
Le blé produit au Mali présente d'excellentes caractéristiques protéiques avec un taux de 12%
On pourrait bien appeler cela le paradoxe malien. L’État renonce à des milliards de Fcfa chaque année pour encourager l’importation de denrées de base : riz, blé... Le pays dispose pourtant de potentialités immenses inexploitées pour la production à grande échelle de ces produits notamment du blé. Plus de 45.000 ha se prêtent à la culture irriguée du blé dans la Région de Tombouctou et 100.000 ha aménagés dans la zone Office du Niger avec une disponibilité des ressources hydriques et des conditions agro-climatiques favorables, selon les estimations de l’Institut d’économie rurale (IER).
Ce potentiel est loin d’être exploité. Les
données officielles soulignent que le Mali n’exploite qu’environ 10.000 ha sur
ce potentiel immense. La production totale moyenne s’élève à 45.000 tonnes soit
une productivité moyenne de 3,5 tonnes par ha. La consommation annuelle de blé
dépasse 365.000 tonnes, dont seulement 12,33% produites localement. Le pays
importe une grande quantité de graine de blé d’Europe pour la consommation
domestique. Les données de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation
et l’agriculture (FAO) montrent que le Mali dépend fortement des importations
de blé.
«De 2015 à 2018, environ 278.550 tonnes de blé ont été importées en
moyenne pour un coût annuel moyen estimé à près de 69 millions de dollars
(environ 45,4 milliards de Fcfa)», souligne un document de recherche que nous
avons consulté. À titre illustratif, le Mali a importé 380.000 tonnes de blé en
2020 pour une consommation de 420.000 tonnes soit une production nationale de
seulement de 40.000 tonnes, note le même document.
Seulement ces derniers mois, le blé est devenu
une denrée stratégique dans un contexte mondiale marqué par les effets du
conflit entre la Russie et l’Ukraine. Ces deux pays en sont les principaux
producteurs mondiaux. «30% du blé au monde provient de la Russie et de
l’Ukraine. Le blé est une céréale très consommée dans le monde et la plupart
des pays importent de ces deux pays», explique l’économiste Modibo Mao Makalou,
à propos de l’importance du blé dans le contexte de ce conflit qui secoue le
monde depuis le 24 février 2022.
La principale conséquence de ce conflit sur le
continent africain a été la flambée des prix des denrées importées de ces deux
pays. L’opportunité pourrait ainsi venir de la mise en valeur de la production
locale pour les pays disposant de potentialités agricoles. «Le blé a la
particularité d’être cultivé pendant la période froide alors que le riz par
exemple est cultivé au cours de la période chaude», explique le Dr Oumarou Goïta,
chercheur à l’Institut d’économie rurale. Ce spécialiste travaille depuis plus
de 20 ans sur la sélection, le choix des variétés et les innovations dans la
culture du blé au Mali.
Les différents travaux qu’il a menés avec ses collègues ont permis de connaître avec précison les conditions environnementales et les périodes de semi favorables au blé au Mali. Le Dr Oumarou Goïta souligne que la culture du blé demande une grande technicité dans la gestion de l’eau pour fructifier les températures. Cette céréale a aussi la particularité de ne pas consommer beaucoup d’eau et les températures fraiches lui sont propices. Une aubaine pour certaines localités de la Région de Tombouctou. La première région du Mali est celle où la culture du blé aurait été introduite dès le 15è siècle, selon des sources historiques, par les Almoravides (Confrérie de moines guerriers, Berbères sahariens).
ABANDON AU PROFIT DE L’OIGNON- Dans le Cercle
de Goundam, le blé est en effet cultivé depuis des générations. Trois communes
sont les fiefs de cette culture : Douékiré, Kanèye et Doukouria, situées à
l’est de la Commune urbaine de Goundam, respectivement à 45 km et 5 km du
chef-lieu de Cercle. Selon le chef du service local d’agriculture à Goundam, près
de 2.500 ha de terres y sont exploités chaque année avec une production
annuelle de 18.750 tonnes, soit 7,5 tonnes à l’hectare. Les surfaces
cultivables sont façonnées en casiers, la méthode culturale est le semi par
poquet et l’irrigation faite à l’aide de motopompes, explique Amadou Almoudou.
Regroupés au sein de la coopérative des
producteurs de blé du Cercle de Goundam, les producteurs écoulaient à perte une
grande partie de la récolte. Le reste était vendu aux populations locales.
Toute la production locale du Cercle, avant l’installation de l’insécurité et
la survenue de la pandémie de Covid-19, intéressait un seul gros client :
Achcar. Il sillonnait les cercles de Diré et de Goundam à la fin des campagnes
pour acheter les récoltes de blé, mais à un prix jugé presque dérisoire faute
de concurrence, se souvient le président de cette unique coopérative des
producteurs de blé. Mossa Ag Demba juge que cette situation a découragé plus
d’un exploitant. En plus de la vente à perte, les producteurs de blé demeurent
confrontés à de nombreux défis dont la vétusté du système de canalisation,
l’inflation du prix de l’engrais et autres intrants agricoles. Ce cumul de
problèmes démotive de plus en plus les exploitants.
Face à la situation, beaucoup de producteurs
sont tentés d’abandonner la culture du blé, ces dernières années, au profit de
l’oignon, du cumin et de l’anis, vendus dans les région situées au sud du pays à
des prix plus alléchants. Avec l’argent obtenu, ils parviennent à payer des
intrants, des tonnes d’engrais, des pièces de rechanges et du carburant pour
les motopompes. Une alternative pour eux de remédier à la perte causée par la
mauvaise commercialisation du blé. Aujourd’hui, les blés produits dans les
zones d’exploitation sont achetés et consommés par les populations des Régions
de Tombouctou et Gao. Ils s’écoulaient très timidement, mais avec la crise
actuelle les derniers stocks de blé ont été raflés par les consommateurs
locaux. Le «sawal» l’unité de mesure du marché de la localité qui correspond à
3 kg est vendu à 1.750 Fcfa la mesure.
Selon des documents de recherches, le blé est le deuxième produit agricole le plus important au Mali pour la sécurité alimentaire en termes de quantité et de calories consommées. Les études ont relevé que le blé produit au Mali présente «d’excellentes caractéristiques protéiques avec un taux de 12%». Ce blé malien est même utilisé pour améliorer la faible teneur en protéines du blé importé 10,5% dans la fabrication, renseignent les documents des chercheurs de l’IER que nous avons consultés. Ce blé est pourtant pas apprécié à sa juste valeur car acheté auprès des paysans à 200 Fcfa le kg et 225 Fcfa le kg avec le transport.
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TYPES D’ALIMENTS TRADITIONNELS- De l’avis de beaucoup d’exploitants de blé, si
rien n’est fait pour soutenir la culture du blé, celle de l’oignon risque de
prendre le pas sur le blé dans les trois communes. Les producteurs migrent vers
la culture de l’oignon qui est plus rentable financièrement. L’oignon est vendu
et n’a pas les mêmes caractéristiques qu’une céréale comme le blé consommée
localement en période de soudure.
«La culture du blé reste un rempart pour les
producteurs dans la lutte contre l’insécurité alimentaire. À Tombouctou, le blé
entre dans la préparation de plus de 50 types d’aliments traditionnels dont le
Takula, le Fujula, entre autres», explique le technicien Oumarou Goïta. Le spécialiste
assure que les techniques pour booster la production sont connues et les résultats
des études menées en la matière sont disponibles. Mais, selon lui, «la
politique nationale joue contre les producteurs». «L’État injecte beaucoup
d’argent pour supporter les commerçants, les industriels qui font
l’importation. Cet état de fait tue les producteurs locaux», estime le
chercheur, qui déplore un manque de volonté pour la valorisation de la culture
du blé produit localement.
Cependant, les initiatives sont en cours pour
redynamiser la production locale. L’Union africaine a mis en œuvre le Programme
intégré de développement de l’agriculture face aux effets du changement
climatique. Ce projet prévoit dans plusieurs pays bénéficiaires dont le Mali le
financement pour le machinisme agricole, la formation des chercheurs et des
producteurs pour plusieurs cultures dont le blé. De quoi donner de l’espoir à
Oumarou Goïta.
Qui insiste sur des mesures de protection des petits producteurs
locaux. «Tant que la production nationale n’est pas épuisée, les gens ne
doivent pas aller chercher à l’extérieur», préconise-t-il. Les variétés
d’aujourd’hui produisent jusqu’à 6 tonnes à l’hectare. 180.000 tonnes de blé
importé pour 23 milliards de Fcfa. En injectant cette manne dans la production
nationale, estime-t-il, on pourra largement couvrir les besoins et même
exporter notre blé dans la sous-région.
Mohamed TOURÉ
et Almahadi A TOURÉ,
Amap-Goundam
Rédaction Lessor
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