
L’Essor : Qu’est-ce-que la Zone
franc ?
Idrissa Traoré : La Zone franc est constituée d’un ensemble de pays, qui ont décidé, au lendemain de leur accession à l’indépendance, de maintenir avec la France, selon des modalités contractuelles, des liens particuliers en matière monétaire sur les bases d’une coopération organique.
Elle est composée de la France avec ses départements
et territoires d’outre-mer ; des pays liés à elle par des conventions monétaires
spéciales qui prévoient notamment l’existence d’un compte d’opérations ouvert
par le Trésor français aux instituts d’émission de ces pays. Ce sont les 8 pays
de l’Afrique de l’Ouest, membres de l’Union monétaire ouest-africaine
(Umoa) : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal,
Togo. La Guinée-Bissau est admise comme membre pour compter du 1er janvier
1997.
Les 6 pays de l’Afrique centrale, membres de
l’Union monétaire d’Afrique centrale : Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon,
Guinée équatoriale, Tchad. La Guinée équatoriale est devenue membre le 1er
janvier 1985. La République fédérale islamique des Comores qui a adhéré à la
Zone franc le 23 novembre 1979 et dont la Banque centrale émet le franc
comorien.
La Zone franc est donc divisée en deux sous-régions,
chaque structure est assez homogène. Les huit pays de l’Afrique de l’Ouest sont
agricoles et majoritairement exportateurs de produits de base (coton, café,
cacao). Les six pays de l’Afrique centrale sont surtout exportateurs de pétrole,
à l’exception de la République centrafricaine. La spécialisation des pays de la
Zone franc dans l’exportation des matières premières non transformées demeure
une caractéristique commune de ces économies. En conséquence, les fluctuations
des cours des matières premières façonnent les performances macroéconomiques de
ces deux sous-régions.
S’agissant plus particulièrement de la sous-région ouest-africaine et à titre de rappel historique, le Dahomey (actuel Bénin), la Côte d’Ivoire, la Haute-Volta (actuel Burkina Faso), le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Sénégal décidèrent d’instaurer entre eux un pacte de solidarité dans le domaine monétaire.
Par la suite, la République du Mali décida, le
29 juin 1962, de ne plus ratifier le Traité instituant l’Umoa.
Elle a créé son
propre Institut d’émission et sa propre monnaie, le Franc malien, qui a perdu
la garantie du Trésor français. Toutefois, la détérioration de la conjoncture
et le déséquilibre du commerce extérieur conduisirent le Mali à demander sa réintégration
dans la Zone franc en 1967 : la Banque centrale du Mali fut créée, avec un
conseil d’administration paritaire et le Franc malien redevenait convertible à
l’intérieur de la zone au taux de 1 Franc malien = 0,01 Franc Français.
Une période préparatoire a débuté par la dévaluation
du Franc malien, décidé le 6 mai 1967, et a été marquée par diverses mesures
d’assainissement des finances publiques (accroissement des ressources et
compression des dépenses, notamment par la fermeture d’ambassades, limitation
des déplacements ministériels, suppression des frais de mission, réduction du
parc automobile…) ainsi que de réorganisation des structures économiques (aménagement
des sociétés d’État déficitaires et amorce de libération du commerce extérieur
en particulier). Le Mali a, par la suite, adhéré à l’Umoa le 1er juin 1984.
Quant à la République togolaise, elle signa le
29 octobre 1962 une convention avec la Bceao, confiant à celle-ci la gestion
provisoire du service de l’émission monétaire sur son territoire. Une seconde
convention, signée le 27 novembre 1963, mit fin à ce régime provisoire de l’émission
monétaire au Togo qui devint membre à part entière de l’Umoa.
Après une décennie de participation, les
autorités mauritaniennes notifièrent officiellement le 27 décembre 1972 le
retrait de leur pays de l’Umoa. Cette décision prit effet, au terme du délai
statutaire, le 1er janvier 1973 et le transfert de l’émission sur ce territoire
de la Bceao à la Banque centrale de Mauritanie fut réalisé le 9 juillet 1973
L’Essor : Parlez-nous du cadre institutionnel
de la politique monétaire de l’Umoa.
Idrissa Traoré : Le dispositif institutionnel
de l’Umoa repose d’une part, sur le Traité régissant les relations entre les États
membres et, d’autre part, sur l’accord de coopération monétaire entre ces États
et la France dans le cadre de la Zone franc. L’Union monétaire, instituée par
le Traité du 12 mai 1962, et entrée en vigueur le 2 novembre 1962, repose sur
les cinq (5) principes fondamentaux ci-après :
La reconnaissance d’une unité monétaire
commune émise par une Banque centrale commune : Le pouvoir exclusif d’émission
des billets et pièces de monnaie dans les États membres est confié à la Banque
centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (Bceao), en Afrique de l’Ouest et à
la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), en Afrique centrale. Le Franc
CFA émis par la Bceao s’appelle «Franc de la Communauté financière africaine»
et celui émis par la BEAC s’appelle «Franc de la Coopération financière en
Afrique». Ces monnaies sont arrimées à l’Euro à un taux fixe de 1 euro =
655,957 Fcfa. Avant 1958, l’acronyme Fcfa signifiait «Franc des Colonies françaises
d’Afrique».
La centralisation des réserves de changes des États
membres : Par cette disposition, il est fait obligation aux opérateurs économiques
des États membres (y compris les États) de céder les devises générées en dehors
de l’Union à la Banque centrale permettant ainsi à cette dernière de constituer
un pool commun de devises.
Au niveau de la Bceao, ces devises étaient déposées
à hauteur de 50% dans un compte courant ouvert dans les livres du Trésor français
au nom de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest. Par le biais de
ce compte, le Trésor français pouvait consentir à la Banque centrale en cas de
besoin, les moyens de paiement nécessaires à la couverture des transferts hors
de l’Union monétaire ouest-africaine.
Il s’agit du «Compte d’opérations». En
contrepartie, de ces concours, la Banque centrale était tenue de verser dans ce
compte, les disponibilités constituées en dehors de la zone d’émission,
abstraction faite de sa trésorerie courante, à l’exclusion des obligations
contractées par les États membres à l’égard du FMI, ainsi qu’à certains
placements auprès d’institutions financières internationales décidés par le
conseil d’administration de la Banque, dans la limite jusqu’à récemment de 50%
de ses avoirs extérieurs nets. Le décompte des intérêts créditeurs ou débiteurs
sur le compte d’opérations était précisé par l’article 7 de la convention de
compte d’opérations.
Il s’agit là d’un pilier important de l’Union symbole de la solidarité entre les États. En effet, chaque État, quelle que soit sa contribution au pool des devises, peut en disposer autant que nécessaire pour ses besoins en importations dont certaines sont indispensables à leur développement.
Il y a lieu de signaler que dans le cadre de
la réforme annoncée en décembre 2019, ce compte a été supprimé en avril 2021 et
la Banque centrale gère désormais librement la totalité des devises générées.
La libre circulation des signes monétaires et la liberté des transferts à l’intérieur de l’Union : Les signes monétaires émis dans chacun des États membres de l’Umoa par la Banque centrale ont cours légal, c’est-à-dire que ces valeurs sont reçues comme monnaie légale par les caisses publiques et par les particuliers. Ils ont également pouvoir libératoire, c’est-à-dire que la remise de ces signes monétaires en paiement par un débiteur, éteint sa dette.
S’agissant des transferts, dans le cadre des
opérations financières avec l’étranger, ils sont caractérisés par la liberté
des paiements courants sur présentation des pièces justificatives à l’intermédiaire
chargé d’exécuter le paiement, la liberté des mouvements de capitaux entre les États
membres de l’Union.
La libre convertibilité de l’unité monétaire
en Euro, garantie par la France : La France apporte son concours aux États
de l’Umoa pour assurer la convertibilité du franc CFA dans le cadre d’une
convention de compte d’opérations. Au terme de cette convention, la Bceao avait
ouvert un compte dans les livres du Trésor français où elle déposait 50% de ses
avoirs en devises hors les montants nécessaires pour sa trésorerie courante.
Du fait de cette convertibilité de la monnaie,
les pays ne connaissent pas de difficulté dans le règlement des transactions
avec l’extérieur. Le pool commun de devises est à la disposition de chacun des
pays. Les Trésors publics, les opérateurs économiques privés et publics peuvent
faire exécuter leurs ordres de transferts sur l’extérieur relatifs aux
transactions courantes sans restriction, pour autant qu’elles soient justifiées
et que leurs comptes en francs CFA soient approvisionnés dans les banques
locales.
Elle constitue le fondement de la crédibilité
du système et a favorisé l’ouverture vers l’extérieur des économies des pays
africains membres de la Zone franc. Elle a fait du Franc CFA une monnaie utilisée
dans les transactions internationales, lui donnant ainsi un attrait par rapport
aux autres devises de la sous-région.
La mise en œuvre d’une politique commune de la
monnaie et du crédit et d’une réglementation des changes harmonisée : La
politique monétaire et de crédit de l’Union est définie par le conseil des
ministres afin d’assurer la sauvegarde de la monnaie commune et de pourvoir au
financement de l’activité et du développement économique des états membres. La
Banque centrale est chargée de mettre en œuvre cette politique monétaire et de
crédit. La réglementation des changes harmonisée implique la nécessité d’une
similitude dans les principes de base, de manière à ce que la réglementation
d’un pays donné ne puisse pas être contournée au moyen d’un transit des opérations
avec l’étranger par un pays partenaire.
L’Essor : On reproche au système la fixité
du taux de change du FCFA vis-à-vis de l’Euro. Qu’en pensez-vous ?
Idrissa
Traoré : Je rappelle tout d’abord que le taux de change est le prix d’une
unité de monnaie étrangère exprimé en monnaie nationale ou le prix d’une unité
de monnaie nationale exprimé en monnaie étrangère. Il exprime également le
pouvoir d’achat de la monnaie nationale à l’étranger ou celui d’une monnaie étrangère
sur le marché national, l’amélioration de l’un induisant l’affaiblissement de
l’autre.
Pour ces détracteurs, le taux de change est un
instrument de politique économique au même titre que le budget et doit donc être
utilisé en fonction de l’évolution de la conjoncture pour amortir les chocs au
risque de faire porter tout le poids de l’ajustement sur le budget et le crédit.
Selon certains, aucun pays au monde ne peut avoir une politique monétaire
immuable depuis autant d’années, il est donc désuet.
Je partage cet avis, il faut une dose de
flexibilité à la politique de change car le taux de change est un instrument
comme un autre et ne pas l’utiliser peut avoir des effets négatifs pour le
reste de l’économie au regard de la forte instabilité de l’environnement
international.
En effet, la trop grande rigidité du régime de
change, liée au maintien de la parité fixe vis-à-vis de l’Euro qui est une
monnaie forte, a constitué, au cours des dernières années, une entrave pour les
États de la zone dans leur politique de développement. La forte appréciation du
franc CFA qui en a résulté affecte négativement le développement du système
productif et pénalise les économies de nos pays.
Elle a favorisé, au détriment de la production
locale, le maintien d’un fort courant d’importations, notamment de consommation
courante, non porteuse de développement et surtout néfaste à l’accroissement
des productions vivrières locales. Elle a également, du fait de cette surévaluation,
entraîné un recours excessif à l’ajustement budgétaire et à des politiques monétaires
restrictives qui ont eu pour conséquence de déprimer encore plus les économies
de la sous-région.
Dans la logique économique, une monnaie forte
dérive d’une économie forte et non l’inverse. En effet, c’est la force de l’économie
qui donne à la monnaie sa solidité, et un pays ou un groupe de pays ne peuvent
pas reposer la solidité de leur monnaie sur la force économique d’un pays
tiers. De surcroît, dans ce cas où une
monnaie extérieure à l’Union européenne est rattachée à l’Euro, avec un lien
avec le Trésor français.
Une politique de monnaie forte a pour conséquence
de renforcer le pouvoir d’achat de cette monnaie à l’étranger, et d’affaiblir
le pouvoir d’achat des monnaies étrangères sur le marché national. Elle conduit
finalement à soutenir la production et la création d’emplois à l’étranger, au détriment
de l’économie nationale et des emplois locaux.
Toutefois, ayant dit cela, c’est la moitié du
chemin qui est parcourue, car le choix du taux de change est important et
complexe. En effet, les pays disposent principalement de 2 systèmes de change
(fixe et flottant) qui comprennent chacun des variantes avec des avantages et
des inconvénients. Comme les autres instruments de politique économique, le régime
de change doit rester suffisamment flexible pour jouer un rôle efficace dans la
conduite de politiques susceptibles d’assurer une croissance soutenue et
durable. Ainsi, l’adaptation d’un régime de change flexible apparaît comme le
complément indispensable des autres réformes qui ont notamment abouti à libéraliser
les économies et à doter la Banque centrale d’instruments d’intervention
rapides et efficaces, faisant appel aux mécanismes du marché. Cette flexibilité
participe de l’amélioration de la compétitivité.
La recherche d’un système de change alliant souplesse et stabilité conduit à examiner le choix de la monnaie ou du panier de monnaies de rattachement (l’ancrage) sur la base de la répartition géographique des échanges commerciaux ou financiers qui constituent les critères généralement retenus.
Toutefois, l’évolution d’un régime de change
vers plus de flexibilité est un processus délicat, et devrait être
soigneusement préparée. Elle nécessite une introduction graduelle et la mise en
œuvre, parallèlement, de réformes vigoureuses sur les fondamentaux économiques
et financiers ainsi que l’accroissement conséquent du niveau des réserves en
devises.
L’Essor : On reproche au système le dépôt
dans les livres du Trésor français de 50% des réserves de change générées par la
Bceao alors que les économies ont besoin de liquidité pour financer les
investissements. Qu’en pensez-vous ?
Idrissa Traoré : Il y a lieu tout d’abord
d’indiquer qu’il s’agit de la mise en œuvre de l’accord de coopération monétaire
et également que ces devises sont la contrepartie de la monnaie qui assure la
convertibilité illimitée du Fcfa. Toutefois, même si j’ai des réserves sur la
pertinence de ces dépôts, il n’est pas exact de dire que cet argent pouvait être
utilisé pour financer les économies au lieu de rester dans le compte d’opérations.
Cette critique est une ignorance du fonctionnement de ce système.
En effet, la contrevaleur en francs CFA de ces devises est déjà rentrée dans l’économie et ne saurait encore être injectée une seconde fois. Cela équivaudrait à faire fonctionner la planche à billets sans contrepartie réelle avec des conséquences hautement inflationnistes. Enfin, dans tous les systèmes opérant normalement, les devises sont détenues et confiées à l’organe en charge de les gérer, en l’occurrence la Banque centrale dans l’Umoa.
Prenons l’exemple de la Compagnie malienne
pour le développement du textile (CMDT), qui produit et vend à l’extérieur pour
1 million de dollars US de coton. Conformément à la réglementation des changes,
elle rapatrie ses recettes d’exportations à travers la banque chef de file qui
cède les devises à la Bceao contre des francs CFA, après avoir remboursé les
banques offshore (banques étrangères) qui ont participé au financement. Ces
francs CFA sont ensuite répartis par la CMDT entre les banques locales membres
du pool selon une clé de répartition convenue entre toutes les parties. La CMDT
utilise cet argent pour faire face à ses dépenses.
La Bceao, qui est l’organe chargé de gérer les
devises générées par les agents économiques (état et entreprises) dépose la
moitié de ce million de dollars US dans le compte d’opérations et gère
librement l’autre moitié, notamment à travers des placements auprès
d’institutions financières internationales. À l’évidence, cet argent est déjà
rentré dans l’économie, et vouloir injecter la contrevaleur en franc CFA des
50% ou de la totalité de ces devises équivaudrait à les injecter de nouveau
sans aucune contrepartie dans l’économie réelle. Cela équivaut à alimenter
l’inflation.
C’est presque la même procédure qui est observée
lorsque le Mali, ou tout autre état membre, bénéficie d’une aide extérieure. Le
partenaire extérieur cède les devises à la Bceao, qui à son tour loge ces
devises dans un compte extérieur et crédite le compte du Trésor public dans ses
livres de la contre-valeur en franc CFA.
Il y a lieu de signaler que la Bceao est chargée de gérer ces devises en bon père de famille pour le compte des États. Au cas où des produits sont générés, ils viennent consolider les résultats de la Banque centrale. En cas de distribution de dividendes, ils sont affectés aux états membres de façon égalitaire.
À l’évidence, dans les 2 cas, l’argent est
rentré pour irriguer l’économie. Ce sont les devises qui sont cédées à la
Banque Centrale.
L’Essor : On reproche à la Bceao le
niveau faible de son objectif d’inflation (2%), qui est restrictif pour des économies
en développement car pénalisant pour le développement du crédit à l’économie.
Qu’en dites-vous ?
Idrissa Traoré : Cela découle de l’arrimage du franc CFA à l’Euro qui nécessite que la Bceao tienne compte des niveaux de prix dans l’Union européenne. La politique du faible taux d’inflation au sein de la Bceao tient compte du différentiel d’inflation entre la zone Euro et l’Union. En effet, cette cible de 2% est celle retenue par la Banque centrale européenne (BCE).
Ceux qui défendent cette thèse partent du
principe qu’une certaine dose d’inflation est nécessaire pour accompagner la
croissance dans les pays en développement.
Je partage cette critique contre un taux d’inflation faible, dans la mesure où j’estime que les réalités et les défis sont très différents entre nos pays et ceux de la Zone Euro. Cet objectif de 2% de cible d’inflation en Zone franc CFA pèse sur la masse monétaire et réduit le volume de crédit nécessaire au financement de l’activité économique. Je pense effectivement qu’une certaine dose d’inflation est nécessaire pour accompagner la croissance et favoriser l’emploi dans nos pays en voie de développement.
C’est à ce niveau que les réformes
structurelles sont appelées pour que l’accroissement du crédit, qui va en résulter,
profite à l’appareil productif au lieu d’alimenter les importations.
L’Essor : Pourquoi les billets CFA de la
Bceao et de la BEAC n’ont pas cours légal et pouvoir libératoire dans les 2
zones ?
Idrissa Traoré : L’un des principes fondamentaux de la Zone franc repose sur la convertibilité des signes monétaires émis par les différents instituts d’émission liés au Trésor français. Cette convertibilité se manifeste d’abord par la possibilité d’échanger les billets CFA des 2 zones dans les bureaux de change. Elle peut également se manifester par la capacité à régler les transactions internationales en devises à partir de comptes en monnaie nationale.
Conformément à ces principes, il n’y avait
aucune restriction à la circulation des billets CFA entre les 2 zones. C’est
ainsi que les 2 Banques centrales rachetaient les billets qui se retrouvaient
dans leurs zones respectives. La Bceao rachetait les billets de son émission
qui avaient été acceptés dans la zone de la
BEAC et réciproquement.
Un protocole entre la Bceao et la BEAC avait été
conclu entre les deux institutions pour la bonne gestion de ces rachats.
S’agissant des billets de notre émission qui étaient
exportés vers les pays non membres de la Zone franc qui n’avaient pas conclu
des protocoles de rachats de billets avec la Bceao, ils étaient rachetés par
l’intermédiaire de la Banque de France. En effet, ces billets étaient d’abord cédés
à cette institution, dans le cadre de leurs relations de correspondance, avant
d’être rachetés par la Bceao par débit de son compte d’opérations.
Toutefois, dans la pratique, on a assisté à
une forte augmentation des sorties de capitaux sous forme de billets de banque
CFA qui ont atteint par moments un niveau record d’environ 40% de la
circulation fiduciaire (les billets et monnaies en circulation dans l’Union).
Ces mouvements de billets répondaient certes à des besoins de transactions
courantes, mais aussi et surtout à des motifs de spéculation. En effet, la
Suisse était la première destination des billets Bceao exportés, devant la
France, principale partenaire. Face à l’ampleur croissante de ces sorties de
billets et de son impact négatif sur les réserves de change, un certain nombre
de mesures ont été prises par les autorités, notamment l’instauration à compter
du 1er janvier 1993 en France d’une commission sur le change manuel de 3% entre
le franc français et le franc CFA.
Il y a lieu de signaler que le franc CFA, du
fait de sa convertibilité, était devenu, pour les opérateurs économiques des
pays voisins à monnaie inconvertible, une monnaie refuge qui faisait l’objet
d’une forte spéculation. Les filtres de la lutte contre le blanchiment des
capitaux n’étaient pas aux normes actuelles, favorisant les sorties adossées à
la corruption. Ces sorties massives de billets ont facilité des importations de
biens et services et entrainé une augmentation de la consommation finale au détriment
notamment de l’épargne. Elles ont également nourri les sorties de capitaux vers
l’extérieur, et entrainé de fortes ponctions sur les réserves de change de
l’Union.
Les réserves de change constituent un bien commun pour les populations de l’Union et les autorités ne pouvaient pas laisser que les avoirs en monnaie nationale soient transformés sans limite en capitaux à l’extérieur au détriment de ses réserves de change.
C’est ainsi que le 2 août 1993, la décision a été
prise de mettre fin aux rachats des billets CFA exportés hors des pays
africains membres de la Zone franc. En clair, les relations avec la Cemac n’étaient
pas concernées. Toutefois, cette zone, arguant d’un déséquilibre important dans
les rachats en sa défaveur, n’a pas accepté le maintien du statu quo.
Depuis
cette date, les billets ne circulent entre les 2 zones que de façon marginale.
Les bureaux de change continuent de prendre les billets de part et d’autre,
mais les montants en cause restent relativement faibles. Les discussions entre
les deux Banques Centrales n’ont jusqu’ici pas abouti, butant sur
l’intransigeance de la BEAC. Les échanges actuels portent plus sur
l’utilisation de mécanismes de paiement non fiduciaires, de nature à favoriser
le développement des échanges entre les deux zones.
L’Essor : On note sur les billets CFA des
lettres d’identification. Pourquoi cette individualisation des signes monétaires ?
Idrissa Traoré : Dans une Union monétaire,
du point de vue de la politique monétaire comme du point de vue de la politique
économique, il est très important que soit connu, dans chaque état, le volume réel
de la circulation fiduciaire, c’est-à-dire les billets et monnaies en
circulation dans l’économie. Cette connaissance ne peut être obtenue qu’à la
condition que l’on puisse distinguer les billets selon le lieu de leur émission.
Il y a donc nécessité d’établir pour chaque état, une situation distincte de l’émission
monétaire et de ses contreparties (article 3 du traité et 15 des Statuts). En
effet, il faut concilier cette nécessaire distinction avec la non moins nécessaire
libre circulation des signes monétaires dans l’ensemble de l’Union. C’est ainsi
que l’individualisation des signes monétaires est assurée selon des modalités
particulières dans chacune des 2 zones. En Afrique de l’Ouest, les billets émis
par la Bceao sont identiques quant à leur figurines mais comportent des signes
distinctifs par état (lettre repère) qui permettent de les identifier.
Il a donc été décidé d’avoir une lettre
d’identification pour les billets à émettre par État. Un ordre alphabétique des
noms des pays, avec des sauts en prévision de nouvelles adhésions, a été
retenu. Toutefois, les changements de nom de certains pays (Dahomey et Haute
Volta) ont rendu aujourd’hui cette option illisible. Ces lettres d’identification
par pays ressortent ci-après : RCI = A , BENIN = B , BURKINA =
C , MALI = D , GUINEE BISSAU = S, NIGER = H, SENEGAL = K, TOGO = T.
C’est ainsi que tous les billets portant la
lettre «D» du Mali sont émis par la direction nationale de la Bceao pour le
Mali. Ces lettres d’identification permettent d’estimer les avoirs et
engagements des états, les uns vis-à-vis des autres, à partir du coefficient de
tri, pris en compte dans l’établissement de la balance des paiements des pays.
Par exemple : les avoirs pour le Mali sont des engagements pour la RCI.
La
question de la suppression des lettres d’identification a été examinée lors des
travaux de la réforme de l’Umoa et la Bceao. Toutefois, les arguments en faveur
du statu quo ont prévalu. Cette suppression pourrait être envisagée, lorsque la
part des billets dans les transactions entre états sera insignifiante, comme au
niveau de l’Union économique et monétaire européenne. En Afrique centrale, il a été décidé que tous
les billets auraient une face commune, l’autre face étant individualisée par État.
L’Essor : Que pensez-vous des sanctions financières infligées au Mali et, récemment, au Niger à la suite des coups d’Etat intervenus dans ces pays ?
Idrissa Traoré : Je pense qu’aucune des
sanctions prévues par les textes légaux de ces institutions n’inclut les
sanctions financières et commerciales. Elles ne sont ni légales, ni légitimes,
ni appropriées dans la mesure où elles créent au niveau des populations des
sentiments anti-institutions sous-régionales, alimentent l’inflation
contrairement à l’objectif principal de la politique monétaire qui est
d’assurer la stabilité des prix et, elles fragilisent les états dans leur lutte
contre le terrorisme. S’agissant des populations, qui vivent souvent dans des
conditions d’extrême pauvreté, et qui souffrent à tort le plus de l’impact de
ces sanctions, elles n’ont pas été consultées avant l’exécution des coups d’État.
En
outre, ce qui est également troublant, ces sanctions amènent à s’interroger sur
l’indépendance de juré de la Banque centrale sur laquelle repose la crédibilité
de sa politique monétaire. Elles affaiblissent la confiance des marchés et du
public dans les décisions prises par les autorités monétaires. Pour la pérennité
de nos institutions, il faut éviter de créer de tels dangereux précédents.
Je
rappelle ici les dispositions de l’article 4 des Statuts de la Bceao qui
stipule que : «Dans l’exercice des pouvoirs et dans l’accomplissement des
missions qui leur sont conférés par le Traité de l’Umoa et par les présents
statuts, la Banque centrale, ses organes, un membre quelconque de ses organes
ou de son personnel ne peuvent solliciter, ni recevoir des directives ou des
instructions des institutions ou organes communautaires, des gouvernements des États
membres de l’Umoa, de tout autre organisme ou de toute autre personne. Les
institutions et organes communautaires ainsi que les gouvernements des États
membres de l’Umoa s’engagent à respecter ce principe ».
L’Essor : Que pensez-vous de la pratique
qui consistait à constituer des dépôts au niveau du compte d’opérations ?
Idrissa Traoré : C’est à travers ce mécanisme
qu’aucune limite n’était imposée à la position débitrice éventuelle de ce compte. Il en assurait donc la viabilité
et la garantie de convertibilité. Toutefois, il faut se poser la question de la
pertinence de cette garantie. Tout d’abord, elle est assise sur des
dispositions dissuasives dont l’objet est de donner à une telle situation un
caractère exceptionnel. Il en est ainsi des mesures relatives à la procédure de
décision du Conseil d’administration de la Banque centrale lorsque le niveau
des devises en compte d’opérations s’amenuise.
En outre, elle relève un peu de l’illusion
dans la mesure où elle n’est mise en jeu qu’en cas d’insuffisance des réserves
de change, et cela ne s’est produit que très rarement durant toute l’histoire
de la Zone franc. En 1993, la dernière fois où les réserves de la Bceao ont été
à un niveau inférieur au seuil plancher de 20% prévu par les accords, la France
a imposé une dévaluation de 50% en janvier 1993 pour corriger cette tendance.
Cette mesure a permis une remontée confortable du taux des réserves qui a
atteint 80% à la fin de la même année.
On peut légitimement se demander pourquoi les
pays membres doivent déposer leurs réserves de change au Trésor français si
tout est mis en œuvre pour que la garantie ne joue pas. à l’évidence, la
garantie de la France est une garantie de fourniture de devises aux pays de la
Zone franc, en cas d’épuisement de leurs réserves de change. Ce sont les
capacités propres des pays de la Zone franc à disposer en permanence de réserves
de change suffisantes qui assurent la garantie de convertibilité du franc CFA.
L’Essor : Les nombreuses critiques et
interrogations dont la zone franc CFA a fait
l’objet durant ces dernières années, ont amené les autorités de cette
institution à procéder à des réformes en réponse à ces critiques. Que
pensez-vous de ces critiques et surtout de ces réformes ?
Idrissa Traoré : Les critiques sont, en
grande partie, fondées et je pense avoir déjà donné mon point de vue sur
certaines d’entre elles. Du reste, c’est ce qui explique cette évolution.
Toutefois, il ne faut pas tout mettre sur le dos de la monnaie. Une monnaie déchargée
de tous les symboles coloniaux, au service de la croissance et du développement,
est certes hautement souhaitable, mais l’assainissement du cadre macro-économique
et la mise en œuvre rapide des réformes structurelles qui relèvent en grande
partie des États sont tout aussi indispensables pour éviter la marginalisation
de nos pays des courants commerciaux et financiers et éliminer
la pauvreté.
Par rapport aux récentes réformes, elles sont
cosmétiques et ont été mises en œuvre beaucoup plus pour calmer la rue que pour
faire des réformes en profondeur. En effet, elles portent sur la modification
de certaines dispositions, notamment, le changement de dénomination de franc
CFA à Eco, la suppression du compte d’opérations auprès de Trésor français, et
la fin de la présence de représentants français dans les instances de la Bceao.
La réforme maintient en revanche la fixité de parité du franc CFA à l’Euro (qui
constitue un gros handicap pour notre compétitivité), et la garantie de
convertibilité de la France, qui, me semble-t-il, sont les dispositions
fondamentales au cœur du système, et doivent être supprimées pour couper définitivement
le cordon ombilical.
En outre, la France a remplacé la participation de ses représentants aux instances de la Bceao par une participation indirecte, à travers une personnalité indépendante qu’elle fera nommer au Comité de politique monétaire. Le compte d’opérations auprès du Trésor français est supprimé, mais il est remplacé par un autre compte, toujours ouvert dans les livres du Trésor français, dénommé «ligne de trésorerie DFT» (Dépôt de Fonds au Trésor). On peut s’interroger sur la pertinence de ces changements.
Enfin, l’Eco de l’Umoa a créé une certaine
confusion par rapport au projet du même nom de la Cedeao et soulève ainsi
beaucoup de questions qui restent sans réponses.
Rédaction Lessor
Semoirs, charrues de labour, pièces de rechange des tracteurs sont fabriqués par nos artisans. La plupart de ces équipements sont vendus dans les zones de production comme Kita, Sikasso, Bougouni ou Koutiala. Certains fabricants arrivent aussi à écouler leurs produits dans des pays voisins.
Placée sous le thème : « Jeunesse engagée : apprendre et innover pour relever les défis de l’employabilité des jeunes du Mali », la 16ᵉ convention groupée de la zone 4 (Z4) de la Jeune Chambre Internationale (JCI) du Mali s’est tenue samedi dernier, au Centre de formation des collectiv.
Ils sont 512 déplacés provenant des régions les plus affectées par la crise sécuritaire à trouver refuge au Centre Mabilé, au cœur de la capitale malienne. Bien qu'insuffisant, le soutien des acteurs humanitaires locaux et internationaux réconforte ces sinistrés Situé en Commune VI du D.
5.000 emplois verts potentiels à identifier, trois propositions de politiques publiques à rédiger et un guide sectoriel à produire. Ce sont quelques objectifs phares du projet «Initiative pour promouvoir l’économie verte et la création d’emplois verts au Mali», officiellement lancé, mer.
Le constat a été fait par le ministre des Mines, Amadou Keïta, qui a visité les lieux la semaine dernière.
La 5è session du comité de pilotage du Programme de développement de la zone spéciale de transformation agro-industrielle des Régions de Koulikoro et péri-urbaine de Bamako (PDZSTA-KB) s’est tenue, hier, dans les locaux du ministère de l’Agriculture..