe des commissions interministérielles, mais elles se réunissent peu ou lorsqu’un événement majeur se produit comme ce fut le cas avec l’accident de Kaffrine. Un certain nombre de mesures sont alors adoptées pour améliorer la sécurité routière mais elles débouchent sur des actions de terrain de courte durée.

En 2021, en Côte d’Ivoire, le gouvernement avait décidé de faire appliquer le port du casque après plusieurs accidents mortels dans le Nord du pays. Un an après, on est revenu à la situation antérieure : à peine 20 % des usagers portent un casque. Les états tentent d’agir, mais la sécurité routière doit se mener sur le long terme, dans plusieurs secteurs simultanément, et il est vrai, dans des contextes difficiles sur les plans économiques, sociaux et politico-sécuritaires pour ces pays.

Enfin, l’accident de Kaffrine ne doit pas cacher tous les autres accidents de la route : ceux qui impliquent les usagers dits vulnérables que sont les piétons, les deux roues – motorisés ou non –, qui représentent la grande majorité des blessés et des décès en Afrique. On en parle peu, mais ils surviennent tous les jours et généralement parmi les populations les plus défavorisées.

Agir sur la sécurité routière nécessite plus d’engagements des états et plus d’aide internationale. Cela implique aussi d’éduquer dès le plus jeune âge aux risques routiers, pour changer les comportements. C’est à ces conditions que de véritables progrès apparaîtront.

Le monde

Rédaction Lessor

Lire aussi : Fonctions publiques au Mali : Les agents non identifiés seront radiés des effectifs après le délai de grâce

Les agents qui ne se sont pas présentés lors des opérations d'identification biométrique ont un délai de grâce de trois mois, allant du 8 septembre au 8 décembre 2025 pour régulariser leur situation administrative.

Lire aussi : Incivisme : L’artiste Black M. interpelé

De son vrai nom, Alpha Diallo, le rappeur Franco-guinéen, connu sous le nom d'artiste « Black M », en séjour en Côte d'Ivoire et se trouvant dans une situation de conduite imprudente, a été interpellé..

Lire aussi : Insolite: Neymar désigné hériter d'un autre homme que son père

Nouvelle incroyable au Brésil concernant Neymar Jr. En effet, le footballeur a été désigné hériter d'un milliardaire en dollars autre que son père. Le testament a été rédigé à son nom..

Lire aussi : Goundam : Le geste philanthropique d’El Hadj Alphamoye Haîdara

Une habitante de la ville de Goundam a vu sa maison effondrer suite aux multiples érosions et intempéries survenues au cours de la saison d’hivernage..

Lire aussi : Kayes : EDM-SA rétablit l’électricité dans le secteur des logements sociaux

Après avoir passé trois nuits dans le noir, certaines familles des logements sociaux de Kayes et ses alentours ont enfin poussé un ouf de soulagement suite au rétablissement de l’électricité dans leur secteur. Rappelons que certaines concessions de la cité ATT Bougou (logements sociaux) et .

Lire aussi : Mopti : Plusieurs points à l’ordre du jour de la 2è session ordinaire du CROCSAD 2025

La salle de conférence du gouvernorat de Mopti a abrité du lundi au mardi dernier les travaux de la 2è session ordinaire du Comité régional d’orientation, de coordination et de suivi des actions de développement (Crocsad) de la région au titre de l’année 2025..

Les articles de l'auteur

Hôpital militaire de Banankoro : Le chantier avance

Le ministre de la Défense et des Anciens combattants, le Général de corps d’armée Sadio Camara et sa collègue chargée de la Santé et du Développement social, le médecin-Colonel Assa Badiallo Touré, se sont rendus hier sur le site pour constater l’évolution des travaux.

Par Rédaction Lessor


Publié jeudi 04 septembre 2025 à 08:14

Enseignement supérieur : Restitution des résultats de l’évaluation du système de recherche en sciences sociales au Mali

-.

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 03 septembre 2025 à 08:05

Programme «Incubateur de talents Maliden Kura» : Le ministre Daffé reçoit les bénéficiaires de la première cohorte

La salle de conférence du ministère de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie hôtelière et du Tourisme a accueilli, le mardi 2 septembre, une rencontre entre le ministre Mamou Daffé et les lauréats du programme «Incubateur de talents Maliden Kura-ITM», un dispositif innovant inscrit dans le cadre du projet Culture Mali.

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 03 septembre 2025 à 07:58

Formation professionnelle : La ministre Oumou Sall Seck remet 20 machines à coudre à l’ARDCT

La ministre de l’Entrepreneuriat national, de l’Emploi et de la Formation professionnelle, Mme Oumou Sall Seck, a procédé, le vendredi 29 août, à la remise de 20 machines à coudre à l’Association des ressortissants et sympathisants pour le développement du Cercle de Tombouctou (ARDCT), conduite par son secrétaire exécutif, l’ambassadeur Mahmoud Mohamed Arby..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 03 septembre 2025 à 07:20

Affaires religieuses : Le ministre Koné accorde une audience au nouvel ambassadeur du Mali en Égypte

Le ministre des Affaires religieuses, du Culte et des Coutumes, Dr Mahamadou Koné, a accordé hier une audience à Samba Alhamdoulillah Baby, nouvel ambassadeur du Mali en République arabe d’Égypte..

Par Rédaction Lessor


Publié mardi 02 septembre 2025 à 07:15

Assep : Le nouveau bureau reçu par le ministre Mossa Ag Attager

Le ministre des Maliens établis à l’Extérieur et de l’Intégration africaine, Mossa Ag Attager, a reçu en audience le lundi 1er septembre, le nouveau bureau de l’Association des éditeurs de la presse privée du Mali (Assep), conduit par son président, Boubacar Yalcoye..

Par Rédaction Lessor


Publié mardi 02 septembre 2025 à 07:10

Biennale artistique et culturelle, Tombouctou 2025 : Koulikoro n’entend pas faire de la figuration

Le gouverneur de la Région de Koulikoro, le Colonel Lamine Kapory Sanogo, a présidé, vendredi dernier dans la salle de conférence du gouvernorat, une réunion sur les préparatifs de la prochaine Biennale artistique et culturelle qui doit se tenir en décembre à Tombouctou..

Par Rédaction Lessor


Publié lundi 01 septembre 2025 à 08:50

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner