
En janvier 2013, l’économiste en chef du Fonds monétaire
international (FMI), Olivier Blanchard et un de ses collaborateurs Daniel
Leigh, avaient cosigné une étude intitulée «Erreurs de prévisions de croissance
et multiplicateurs budgétaires» (traduit de son titre original «Growth Forecast
Errors and Fiscal Multipliers»). Dans leur note, les deux économistes
reconnaissent vertement «une erreur dans les anticipations des conséquences de
la consolidation budgétaire sur la croissance économique. (Et que) les coupes
budgétaires ont provoqué un recul plus fort que prévu de la croissance européenne».
En clair, pour eux, «l’utilisation d’un mauvais coefficient de calcul a débouché
sur une sous-estimation des effets négatifs de l’austérité en Europe». Peine
perdue pour les décisions politiques prises à dire d’expert ! Alfred Sauvy a
peut-être raison : «Les chiffres sont des êtres fragiles qui, à force d’être
torturés, finissent par avouer tout ce qu’on veut leur faire dire.» Le
flegmatique dirigeant politique britannique, non moins prix Nobel de littérature,
Winston Churchill est plus acerbe : «Je ne crois jamais une statistique à moins
de l’avoir moi-même falsifiée.»
pensée néolibérale en berne- Le 26 mai 2016, trois ans après
le mea-culpa de Olivier Blanchard, les services études du FMI récidivaient.
Trois économistes, Jonathan D. Ostry, Prakash Loungani et Davide Furceri,
respectivement directeur adjoint, chef de division et économiste au Département
des études du FMI, publiaient dans Finances & Développement, la revue de référence
de l’institution, un article choc : «Le néolibéralisme est-il surfait ?».
En
d’autres termes, le néolibéralisme est-il survendu aux pays africains ? Les
auteurs s’interrogeaient sur l’efficacité de certaines recettes «néolibérales»
utilisées par leur institution, notamment celles axées sur les politiques
d’austérité et l’ouverture du marché des capitaux. Ils indiquaient qu’«au lieu
d’apporter la croissance, certaines politiques néolibérales ont creusé les inégalités
au détriment d’une expansion durable».
Ils insistaient même sur le coût très élevé
des politiques d’austérité. «Depuis 1980, il y a eu environ 150 épisodes d’entrées
massives de capitaux dans plus de 50 pays émergents ; (…) dans 20% des cas
environ, ces épisodes se soldent par des crises financières liées la plupart du
temps à de fortes baisses de la production», soulignaient le trio d’experts du
FMI.
Pourtant, le professeur Jagdish Bhagwati, spécialiste
reconnu des questions d’économie internationale et présenté comme le «gourou de
la mondialisation», avait mis en garde le FMI par rapport à son acharnement à
promouvoir la liberté des mouvements de capitaux. Dans leur chute, les trois économistes
de Washington nous emportaient vers une direction inattendue, tout au moins
inespérée : «Les pays et les institutions qui les conseillent, comme le FMI, ne
doivent pas être guidés par leurs convictions, mais s’inspirer des recettes qui
ont fait leurs preuves.» Voilà qui est dit ! À chacun de s’y mettre ou de se démettre.
Après ces propos acérés, il n’en fallut pas plus pour que
les réseaux sociaux s’enflamment et que les médias s’entremêlent. La Toile
gloutonne d’articles et de commentaires épais et épicés sur le sujet. Il est
vrai que cette étude détonnait dans l’univers très fermé du Fonds monétaire
international, «cœur battant du consensus de Washington et de l’idéologie
dominante», rétif à toute repentance sur ses programmes en Afrique.
Le 2 juin 2016, soit quelques jours après la publication de
l’article polémique, le chef économiste du FMI, Maurice Obstfeld, a tenté de tiédir
l’analyse de ses collègues en faisant l’exégèse des propos controversés : «Cet
article a été largement mal interprété et il ne faut pas y voir d’inflexion
majeure dans la démarche du FMI. Je pense qu’il est fallacieux de poser la
question de savoir si le FMI est pour ou contre l’austérité.
Personne ne veut
d’une austérité stérile. Nous sommes pour les politiques budgétaires qui
accompagnent la croissance et l’équité dans la durée. Et ces politiques varient
selon les particularités de chaque pays et de chaque situation. (…) C’est là
une réalité et non pas une orientation idéologique.» Peine perdue ! Le coup était
déjà parti !
Conseiller les Gouvernements- Dans sa veine tentative de déminer
la polémique, le chef économiste du FMI en a ajouté une couche pour la moins
insolite : «Nous avons pour mission de conseiller les gouvernements sur la gestion
optimale de leur politique budgétaire, afin d’éviter des conséquences néfastes.
Parfois, cela nous amène à reconnaître qu’il est des situations où des coupes
budgétaires excessives peuvent aller à l’encontre de la croissance, de l’équité,
voire de la viabilité même des finances publiques». Avant d’ajouter : «Il y a
des limites aux souffrances que les pays peuvent ou doivent endurer.» Sans
commentaires !
Il est, aujourd’hui, clairement démontré que la politique néolibérale
a été survendue aux pays africains. Bien souvent, il leur a été servi une pâle
copie de l’économie de marché. Cette manœuvre inédite et inattendue du FMI,
provenant de la profondeur de ses entrailles, avait surpris plus d’un. À quoi
rimait cette prise de conscience soudaine moulée dans la lucidité et l’empathie
? Il est vrai que ces sorties des experts du FMI, décalées par rapport à la
doxa, n’étaient certes pas une auto-répudiation, mais elles restaient un amas
de «critiques en règle des politiques de dérégulation menées partout dans le
monde depuis quarante ans, sous l’égide…du FMI24». Mise en état d’ébullition,
la presse en avait fait ses choux gras.
Ne pouvant résister à l’attraction d’une image forte,
l’essayiste belge Paul Jorion, professeur de l’Université catholique de Lille
et ancien enseignant à Cambridge, dira que «l’histoire du FMI, c’est une
histoire de désastres successifs. Donc ce n’est pas un organisme qui a une très
bonne réputation. Il s’est pratiquement toujours trompé. Pourquoi ? Parce qu’il
n’a pas fait de l’analyse mais a suivi un programme idéologique». Même si la
critique est trempée dans le vitriol, elle traduit un mal-être de plus en plus
perceptible dans l’opinion publique africaine.
Dans la livraison de mai 2010 de Réalités industrielles, la
très confidentielle revue de l’École des mines, le doyen des économistes français,
Maurice Allais, par ailleurs prix Nobel d’économie (1988), fustigea le néolibéralisme
en des termes très incisifs : «Le libéralisme ne saurait être un laisser faire.»
Pour lui, le chômage, est «la conséquence de la libéralisation inconsidérée du
commerce international». Ancien compagnon de route de Hayek et de Friedman, il
reconnut ses propres erreurs du passé et fit son mea-culpa : «Nous avons été
conduits à l’abîme par des affirmations économiques constamment répétées, mais
non prouvées. Par un matraquage incessant, nous étions mis face à des vérités établies,
des tabous indiscutés, des préjugés admis sans discussion.
Cette doctrine
affirmait comme une vérité scientifique un lien entre l’absence de régulation
et une allocation optimale des ressources. Au lieu de vérité, il y a eu, au
contraire, dans tout ceci, une profonde ignorance et une idéologie
simplificatrice.» Ce revirement de Maurice Allais avait tous les accents de la
repentance.
Courant néokeynésien en vogue- Dans cet environnement de
clair-obscur, le keynésianisme a le vent en poupe. À coup de milliards de
dollars et d’euros, l’Occident fait l’apologie de l’«État providence» – même si
les doctrinaires de Bretton Woods peinent à le reconnaître : intervention
massive de l’État pour sauver les banques, création de banques publiques
d’investissement, protection du marché local et des «champions nationaux», présence
de l’État dans le conseil d’administration d’entreprises privées, plafonnement
de la rémunération des dirigeants de banques, etc. Bref, tout y passe pour
sortir le nez de l’eau. Tout, sauf ce qui est imposé aux pays africains ou que
ceux-ci ont choisi – qu’importe d’ailleurs l’un des deux. Et, on n’est pas loin
du passage de témoin entre la Chine dite «communiste» qui se privatise, et
l’Europe dite «libérale» qui se socialise.
D’énormes sommes sont investies dans les dépenses publiques.
Le déficit explose et la dette prend l’ascenseur. Par exemple, le plan Paulson
aux États-Unis, du nom de l’ancien secrétaire au Trésor, Henry Paulson, avait nécessité
la rondelette somme de 700 milliards de dollars, soit 520 milliards d’euros. Ce
plan visait à acheter et à gérer certains actifs toxiques des portefeuilles des
institutions financières. L’État fédéral américain a utilisé 185 milliards
d’euros pour entrer au capital de neuf banques, dont Citigroup, Wells Fargo, JP
Morgan Chase, Bank of America. Si l’on y ajoute les nationalisations des
agences de refinancement hypothécaire Freddie Mac et Fannie Mae, de l’assureur
AIG, le soutien aux fonds monétaires et les garanties de la Fed au rachat de
Bear Stearns, le plan de sauvetage du système financier américain approchait
les 1.200 milliards de dollars, soit 8% du Produit intérieur brut (Pib) américain.
En Europe, les aides autorisées par la Commission européenne
au secteur financier, (il existe 8.000 banques sur le Vieux continent, dont 44
de grande taille), s’étaient élevées au total à 5.059 milliards d’euros (près
de trois fois le PIB du continent africain), dont un tiers environ avait été
effectivement utilisé (13% du Pib européen), entre le début de la crise en
octobre 2008 et octobre 2012. La majeure partie de ces aides avait été consacrée
aux garanties apportées aux banques privées. Le reste a été destiné à leur
recapitalisation, à des injections de liquidités et au sauvetage d’actifs dépréciés.
En France, le plan de relance au secteur bancaire se chiffrait à environ 400
milliards d’euros, soit 20% du Pib. Dans la foulée de la gestion post-crise,
sans coup férir, le gouvernement français avait créé le 31 décembre 2012 la
Banque publique d’investissement (BPI).
Si le climat était une banque- Cette débauche exceptionnelle
d’énergie des politiques en Occident pour sauver leur système bancaire avait
fait dire, ironiquement, au défunt président vénézuélien, Hugo Chavez : «Si le
climat était une banque, on l’aurait déjà sauvé.» Le discours n’était certes
pas sans arrière-pensées politiques, mais la réalité était crûment déclamée.
Ce qui transparaît clairement dans le discours de la
directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, lors de la séance plénière de
l’Assemblée annuelle 2019 du FMI et de la Banque mondiale le 18 octobre 2019 : «Permettez-moi
pour commencer de citer John Maynard Keynes, un de nos pères fondateurs : L’économie
est essentiellement une science morale et non pas une science naturelle, c’est-à-dire
qu’elle fait appel à l’introspection et aux jugements de valeur.» Ces mots
montrent bien la raison d’être du FMI et de son personnel.
Dès lors, comment comprendre qu’il puisse être imposé aux
pays africains une posture d’«État gendarme», de rester à la périphérie du développement
en laissant la main à un secteur privé faible et affaibli, alors que les
gouvernants des pays qui en font la médication, signent chez eux, sous la
pression d’une crise persistante et d’une rue insistante, le grand retour de l’État
dans les affaires ?
Après avoir subi une éternité de domination extérieure, les
pays africains sont supposés être des États matures, «majeurs et vaccinés». Ils
ont au compteur 12.000 ans d’histoire, ont subi plus de quatre siècles
d’esclavage et de colonisation, revendiquent près de six décennies d’indépendance
politique et souffrent de quatre décennies de cure d’austérité imposées,
superposées et transposées dans un modèle économique néolibéral, ultralibéral,
bancal, martial et, pour finir, létal. Si avec tout ce background, ils ne sont
pas parvenus à construire leur propre modèle économique qui tient compte de
leurs réalités et de leurs ambitions, alors il faut désespérer, envisager un «Afrexit»,
et les laisser définitivement sous la tutelle des «maîtres du monde».
Cheikhna Bounajim Cissé
L’émergentier
Rédaction Lessor
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