
La lenteur de la justice au Mali est une réalité et alimente
les conversations de nos compatriotes. À la Maison centrale d’arrêt de Bamako
(MCA), qui compte environ 3.000 détenus, il n’y a que, malheureusement, «25% de
condamnés et 75% de détenus provisoires (personnes en attente de jugement)»,
soulignait, il y a quelques mois, le directeur national de l’administration pénitentiaire
et de l’éducation surveillée, Ibrahima Tounkara.
Beaucoup de nos compatriotes croupissent entre quatre murs,
en attendant d’être fixés sur leur sort devant nos juridictions. Pis, certains
d’entre eux peuvent faire plusieurs années dans cette situation. D’autres y
sont même «oubliés». L’un des cas ayant défrayé la chronique récemment est celui
de Mme Bouaré Fily Sissoko.
L’ancienne ministre en charge des Finances sous feu
le président Ibrahim Boubacar Keïta est en détention provisoire depuis plus
d’une année dans l’affaire des équipements militaires. Dans un communiqué publié
récemment, la Cour suprême a confirmé que Mme Bouaré Fily Sissoko reste dans la
position de détenue provisoire pour n’avoir pas payé la caution de 500 millions
de Fcfa.
Que disent les textes sur la détention préventive ? Le
maître-assistant à la Faculté de droit privé (Fdpri) de Bamako, Dr Oumar Koné,
explique qu’aux termes de l’article 125 du Code de procédure pénale, en matière
correctionnelle, si la peine maximale prévue par la loi est inférieure ou égale
à deux ans, l’inculpé régulièrement domicilié au Mali ne peut être détenu plus
d’un mois après sa première comparution devant le juge d’instruction.
Toutefois, si la peine maximale est supérieure à deux ans, la détention
provisoire ne peut excéder six mois prorogeables de la même durée par ordonnance
motivée du juge d’instruction.
La détention provisoire ne peut être renouvelée qu’une seule fois au cours de l’information, précise Dr Oumar Koné, ajoutant qu’en matière criminelle, la durée de la détention provisoire ne peut excéder un an. Néanmoins, si le maintien en détention provisoire paraît nécessaire, le juge d’instruction doit renouveler cette détention par ordonnance spécialement motivée dans les huit jours ouvrables. La prolongation de la détention provisoire peut intervenir chaque année. « Cependant, en aucun cas, la détention provisoire de l’inculpé en matière criminelle ne peut excéder trois ans», précise le pénaliste.
SURPOPULATION CARCÉRALE- Pour le président de la Commission
nationale des droits de l’Homme (CNDH), par rapport aux principes de la présomption
d’innocence, la liberté est le principe en ce sens qu’une personne ne doit être,
normalement, détenue qu’après condamnation. Cela suppose que les juges doivent émettre
rarement, dans les seules conditions indiquées par le Code de procédure pénale,
les mandats de dépôt. Or « dans la réalité, nous assistons pratiquement au
contraire.
Il y a un décernement quasi systématique de mandats de dépôt qui
entraine l’emprisonnement des personnes», déplore Aguibou Bouaré qui estime que
cette situation est attentatoire aux principes de la présomption d’innocence.
Cependant, il signale que la détention provisoire est prévue mais dans des cas
spécifiques énumérés par le Code de procédure pénale. C’est par exemple le cas,
lorsque la liberté de la personne poursuivie peut entrainer sa fuite ou bien
peut permettre que cette personne aille faire disparaître les preuves matérielles
ou faire des concertations avec ses complices.
La surpopulation carcérale est due au fait que pour un oui
ou pour non, on décerne un mandat de dépôt. Du coup, on remplit les prisons et
après, la procédure judiciaire diligente ne suit pas. Ce qui fait que les gens
trainent énormément en prison, pointe Aguibou Bouaré. « Il arrive parfois
que ces personnes soient libérées ou acquittées à l’issue du jugement »,
relève le défenseur des droits de l’Homme, pour qui l’état doit prendre ce
problème très au sérieux et mettre l’accent sur la formation des juges et leur
sensibilisation ainsi que les solutions alternatives à l’emprisonnement.
Mohamed El Bachir Singaré d’Amnesty International au Mali
estime que ce n’est pas normal que beaucoup de dossiers soient en souffrance au
sein des tribunaux. Toutefois, relativise-t-il, la justice a son agenda qui
n’est pas « l’agenda civil ». « Il faut reconnaitre qu’il y a
vraiment des gens dans les centres de détention qui souffrent. On peut même
dire qu’ils sont oubliés à cause de la lenteur judiciaire », déplore le défenseur
des droits de l’Homme, ajoutant que des procès peuvent durer, même en matière
civile, 5 ou 6 ans.
Amnesty International visite régulièrement les établissements
pénitentiaires pour constater les conditions de détention des détenus. « Quand
on visite les centres de détention, on essaye de recenser les cas emblématiques
avant de les porter à la connaissance des juges qui tiennent ces dossiers. Et
la plupart du temps, cela porte fruit», se réjouit Mohamed El Bachir Singaré,
reconnaissant que certains juges traitent les dossiers avec diligence.
De son côté, le bâtonnier de l’Ordre des avocats du Mali
soutient que c’est très difficile dans certains cas. Pour Me Ousmane B. Traoré,
toutes les matières criminelles font l’objet d’instruction obligatoirement et
aussi, certaines matières délictuelles. Les juges sont obligés dans certaines
conditions de renouveler les mandats. «Ils n’ont même pas le choix de plus en
plus, parce que les textes les obligent à aller vers cela», explique le bâtonnier.
D’après lui, il serait plus opportun que les cabinets d’instruction soient plus
étoffés pour éviter que les dossiers trainent sur la table des juges.
Soulignant l’existence de beaucoup de cas de détentions préventives, Me Ousmane B. Traoré dira que cette situation n’est pas qu’en matière criminelle, encore moins pour les sessions d’assises, mais même pour les affaires délictuelles. «Quelques fois, des régisseurs nous disent que certains détenus semblent être oubliés dans les maisons d’arrêt », confie l’avocat.
MANQUE DE MOYENS- Sur la question, le procureur de la République
près le Tribunal de grande instance de
la Commune IV de Bamako signale que la diligence n’est pas la rapidité ou la précipitation,
qui peuvent être source d’erreurs. Pour Idrissa Hamidou Touré, c’est plutôt la
nécessaire conscience chez l’agent de justice que sa décision est attendue et
que sa « négligence » ou son « laxisme » dans le traitement
des affaires peut avoir des répercussions négatives pour les parties et pour
l’ordre public. Le procureur Touré souligne aussi le manque de moyens (humains
et matériels). « Nous sommes 532 magistrats parmi lesquels beaucoup ne
sont plus dans la distribution de la justice pour plus de 20 millions
d’habitants », déplorait le magistrat il y a quelques mois.
Le procureur Touré pense que l’impunité avait trop droit de
cité dans notre pays, ajoutant qu’il fallait la combattre. «On est en train de
gagner ce combat aussi bien dans le monde physique que dans le monde virtuel»,
se félicite-t-il. Mieux, le procureur reconnu pour ses résultats dans la lutte
contre la cybercriminalité, fait savoir qu’en Commune IV, il n’y a plus ou
presque de spéculateurs fonciers. Selon lui, ces délinquants qui pouvaient, en
toute impunité, morceler même un titre foncier et le vendre ou vendre un seul
terrain à deux ou trois personnes, sont pour la plupart en prison et ceux qui
n’ont pas été retrouvés, ont fui le pays.
Les statistiques au niveau de la MCA démontrent que plus de 70% des détenus sont des cas de vol. Or, malheureusement, «il n’y a pas d’alternative au mandat pour un voleur chez nous », souligne sans ambages notre interlocuteur. «Pour le reste, il ne faut pas perdre de vue que nous sommes une société qui punit les écarts de conduite. Quand une personne commet une faute, elle n’est pardonnée qu’après avoir été sanctionnée», justifie le parquetier.
Pour l’huissier de justice, Me Cheick Moctar Kamian, les correctionnels commencent par les cédules de citation qui viennent de chez le procureur avant de tomber dans les cabinets d’huissiers. « C’est nous qui sommes chargés d’appeler tout un chacun devant le juge, c’est-à-dire le prévenu qui est auteur d’infraction de même que ses complices, s’il y en a. Et très souvent, on ne perd pas de temps avec», précise Me Kamian.
DOMMAGES ET INTÉRÊTS - Pour sa part, le président du
Tribunal de grande instance de la Commune IV de Bamako estime que la lenteur de
la justice est un problème de fonctionnement de la chaîne. Au niveau des procédures
correctionnelles, il y a une phase de mise en état des dossiers. Tant que cela
n’est pas fait, même quand quelqu’un est placé sous mandat de dépôt, on ne
pourra pas le juger et il va de soi qu’il devienne un détenu préventif,
explique Kassoum Koné. Il ajoutera qu’au niveau des cabinets d’instruction, qui
décernent également des mandats de dépôt, souvent, il y a des actes qui ne dépendent
pas du juge d’instruction. Cependant, le magistrat reconnait que la célérité du
juge d’instruction peut conduire à diminuer la durée pendant laquelle, la
personne inculpée va rester en prison.
Selon le maître-assistant à la Fdpri, lorsqu’un inculpé ou
une personne fait l’objet de condamnation en matière correctionnelle ou
criminelle, la durée de la détention provisoire est déduite de la durée de la
peine prononcée. « En d’autres termes, la détention provisoire à quel que
stade que ce soit de la procédure, est intégralement déduite de la durée de la
peine prononcée », souligne Dr Oumar Koné.
Par ailleurs, notre interlocuteur dira que la personne
poursuivie puis acquittée peut demander des dommages et intérêts contre ses dénonciateurs
pour fait de calomnie, conformément aux articles 358 et suivants du Code de
procédure pénale. Toutefois, aux termes de l’article 343 du Code de procédure
civile, commerciale et sociale, l’état est civilement responsable des
condamnations en dommages et intérêts qui sont prononcées en raison des faits
contre les juges, sauf son recours contre ces derniers. Il s’agit, en effet,
des faits de fraude, de concussion ou de faute lourde, commis soit dans le
cours de l’instruction, soit lors des jugements, explique l’universitaire.
En clair, précisera notre interlocuteur, lorsque les dysfonctionnements de l’ensemble de l’institution judiciaire ont causé un préjudice à un justiciable, il est possible de se retourner contre l’état pour engager sa responsabilité. Pour rappel, la problématique de la célérité dans le traitement des dossiers était au cœur des échanges entre les acteurs de la justice lors de la Semaine de la justice, tenue fin janvier dernier. Certains défenseurs des droits de l’Homme voient cette rencontre comme une opportunité pour que les citoyens découvrent, au moins, les rudiments de la procédure judiciaire.
Bembablin DOUMBIA
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