Mme Sanogo Aminata Mallé, Médiateur de la République : «Notre souci demeure la satisfaction des usagers des services publics»

En prélude de la 26è session de l’Espace d’interpellation démocratique (EID), qui aura lieu samedi prochain, le Médiateur de la République revient sur le sens de ce forum. Par ailleurs, Mme Sanogo Aminata Mallé explique aussi les procédures pour prendre part à cette rencontre qui permet aux citoyens de porter leurs préoccupations à la connaissance des décideurs

Publié mercredi 07 décembre 2022 à 06:47
Mme Sanogo Aminata Mallé, Médiateur de la République : «Notre souci demeure la satisfaction des usagers des services publics»

L’Essor : Pouvez-vous présenter les services du médiateur de la République ?

Sanogo Aminata Mallé :
Le Médiateur de la République est une autorité indépendante, qui a été créée en mars 1997 avec comme mission principale, le traitement des réclamations des citoyens contre les dysfonctionnements de l’administration. Par-là, il faut comprendre l’ensemble des services publics, des collectivités territoriales et de tout organisme investi d’une mission de service public.

L’administration n’est pas à l’abri des lenteurs, des erreurs, des décisions inéquitables et même parfois des négligences de la part de ses agents. C’est pour cette raison que les citoyens peuvent saisir le Médiateur de la République, après avoir effectué au préalable, une première démarche auprès de l’administration mise en cause.

Le Médiateur de la République dispose de nombreux services, notamment le service des réclamations et le secrétariat permanent de l’Espace d’interpellation démocratique (EID), des correspondants dans les départements ministériels et dans les ambassades et consulats. Le siège de la Médiature se trouve à Bamako. Le Médiateur est représenté au niveau de certaines capitales régionales par des délégations territoriales animées par des délégués régionaux.

Actuellement, elles sont au nombre de sept réparties entre les Régions de Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou, Mopti, Tombouctou et Gao. Les délégués traitent directement les réclamations et acheminent, en cas de difficultés, certaines réclamations et toutes les interpellations au niveau du siège à Bamako.

Le Médiateur de la République aide les citoyens à résoudre les problèmes qu’ils rencontrent avec l’administration. Les usagers, qui saisissent le médiateur, bénéficient de l’accueil, de l’écoute, de l’orientation, du traitement et du suivi de leur dossier. En 2022, entre la période du 02 janvier et le 30 novembre, les services du Médiateur de la République ont accueilli 5.366 usagers au niveau de son siège à Bamako et dans les délégations territoriales.

Le médiateur de la République peut faire des propositions de réformes visant à améliorer le fonctionnement de l’administration ou suggérer des modifications à apporter à des dispositions législatives et règlementaires. Il a le pouvoir d’intervenir en équité en demandant par exemple à l’administration de renoncer à tout ou partie du bénéfice d’une décision de justice. Dans cette dynamique, par décret n°2012-117 du 24 février 2012, le Médiateur de la République a été chargé de l’organisation des sessions de l’EID, précédemment organisée par le ministère de la Justice.

 

L’Essor : Justement, l’EID se tient chaque 10 décembre dans notre pays. Pouvez-vous parler de ce forum ?

 Sanogo Aminata Mallé : L’EID, qui a commencé en 1994, a pour objet d’informer les opinions publiques nationale et internationale sur l’état des droits de l’Homme en République du Mali, de contribuer de manière active et pédagogique à la réalisation d’une culture démocratique nationale et d’impulser de façon significative la politique de promotion et de protection des droits et libertés des citoyens. C’est un forum démocratique qui se tient le 10 décembre de chaque année, Journée commémorative de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.

Ce forum citoyen permet un échange direct entre les gouvernants et les gouvernés. Cela permet aussi au citoyen lambda d’interpeller directement les ministres concernés sur leurs préoccupations.

Pour assurer un meilleur suivi et l’évaluation de la mise en œuvre des recommandations de ce forum, un secrétariat permanent a été institué depuis 2014. L’EID, dans sa composition, comprend le secrétariat permanent, la commission préparatoire et le jury d’honneur, qui assure la présidence des travaux de la session.

Ce forum examine les atteintes aux droits humains, les cas d’injustice tels que les inégalités, les actes discriminatoires, les dysfonctionnements de l’Administration, le non-respect de la légalité, la violation du principe de bonne gouvernance. Les ministres sont tenus de répondre aux interpellations qui leur sont adressées.

 

L’Essor : Comment se fait la saisine de l’EID ?

 Sanogo Aminata Mallé : Toute personne physique et morale, victime de graves violations des droits humains et libertés reconnus par la Constitution peut demander à interpeller le gouvernement dans le cadre de l’EID. Les étrangers peuvent également saisir l’EID à condition que l’affaire concerne une administration nationale. La saisine des services du Médiateur de la République est directe et gratuite.

 

L’Essor : Certains de nos compatriotes se demandent pourquoi le médiateur de la République ne mène pas des missions de bons offices dans la résolution des crises sociales et politiques dans notre pays. Qu’avez-vous à répondre ?

 Sanogo Aminata Mallé : Les textes ne nous permettent pas l’auto-saisine comme c’est le cas dans certains pays africains. Mais avec la réforme de 2012, le président de la République, le gouvernement ou le Parlement peut nous confier des missions spécifiques. À titre d’exemple, le président de la République a sollicité mon prédécesseur pour mener une mission de bons offices dans la crise scolaire et organiser la Conférence d’entente nationale et le Dialogue national inclusif.

Donc, on ne peut pas s’auto-saisir, mais quand on nous demande, volontiers, nous mettons nos services à la disposition de l’État, conformément à notre slogan «un recours pour le citoyen et un conseil pour l’administration». également, nous donnons des conseils à l’administration.


Chaque année, le Médiateur de la République remet un rapport annuel au président de la République et au président de l’Assemblée nationale. Dans ce rapport, il fait des recommandations et attire l’attention des pouvoirs publics sur les nécessités de réformer certains textes. Notre souci demeure la satisfaction des usagers des services publics et nous sommes au service des citoyens.

 

L’Essor : La 25è session de l’EID s’est tenue l’année dernière, pour la 1ère fois, sous votre leadership. Qu’est-ce que vous retenez de cette session ?

 Sanogo Aminata Mallé : C’était la toute première fois pour moi d’organiser  l’EID en 2021. J’ai ainsi décidé de modifier le règlement intérieur de l’EID en portant le choix exclusivement sur des personnalités nationales aux compétences avérées et d’une probité morale comme membres du jury d’honneur. La session s’est bien déroulée parce que nous nous sommes conformés aux horaires prévus. Le jury d’honneur a fait des recommandations pertinentes à l’endroit de l’administration.


Ce qui a, principalement, retenu mon attention, c’est le constat d’un déficit d’information des citoyens et des usagers de l’administration en particulier. La plupart d’entre eux ignorent l’existence de la loi n°98-012 du 19 janvier 1998, régissant les relations entre l’administration et les usagers des services publics et de son décret d’application n°03-580 du 30 décembre 2003. Je dois signaler qu’il y a certains grands principes auxquels l’administration doit se conformer tels que : les principes d’égalité, d’impartialité, de neutralité et de motivation des actes administratifs.

Les usagers des services publics ont le droit d’être informés des motifs des décisions administratives individuelles ou collectives défavorables qui les concernent. Le libre accès aux documents administratifs de caractère non nominatif est un droit pour le citoyen. L’administration est tenue de répondre aux correspondances qui lui sont adressées par les usagers dans un délai de 30 jours.

Il faut reconnaître que les usagers ignorent le plus souvent le fonctionnement de l’administration. Cette situation m’a amené à organiser le 14 avril 2022 une « Journée portes ouvertes» qui a permis aux citoyens et usagers de l’administration de comprendre le rôle, les missions et le mode de saisine du Médiateur de la République. à la Médiature, la procédure est gratuite. L’usager dépose une demande écrite au secrétariat des services du Médiateur et un chargé de dossier est chargé d’examiner sa demande. Au niveau des délégations, la procédure est identique. Même si nous ne sommes pas compétents, nous orientons l’usager vers les services compétents.

La session s’est déroulée dans de bonnes conditions, les ministres interpellés ont apporté des réponses aux interpellations qui leur ont été adressées. Je peux dire que les interpellateurs aussi bien que les ministres étaient satisfaits du bon déroulement de la session.

Pour faciliter le déplacement des interpellateurs venant des régions, nous avons pris, intégralement en charge leurs frais de transport, d’hébergement, de restauration et de déplacement. C’était une toute première.

 

L’Essor : Sur les 53 dossiers qui ont été retenus pour lecture au cours de cette session, 22 furent retirés pour motif de satisfaction. Qu’en est-il de l’état d’avancement des autres dossiers ?

 Sanogo Aminata Mallé : Les 31 dossiers ont tous eu une suite de la part des départements ministériels concernés. Sur 153 dossiers retenus pour suite à donner, 144 ont reçu des réponses et le reste est en cours de traitement.

Le jury d’honneur avait formulé, au total, 31 recommandations sur lesquelles 28 ont reçu des réponses. Ce qui dénote d’un suivi rigoureux.

à longueur de journée, nous sollicitons les départements ministériels pour les amener à répondre aux sollicitations des usagers. Nous avons également des correspondants au niveau de la plupart des départements ministériels et au niveau de certaines ambassades et certains consulats.

Donc, c’est un suivi régulier et permanent qui continue au-delà de la journée du 10 décembre. Je dois avouer qu’il y a eu des efforts de la part de nombreux départements ministériels, notamment les ministères chargés de l’économie et des Finances, de l’Administration territoriale, de la Santé, de l’Urbanisme qui répondent, systématiquement, à toutes nos correspondances

 

L’Essor : Avez-vous un appel à l’endroit de nos compatriotes pour la 26è session de l’EID, prévue le samedi 10 décembre ?

Sanogo Aminata Mallé : Je voudrais lancer un appel à l’ensemble de nos compatriotes de faire confiance à l’EID, qui est un espace de veille citoyenne, permettant aux citoyens, notamment les usagers de l’administration, de dialoguer directement avec les ministres concernés en présence du Premier ministre, durant la journée du 10 décembre.

J’invite par ailleurs les usagers de l’administration à s’informer auprès des bureaux d’accueil et d’orientation pour faire valoir leurs droits en cas de dysfonctionnement des services publics. Je profite aussi de l’occasion pour attirer l’attention des gouvernants sur la nécessité de vulgariser davantage les textes régissant les relations entre l’administration et les usagers des services publics à travers des émissions radiotélévisées, notamment les radios de proximité dans les régions et les sketchs de sensibilisation dans les langues nationales.

Propos recueillis par

Bembablin DOUMBIA

Bembablin DOUMBIA

Lire aussi : Fonctions publiques au Mali : Les agents non identifiés seront radiés des effectifs après le délai de grâce

Les agents qui ne se sont pas présentés lors des opérations d'identification biométrique ont un délai de grâce de trois mois, allant du 8 septembre au 8 décembre 2025 pour régulariser leur situation administrative.

Lire aussi : Incivisme : L’artiste Black M. interpelé

De son vrai nom, Alpha Diallo, le rappeur Franco-guinéen, connu sous le nom d'artiste « Black M », en séjour en Côte d'Ivoire et se trouvant dans une situation de conduite imprudente, a été interpellé..

Lire aussi : Insolite: Neymar désigné hériter d'un autre homme que son père

Nouvelle incroyable au Brésil concernant Neymar Jr. En effet, le footballeur a été désigné hériter d'un milliardaire en dollars autre que son père. Le testament a été rédigé à son nom..

Lire aussi : Goundam : Le geste philanthropique d’El Hadj Alphamoye Haîdara

Une habitante de la ville de Goundam a vu sa maison effondrer suite aux multiples érosions et intempéries survenues au cours de la saison d’hivernage..

Lire aussi : Kayes : EDM-SA rétablit l’électricité dans le secteur des logements sociaux

Après avoir passé trois nuits dans le noir, certaines familles des logements sociaux de Kayes et ses alentours ont enfin poussé un ouf de soulagement suite au rétablissement de l’électricité dans leur secteur. Rappelons que certaines concessions de la cité ATT Bougou (logements sociaux) et .

Lire aussi : Mopti : Plusieurs points à l’ordre du jour de la 2è session ordinaire du CROCSAD 2025

La salle de conférence du gouvernorat de Mopti a abrité du lundi au mardi dernier les travaux de la 2è session ordinaire du Comité régional d’orientation, de coordination et de suivi des actions de développement (Crocsad) de la région au titre de l’année 2025..

Les articles de l'auteur

Garde à vue et mandat de dépôt : Deux mesures judiciaires concourant à la manifestation de la vérité

Dans une interview, Pr Mamadou Guissé, enseignant-chercheur à la Faculté de droit privé de l’Université Kurukanfuga de Bamako (UKB), explique les raisons de la garde à vue et du mandat de dépôt, deux mesures judiciaires qu’on entend maintenant en longueur de journée. Si la première peut être ordonnée par un officier de police judiciaire, par contre la deuxième est décidée par un juge d’instruction pendant l’instruction du dossier.

Par Bembablin DOUMBIA


Publié mardi 02 septembre 2025 à 07:18

Mme Sanogo Aminata Mallé, Médiateur de la République : «La récurrence des litiges fonciers mérite l’attention des gouvernants»

Tout en appelant à sanctionner les fautifs, elle juge nécessaire le respect strict des textes relatifs au foncier par les services techniques des domaines et du cadastre, la vérification de la disponibilité ou l’effectivité des terres avant toute opération d’attribution, le respect des procédures dans le cadre des expropriations.

Par Bembablin DOUMBIA


Publié lundi 01 septembre 2025 à 08:33

Mme Sanogo Aminata Mallé : « La récurrence des litiges fonciers mérite l’attention des gouvernants »

Le Médiateur de la République, Mme Sanogo Aminata Mallé a fait cette déclaration, ce vendredi 29 août dans les locaux de son institution, lors d’une conférence de presse au cours de laquelle il a présenté ses rapports annuels 2023 et 2024..

Par Bembablin DOUMBIA


Publié vendredi 29 août 2025 à 15:41

Fixation du nombre des membres du gouvernement à 30 au maximum : La Cour constitutionnelle déclare conforme à la Constitution

La Cour constitutionnelle a déclaré, lundi dernier, à travers un arrêt la loi n°2024-38/CNT-RM du 5 décembre 2024 portant loi organique fixant le nombre des membres du gouvernement conforme à la Constitution. Cette décision fait suite à une requête du Président de la Transition à l’institution judiciaire aux fins de contrôle de conformité de ce texte..

Par Bembablin DOUMBIA


Publié jeudi 28 août 2025 à 18:44

Koulouba : Le Médiateur de la République présente ses rapports annuels 2023 et 2024 au Chef de l’État

Il ressort de ces rapports que l’institution a reçu en 2024, 208 dossiers de réclamations, dont 138 entièrement traités et 70 en cours de traitement, et qui concernent principalement la gestion domaniale. Le Général d’armée Assimi Goïta, qui a apprécié la qualité des deux documents, a invité le Médiateur de la République à garder en permanence à l’esprit, les possibilités de transformation des grands défis de notre administration en opportunités.

Par Bembablin DOUMBIA


Publié lundi 25 août 2025 à 08:14

Koulouba : Le Médiateur de la République présente ses rapports annuels 2023 et 2024 au Chef de l’Etat

-.

Par Bembablin DOUMBIA


Publié vendredi 22 août 2025 à 17:54

Atteinte aux biens publics à la Primature entre 2021 et 30 novembre 2024 : L’explication du procureur général près la Cour suprême

-.

Par Bembablin DOUMBIA


Publié mardi 19 août 2025 à 21:47

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner