
Le 10 février 2003, Kenneth
Rogoff, alors conseiller économique et directeur du département des études du
Fonds monétaire international (FMI), publia un article au titre martial «La
riposte du FMI». En incipit, il planta le décor : «Vilipendé par les
protestataires anti-mondialistes, les politiciens des pays en développement et
certains lauréats du prix Nobel de science économique, le Fonds monétaire
international est devenu le principal bouc émissaire sur la scène mondiale...
comme si ses économistes possédaient le double monopole de l’infamie et de
l’erreur. Il est temps de remettre les pendules à l’heure (…). »
Curieux retournement de veste
pour ce joueur d’échecs de classe mondiale passé de l’autre côté du tablier !
Après un départ en trombe, l’œil rivé sur le rétroviseur, le chef économiste du
FMI tempéra sa riposte : « Ces critiques sont, à certains égards, justifiées,
même si leurs auteurs (dont moi-même à l’époque où j’étais professeur
d’université) tendent à exagérer la gravité des problèmes ; d’autres, par
ailleurs, sont sans fondement et ne visent qu’à échauffer les esprits.»
Il se
dit néanmoins consterné de voir le personnel de son institution accusé de
néolibéral au point de refuser «d’écouter John Maynard Keynes [même] si
celui-ci leur téléphonait d’outre-tombe pour leur donner son avis». L’épilogue
de l’article est aussi abêti que son prologue. Pour Kenneth Rogoff, même si les
«pays pauvres» décident de se passer de «l’expertise macroéconomique particulière
du FMI, il leur faudra bien quelque chose qui y ressemble fort».
Le professeur
Joseph Tchundjang Pouemi, à la fermeté éprouvée et au raisonnement rigoureux,
présentait le Fonds monétaire international comme la «citadelle du savoir
monétaire» ; mais, l’économiste camerounais s’était bien gardé d’affubler
l’institution onusienne de l’outrecuidance de son homologue américain.
En 1750, face à l’énorme
tollé suscité par son ouvrage « De l’esprit des lois », l’écrivain
français Charles Louis de Secondat, alias Montesquieu, prit le parti de la
réplique en publiant un autre texte (Défense de l’Esprit des lois), sous la
forme d’un droit de réponse. Il y invita ses contempteurs et pourfendeurs à
l’observation d’une règle de bon sens : «L’équité naturelle demande que le
degré de preuve soit proportionné à la grandeur de l’accusation.»
à trois siècles de longueur de cette sagesse, notre argumentaire tentera de ne pas s’en démarquer, tout en veillant à observer la rigueur requise à la nécropsie. L’emblématique Premier ministre britannique Winston Churchill disait : «La critique peut être désagréable, mais elle est nécessaire. Elle est comme la douleur pour le corps humain : elle attire l’attention sur ce qui ne va pas. » Il s’agira donc pour nous d’explorer les tenants et de disséquer les déterminants des programmes mis en œuvre par les institutions de Bretton Woods en Afrique.
CONSENSUS DE WASHINGTON-
Entrons dans le vif du sujet. Que recouvre l’idéologie néolibérale ? Dans un
article étonnant, presque détonnant, publié dans sa revue Finances &
Développement de juin 2016, le FMI nous livre sa propre compréhension du
concept : « Le programme néolibéral repose sur deux piliers. Le premier,
l’intensification de la concurrence, passe par la déréglementation et l’ouverture
des marchés intérieurs, y compris financiers, à la concurrence étrangère. Le
second consiste à réduire le rôle de l’État en procédant à des privatisations
et en limitant les prérogatives gouvernementales en matière de déficit
budgétaire et d’endettement.»
Qui décide des programmes des
pays africains avec le FMI ? Voici la réponse de l’ancien économiste en chef et
premier vice-président de la Banque mondiale, Joseph Stiglitz : « Les plans, en
règle générale, sont dictés de Washington, et mis en forme au cours de brèves
missions de hauts responsables : dès leur descente d’avion, ils s’immergent
dans les chiffres du ministère des Finances et de la banque centrale et, pour
le reste, résident confortablement dans les hôtels cinq étoiles de la
capitale.»
L’application des programmes
d’inspiration néolibérale a-t-elle été bénéfique ou maléfique aux pays
africains ? Voici la réponse des services du FMI: « De nombreuses facettes du
programme néolibéral méritent d’être saluées. Le développement du commerce
mondial a sauvé des millions de personnes du dénuement le plus extrême.
L’investissement direct étranger a souvent permis de transférer des
technologies et des savoir-faire dans des pays en développement. La
privatisation d’entreprises s’est traduite dans bien des cas par une offre de
services plus efficace et un allégement de la charge budgétaire.»
Certains
volets du programme, souligne le département des études du FMI, n’ont pas donné
les résultats attendus : « L’examen [la libéralisation du compte de capital et l’assainissement
des finances publiques] aboutit à trois conclusions troublantes : (i) les
bienfaits en termes de gains de croissance semblent très difficiles à
déterminer à l’échelle d’un large groupe de pays ; (ii) les coûts liés au
creusement des inégalités sont importants. Ils témoignent de la nécessité
d’arbitrer entre les effets sur la croissance et sur l’équité induits par
certains aspects du programme néolibéral ; (iii) le creusement des inégalités
influe à son tour sur le niveau et la durabilité de la croissance. Même si la
croissance est l’unique ou le principal objectif du néolibéralisme, les
partisans de ce programme doivent rester attentifs aux effets sur la
répartition.»
Censé assurer la stabilité du
système monétaire international, le FMI est taxé d’être une « arme d’expansion
du libéralisme et du capitalisme». Et ce n’est pas totalement faux pour peu
qu’on se réfère à son tour de table. Les États-Unis, avec 17,44 % des quotas et
16,51 % des droits de vote, sont le principal contributeur du FMI et disposent
de fait d’un droit de véto sur les décisions les plus importantes de
l’institution. Lors de son audition au Sénat français, le 21 avril 1999, le
haut-fonctionnaire Jean-Pierre Landau, ancien administrateur pour la France au
FMI et à la Banque mondiale, déclara : «Le FMI avait donné l’impression, au
cours de ses récentes interventions, qu’il était porteur de certaines valeurs,
en particulier du modèle économique américain, jugé supérieur, et que ses
actions consistaient à l’implanter au tréfonds des sociétés des états
secourus.» Sans commentaires !
Les politiques trop rigides
et contraignantes que le FMI mène en Afrique sont basées pour l’essentiel sur
les dix commandements du «Consensus de Washington», ainsi énumérés : discipline
budgétaire, redéfinition des priorités en matière de dépenses publiques,
réforme fiscale, libéralisation des taux d’intérêt, taux de change compétitif,
libéralisation du commerce, libéralisation des investissements directs en
provenance de l’étranger, privatisation, déréglementation et droits de
propriété. Regardons cela de plus près. Le corpus de préceptes
d’idéologie néolibérale a été révélé au public suite à la publication en 1989
d’une note sous la plume de l’économiste et universitaire John Williamson, son
concepteur.
À y regarder de près, les
travaux ayant abouti au «Consensus de Washington» sont fortement inspirés de la
vieille théorie de Friedrich Hayek. Cet économiste britannique, lauréat du prix
Nobel d’économie en 1974, fut l’un des plus influents défenseurs de
l’ultra-libéralisme. L’un de ses plus grands pourfendeurs est Joseph Stiglitz,
Nobel d’économie (2001).
Dans son ouvrage La Grande Désillusion (2001), cet
économiste américain, surnommé le pape du néo-keynésianisme, tira à boulets
rouges sur les politiques inspirées par le “Consensus de Washington” : «Dans
tous les pays qui les ont appliquées, le développement a été lent, et, là où il
y a eu croissance, ses bénéfices n’ont pas été également partagés ; les crises
ont été mal gérées. […] Ceux qui ont suivi les prescriptions et subi
l’austérité se demandent : quand en verrons-nous les fruits ?».
En octobre 2013, le
professeur Joseph Stiglitz accorda une interview à la Tribune dans laquelle il
nous fait accéder à sa hauteur : « La vérité est que la vision d’Hayek, qui
stipule que le marché fonctionne parfaitement seul et s’autorégule, était
fausse. […] Les fondamentaux de l’économie enseignés dans les universités
parlent d’un marché qui se régule de lui-même par l’offre et la demande. Or
aujourd’hui, ce n’est pas le cas.
Partout dans le monde, des gens veulent
contribuer à la société, veulent travailler, mais ne peuvent pas le faire, ce
qui entraîne un gaspillage de ressources. De même, aux États-Unis, des millions
d’Américains sont à la rue, alors qu’il y a beaucoup de maisons vides. En
réalité, la main invisible censée réguler le marché est invisible... parce
qu’elle n’existe pas.»
Dans un article au titre
évocateur «Un train de réformes devenu un label galvaudé», publié en septembre
2003 dans le magazine Finances & Développement du FMI, John Williamson
remit le couvert en se désolant que son programme de réformes baptisé
«Consensus de Washington » puisse devenir «un cri de guerre dans les débats
idéologiques».
Il estima que «le terme est devenu si désespérément équivoque qu’il parasite la réflexion.» Il fustigea l’interprétation « populiste » qui est faite de son pack de réformes qualifié par ses détracteurs de néolibéral (« la version la plus à droite d’un programme libéral » à ses dires) avec un « État minimal (qui ne se charge ni de corriger les inégalités de revenu ni d’internaliser les externalités)». Il indiqua que le «Consensus de Washington» était uniquement destiné à l’Amérique latine en 1989 et ne devrait pas être «une recette valable pour tous les pays et toutes les époques».
CAMISOLE DE FORCE- Mais le
hic, ce que John Williamson ne dit pas – et qu’il n’ignore pourtant pas – c’est
que sa recette «miracle» est devenue une camisole de force que le Fonds
monétaire international, «temple du monétarisme et de l’orthodoxie
néolibérale», a engoncée à tous les États africains sous programme. Quelques
que soient leur structuration et leurs mensurations, c’est presque la même
ration pour tous : un pack de réformes prétendues incontournables. Joseph
Pouemi rappelait dans son célèbre livre Monnaie, servitude et liberté, le «rôle
proprement policier du FMI» qui se résumait, à ses dires, en un mot : la
conditionnalité. Il définissait ce terme comme la «répression par les gendarmes
en col blanc».
Avec un brin de persiflage,
comment ne pas me rappeler l’histoire de ce papy de mon terroir qui répondit à
l’appel de l’armée coloniale, les pieds nus et les brodequins enlacés au cou.
L’officier recruteur, boursoufflé à sa vue, jeta un coup d’œil furtif sur ce
colosse aux pieds XXXL (pointure 50 au moins !). Il lui signa, de suite, un
certificat de dispense.
Avant de congédier
brutalement le miraculeux recalé, le soudard lui asséna néanmoins : «Ce sera
pour la prochaine fois !». C’est vrai qu’à défaut de disposer d’une paire de
chaussures à sa taille, il ne lui restait plus qu’à ajuster les pieds du pépère
aux godillots. Cette terrible alternative valait aussi dispense au combat.
Fermons la parenthèse et poursuivons ! On aurait pu en rester là, si les
services internes du Fonds monétaire international (FMI) n’étaient pas aussi
montés au créneau pour mettre de l’huile dans les rouages des critiques. Venant
d’une institution gardienne de l’orthodoxie financière mondiale, il y a de quoi
surprendre les incrédules. «Quand votre chien attrape l’improbable, les bavards
et les musards vous feront vivre une journée mémorable», préviennent les sages
africains.
En janvier 2013, l’économiste
en chef du FMI Olivier Blanchard et un de ses collaborateurs Daniel Leigh,
avaient cosigné une étude intitulée « Erreurs de prévisions de croissance et
multiplicateurs budgétaires» (traduit de son titre original «Growth Forecast
Errors and Fiscal Multipliers»). Dans leur note, les deux économistes
reconnaissent vertement «une erreur dans les anticipations des conséquences de
la consolidation budgétaire sur la croissance économique. (Et que) les coupes
budgétaires ont provoqué un recul plus fort que prévu de la croissance
européenne». En clair, pour eux, «l’utilisation d’un mauvais coefficient de calcul
a débouché sur une sous-estimation des effets négatifs de l’austérité en
Europe».
Cheikhna Bounajim CISSÉ
L’émergentier
Rédaction Lessor
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