CAF : Kanizat Ibrahim, «la Côte d’Ivoire a réussi une organisation parfaite de la ligue des champions féminine»

Dans cette interview, la présidente de la commission du foot féminin de la Confédération africaine de football, fait le bilan de la 3è édition de la compétition qui s’est déroulée du 5 au 19 novembre à Korhogo et San-Pedro. Tout en tirant le chapeau à la commission d’organisation du tournoi, la Comorienne se prononce sur le niveau et l’avenir du football des dames en Afrique

Publié lundi 27 novembre 2023 à 07:04
CAF : Kanizat Ibrahim, «la Côte d’Ivoire a réussi une  organisation parfaite de la ligue des champions féminine»

L’Essor : Quel bilan faites-vous de la 3è édition de la Ligue des champions féminine qui s’est achevée, dimanche 19 novembre avec le sacre des Mamelodi Sundowns d’Afrique du Sud ? Est-ce que toutes les attentes de la CAF ont été comblées ?


Kanizat Ibrahim : Tout s’est bien passé et le bilan est très positif. Ce que j’ai aimé, pour la première fois c’est que les rencontres se sont déroulées dans deux villes différentes, à savoir Korhogo et San-Pedro. Lors des deux premières éditions de la compétition qui s’étaient déroulées, respectivement au Caire (Égypte) et à Rabat (Maroc), tous les matches se sont disputés sur le même terrain.

La Côte d’Ivoire a gagné le pari de l’organisation, tout s’est bien déroulé, il n’y a eu aucun incident. C’est rare pour être souligné. À l’arrivée des délégations, on sentait l’effervescence dès l’aéroport international Félix Houphouët Boigny. Durant 17 jours, aucune délégation ne s’est plainte de quoique ce soit, ni avant, ni après la compétition Pour moi, toutes les attentes de la CAF ont été comblées, surtout que cette année, toutes les équipes avaient presque le même niveau à part les Sud-Africaines qui ont fait carton plein. Je dis chapeau à la commission d’organisation du tournoi et au président du COCAN (Comité d’organisation de la CAN 2023, ndlr), François Albert Amichia et à tous les membres de son bureau, sans oublier le président de la Fédération ivoirienne de football, Yacine Idriss Diallo. Pour moi, l’organisation a été une réussite totale.

L’Essor : Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans cette 3è édition de la Ligue des champions féminine ?

Kanizat Ibrahim : Ce qui m’a le plus marqué, c’est le comportement du public ivoirien. À chaque match, les supporters venaient au stade, que ça soit à Korhogo ou San Pedro. Il y avait du monde à chaque rencontre. Même après l’élimination du club local, Athletico d’Abidjan le public a continué à venir au stade pour supporter les autres clubs. C’est rare de voir ça en Afrique. Pour renvoyer l’ascenseur au public, nous avons décidé, de commun accord avec le président du COCAN, de mettre des tickets à la disposition des supporters et cela a contribué au succès de la compétition. Je dois dire également que j’ai été très impressionnée par l’esprit fair-play des équipes et la discipline des joueuses. Toutes les délégations étaient bien logées, une fois encore félicitations à la Côte d’Ivoire qui a réussi une organisation parfaite. 

L’Essor : Lors de votre discours d’ouverture, vous avez dit que le football féminin est l’avenir du sport mondial. Quel message voulez-vous transmettre à travers cette déclaration ?

Kanizat Ibrahim : Vous savez, la FIFA a un financement spécifique pour le football féminin pour toutes les fédérations membres. Pour la FIFA et la CAF, le football féminin est l’avenir du sport au niveau mondial. C’est pourquoi, nous avons mis en place ce tournoi féminin pour que le football féminin puisse être au même niveau que le football masculin. Dieu merci, après trois éditions, on peut dire que nous sommes sur la bonne voie et tout se déroule parfaitement bien. Je peux dire aujourd’hui que cette compétition est devenue une vitrine pour beaucoup de clubs, mais aussi pour les joueuses et même les entraîneurs. Ce tournoi représente la fenêtre d’espoir pour les femmes du monde entier.

Cette Ligue donnera aux jeunes l’envie de relever des défis et l’espoir de participer un jour au tournoi. Nous ne pouvons pas évoquer l’essor du football féminin sans parler des infrastructures, de la formation, des levées de fonds et des stratégies de gestion nécessaires pour accompagner son développement. Si le football féminin est bien structuré, les sponsors soutiendront. Nous invitons les sponsors à venir sponsoriser le foot féminin pour que nous puissions organiser des grands tournois de ce genre. En trois éditions, nous n’avons pas eu beaucoup de sponsors et nous espérons qu’ils viendront lors la 4è édition, prévue l’année prochaine qui reste à désigner.    


L’Essor : Comme en Europe, la Ligue des champions féminine se dispute tous les ans. N’est-ce pas là un grand défi pour la CAF, vu le nombre encore très faible, de pays qui organisent des championnats de football féminin ?

Kanizat Ibrahim : Un grand défi, je ne dirai pas non, mais ce que je peux dire, c’est que la CAF est prête à relever le défi. La preuve, nous arrivons chaque année à organiser la compétition. Pour la petite anecdote au début, personne ne croyait en nous, chaque jour je me bats ainsi que les membres de ma commission pour que nous puissions donner une autre image du football féminin en Afrique. Depuis un bon moment, nous avons démarché quelques fédérations dont le football féminin est un peu à la traîne. Entre autres, on peut citer: le Soudan, la Mauritanie, les Seychelles, mon pays, Ies Comores. Nous espérons que ces pays cités pourront nous rejoindre le plus rapidement possible. Depuis que nous avons commencé ce tournoi, les championnats nationaux sont devenus plus disputés, parce que tous les clubs se battent pour pouvoir participer à la Ligue des champions féminine.

L’Essor : Quel est votre regard sur le développement du football féminin sur le continent ?

Kanizat Ibrahim : Un regard positif. Depuis trois ans, je dirige cette commission et Dieu seul sait comment je me bats pour le développement du football féminin. À cet effet, je voudrai rendre un vibrant hommage au président de la CAF, Patrice Motsepe d’avoir placé sa confiance en moi et de sa disponibilité constante à accompagner et soutenir le football féminin.

À chaque fois que je le rencontre, il me dit : «Mme, vous avez mon soutien». Le fait d’avoir son soutien m’aide énormément dans mon travail. Tous les jours que je me réveille, c’est un grand défi pour moi de vulgariser le football féminin et je suis prête à tous les sacrifices pour la vulgarisation et la promotion de la discipline à travers l’Afrique. Je prie Dieu pour que je puisse apporter un plus au foot féminin du continent avant la fin de mon mandat à la Confédération africaine de football.

L’Essor : Le monde du football féminin se plaint du fait que les footballeuses ne sont pas traitées sur le même pied d’égalité que les footballeurs. Qu’en pensez-vous ?

Kanizat Ibrahim : Ce n’est un secret pour personne qu’il y avait une discrimination au niveau du foot féminin. Mais maintenant, il y a un changement et nous sommes en train de travailler plus pour que tous les acteurs du football soient logés à la même enseigne. Il faut avouer que la situation a beaucoup évolué, mais ce n’est pas encore fini, car il reste beaucoup à faire et nous espérons que cette dynamique de changement va se poursuivre à tous les niveaux. À mon avis, le football féminin a un avenir radieux.

 Pour la petite anecdote, cette année, tous les huit clubs qui ont participé à cette édition sont partis avec de l’argent. Le vainqueur, à savoir les Mamelodi Sundwons a reçu  400.000 dollars (environ 200 millions de Fcfa), contre 250.000 dollars (environ 125 millions de Fcfa) pour le Sporting club de Casablanca. Pour les demi-finalistes, Ampem Darkoa et l’AS Far ont gagné 200.000 dollars (environ 100 millions Fcfa), quant aux troisièmes de chaque groupe, ils ont obtenu 150.000 (environ 75 millions de Fcfa) et 100.000 pour les derniers de chaque groupe (environ 50 millions).

Propos recueillis par

Djeneba BAGAYOGO

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