Cour d’assises de Bamako : La liberté pour l’accusé

Avec son engin à deux roues, il avait accidentellement occasionné la mort d’un piéton avant de prendre la fuite. Il a été recherché, retrouvé et jeté en prison puis blanchi au terme de son procès

Publié jeudi 06 octobre 2022 à 08:46
Cour d’assises de Bamako : La liberté pour l’accusé

Après avoir passé trois ans derrière les barreaux, Aly Cissé a été déclaré non coupable par les juges de la Cour d’assises de Bamako  dont la première session se tient depuis trois semaines environs. Ce trentenaire a été jugé pour « coups mortels » dont la victime,  Boubacar Diah a malheureusement succombé à ses blessures.

Depuis, l’auteur des faits est tombé sous le coup de cette infraction criminelle prévue et punie par les dispositions de l’article 202 du code pénal pouvant donner lieu à l’application de peines criminelles. Les raisons qui ont motivé son renvoi pour être jugé en cours d’assises remontent à courant 2016. Les faits se sont passés au quartier Sans Fil en Commune II du District de Bamako.

Force inouïe et brutale

De l’acte d’accusation, il est ressorti que courant 2016, à la veille de la fête de l’Aïd El Kébir, au quartier Sans Fil, Aly Cissé et son compagnon revenaient d’une livraison de bélier à un client. Les deux hommes qui se transportaient sur une moto Djakarta ont violemment percuté un piéton. Celui-ci sera identifié plus tard comme Boubacar Diah, un élève coranique. L’accident s’est produit lorsque ce dernier tentait de traverser la chaussée.

Bien qu’il avait commis l’accident, Aly avait accusé la victime d’en être le principal responsable. D’échanges de mots en échanges de mots, la tension est subitement montée entre l’auteur de l’accident et la victime. Le premier qui semblait avoir perdu le contrôle de ses nerfs s’en est pris au second. Il lui serre le cou avec une force brutale et inouïe au point que le jeune homme a perdu connaissance et s’est finalement écroulé sous pieds.

A la vue de la victime dont le corps semblait complètement mou sur le sol, Aly et son compagnon ont cédé à la panique. Sans demander leur reste, ils ont pris la fuite sans chercher à apporter le moindre secours à Boubacar Diah qui gisait inconscient sur le sol. Il  sera néanmoins secouru et transporté d’urgence au Centre hospitalier et universitaire Gabriel Touré, où il a rendu l’âme peu après.

Entre temps, Aly Cissé a cherché à se faire oublier. C’est ainsi qu’il a laissé Bamako pour aller se réfugier à Niono chez une de ses tantes. Mais l’affaire était déjà entre les mains des policiers qui cherchaient à lui mettre le grappin dessus. Ainsi, courant décembre 2019, des éléments de la Brigade de recherches du commissariat de police du 3ème Arrondissement de Bamako sont partis le cueillir. Après toutes les formalités requises en l’espèce, il a été mis à la disposition de la justice. Quant à son compagnon de fortune, Adama Traoré, il serait toujours dans la nature.

Au cours de l’enquête préliminaire, Aly Cissé, a reconnu l’entièreté des faits à lui reprochés. Il a néanmoins tenté d’expliquer les circonstances dans lesquelles les faits se sont déroulés. C’est ainsi qu’il a expliqué qu’il était sous l’effet de l’alcool au moment où il percutait sa victime. D’où les raisons de la vive colère à la suite de laquelle il a administré de violents coups à la victime. Incapable de se retenir  il s’est finalement saisi du cou de Boubacar Diah qui a fini par s’écrouler sur le sol avant de perdre connaissance. Toute fois, l’inculpé s’est défendu qu’il ne pouvait pas du tout imaginer que son attitude pouvait entraîner la mort du jeune homme.

Des aveux sous la torture

Après tout, Aly Cissé a rejeté le fait d’avoir porté des coups sur sa victime. Il s’est défendu expliquant qu’il avait lui aussi subi des blessures, l’obligeant à se rendre dans un centre de santé pour y subir des soins. C’est depuis ce lieu qu’il a appris le décès de sa victime. Selon lui, la seule alternative pour lui en ce moment, c’était de s’enfuir. D’où sa présence à Niono chez sa tante. À la barre, la cour a d’abord requalifié la nature de l’infraction pour juger le suspect sous l’accusation de « coups mortels » en lieu et place de « meurtre » comme cela avait été retenu en premier lieu dans le dossier. Mais en dépit de tout ce qui précède, l’accusé n’a pas hésité à nier les faits en bloc devant les jurés. Il s’est défendu arguant qu’il avait reconnu les faits à l’enquête préliminaire sous la pression et la torture des policiers.  

Le mensonge comme moyen de défense

Le ministère public a pris la parole et exprimé son étonnement face à l’attitude de l’accusé. Pour le défenseur des citoyens, en l’écoutant à la barre, cet accusé donne l’impression à la cour comme s’il n’avait rien fait de mal. Le magistrat debout a rafraichi la mémoire des jurés en rappelant les faits tels qu’ils se sont passés. Le défenseur des citoyens a rappelé que l’accusé a le droit de nier à la barre, car, estime-t-il, le mensonge est également un moyen de défense. Toute fois, estime le parquet général, en dépit de sa dénégation à la barre, dans son fort intérieur, l’accusé sait qu’il a commis cette infraction. « S’il n’avait rien commis, pourquoi s’est-il enfui pour se retrouver à Niono » ? s’est interrogé le magistrat apportant ainsi un élément à charge pour boucher tout issue à la défense. Il s’agit du fait que l’accusé a commis l’acte alors qu’il était en état d’ivresse. D’où, selon le parquet, une circonstance aggravante. Partant de tout ce qui précède, le ministère public a plaidé pour son maintien dans les liens de la culpabilité.

Le doute profite à l’accusé

La défense a, de son côté plaidé non coupable. L’avocat a dit avoir compris beaucoup de chose dans cette histoire à la suite du passage de son client à la barre. L’homme de droit s’est dit fermement convaincu que l’accusé a reconnu les faits à l’enquête  préliminaire sous l’effet de la torture comme il l’a lui même expliqué. Selon lui, les policiers l’ont fait dire ce qu’il n’avait pas dit. D’où les zones d’ombres et non dits du dossier. Partant de tout cela, l’avocat a émis de sérieux doutes quant à la culpabilité de son client. Surtout que, selon lui,  ce dernier s’est montré d’une cohérence particulière tout au long du procès.

« En matière pénale, le doute profite à l’accusé », a déclaré la défense qui est revenu sur les raisons de la fuite du jeune homme après l’accident. Pour le conseil, ce dernier s’est enfui juste par ce qu’il avait pris peur. De l’avis de l’avocat, cela est un constat général que de voir les auteurs des accidents mortels prendre la fuite. Mais, ajoute-t-il, cela ne voulait pas dire qu’ils avaient volontairement donné la mort pour ensuite prendre la fuite. Concernant l’état d’ivresse de l’accusé, la défense a tout simplement rejeté ce fait, estimant que cela n’a jamais été confirmé chez le juge instructeur.

Visiblement, la plaidoirie de la défense semble avoir joué en faveur de l’accusé. Aux termes des débats, la culpabilité de l’accusé n’a pu être établie par la Cour qui l’a déchargé des faits retenus contre lui. Aly Cissé est sorti libre de la salle à la satisfaction de son avocat et de sa famille.

Yaya DIAKITE

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