
Nous ne dénigrons pas tout. Tout n’est certainement pas noir dans
l’aide étrangère. Par-ci par-là, il y a quelques réussites sur le continent
africain en lien avec la générosité internationale et avec la bonne utilisation
qui en est faite par les dirigeants locaux. Mais, admettons-le, il y a aussi de
la malice et de la ruse de la part de certains «bienfaiteurs» qui n’hésitent
pas à dissimuler, à travers l’appât de l’assistance technique, des subventions,
des dons, des cadeaux et autres aides, l’hameçon destiné à attraper les pays
africains et à les maintenir dans les liens de la dépendance. Comme le dirait
l’autre, c’est comme si « on vous coupe les bras et à l’heure du repas on vous
dit de ne pas vous en faire qu’on portera la cuillère à votre bouche ».
Il faut donc détricoter et déconstruire les modèles de « développement
» actuels, qui ont largement montré leurs limites d’une part, et revisiter les
partenariats bilatéraux et multilatéraux d’autre part. Pour l’ancien directeur
général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pascal Lamy, «il faut
sortir de l’approche d’aide au développement européenne qui a longtemps
consisté à apprendre aux Africains à faire comme nous. Un vrai partenariat
repose sur le principe que nous partageons les mêmes défis globaux en termes
d’unification, de sécurité, de transition technologique, de démographie,
d’environnement et que nous cherchons ensemble les bonnes solutions ».
Pour le regretté écrivain et homme politique malien Seydou Badian Kouyaté, «l’aide au développement est ridicule et ceux qui l’acceptent sont ridicules ». L’écrivaine sénégalaise Fatou Diome renchérit : « Celui à qui vous demandez la charité, vous ne pouvez pas le tutoyer. Celui à qui vous demandez la charité, vous ne pouvez pas lui imposer des règles. Celui à qui vous demandez la charité, vous baissez la tête devant lui. Et quand nos dirigeants baissent la tête, les peuples se mettent à genoux ».
Oui, il faut arrêter l’aide…
L’aide à l’Afrique est devenue un tonneau des Danaïdes. C’est une
chausse-trappe. L’ancien diplomate français Laurent Bigot, chroniqueur pour Le
Monde Afrique, livre son analyse sans concession : « L’aide publique au développement
est d’abord un business qui fait vivre des dizaines de milliers de
fonctionnaires internationaux et nationaux, mais aussi une myriade de
consultants. Ils ont tous en commun un objectif : ne pas scier la branche sur
laquelle ils sont assis et sur laquelle ils vivent grassement. J’ai toujours
été fasciné par l’irresponsabilité que génère l’argent de l’aide publique au
développement. C’est l’argent de personne. Tout le monde se comporte comme si
c’était de l’argent créé ex nihilo.
Les bailleurs sortent pourtant ces sommes
de la poche de leurs contribuables, mais n’ont aucune exigence sur
l’utilisation. Les bénéficiaires n’ont guère plus de considération pour ces
sommes (parfois folles) qui tombent dans leur escarcelle sans grand effort (on
se demande d’ailleurs s’il n’y a pas une prime au mauvais élève…) ».
Le
consultant français poursuit : « L’Afrique ne mérite-t-elle pas un objectif
plus ambitieux, à savoir la fin de l’aide ? N’est-ce pas la vocation de l’aide
publique au développement que de s’arrêter, signe qu’elle aura atteint ses
objectifs ? Il est temps qu’une grande conférence internationale fixe le terme
de l’aide, adressant au monde un message clair : l’Afrique peut soutenir son
propre développement sans être assistée. Pour cela, il faudra changer les
mentalités et ce ne sera pas une mince affaire ».
L’économiste français Thomas Piketty n’y va pas de main morte pour
apostropher les pratiques peu orthodoxes des puissances occidentales en Afrique
: «Plutôt que de se donner bonne conscience avec une aide qui revient souvent à
payer à prix d’or des consultants étrangers, l’Union européenne devrait obliger
ses multinationales à publier de la façon la plus claire les bénéfices réalisés
et les impôts payés ».
À l’appui de sa thèse, le célèbre économiste français
précise : «Nous savons que les bénéfices et les revenus rapatriés par les
entreprises étrangères atteignent entre 5 % et 10 % du PIB des pays, ce qui est
considérable. Et encore ne s’agit-il ici que des flux licites qui ne
comptabilisent pas tout l’argent qui s’évade vers des paradis fiscaux. C’est en
tout cas bien plus que l’aide publique au développement. Il y a de l’hypocrisie
derrière le discours qui est tenu aux Africains sur la modernisation et la
lutte contre la corruption. Ce sont souvent les entreprises européennes qui
bénéficient de régimes fiscaux peu transparents ».
Alors, doit-on accepter la perpétuation d’un modèle économique et
social, bancal et létal, proposé ou imposé – qu’importe d’ailleurs lequel des
deux – qui a confisqué le passé du continent, qui intoxique son présent et qui
hypothèque dangereusement son avenir ? Comment certains pays africains sont-ils
arrivés à tout privatiser, à tout sous-traiter, à tout externaliser, leur
sécurité, leur santé, leur économie, leur système bancaire, leur monnaie, leur
espace aérien, leur télécommunication, et même (s’il vous plaît) la collecte et
le ramassage de leurs ordures ?
Le jour où l’élite politique africaine comprendra que la solution à la
lancinante question du développement de leurs pays n’est pas à Paris, ni à
Washington, ni à Pékin, ni ailleurs, elle aurait fait un grand pas sur le
chemin de la lucidité. Que l’on soit donc clair, il ne peut pas y avoir de
développement, encore moins de prospérité pour les populations africaines, en confiant
les économies de leurs pays aux partenaires bilatéraux et aux institutions
multilatérales, avec l’espoir qu’ils sauront faire preuve de mansuétude à leur
égard. Et même à rêver que ces pays «frères et amis» ralentiraient leurs
économies pour que les nôtres puissent décoller. Franchement, où a-t-on vu un
prédateur affranchir sa proie et la hisser à sa hauteur ? Le très alerte
spécialiste en intelligence économique Guy Gweth aurait prévenu : «Aucun État
au monde ne peut vous aider à vous battre contre lui ».
Derechef, que les dirigeants africains se posent une simple question de
bon sens : Pourquoi les autres pays, ceux qu’ils s’empressent de visiter,
empruntent le chemin inverse en se bousculant pour faire leurs emplettes en
Afrique, qui de quoi faire tourner leurs usines, qui de quoi préserver l’emploi
de leurs concitoyens, qui de quoi nourrir leurs populations, qui de quoi
asseoir leur hégémonie, qui de quoi soigner leur stature, et tutti et quanti ?
Les sages bambaras disent : «Quand tu vois la langue circuler entre les doigts,
si elle ne cherche pas le sel, elle cherche l’huile ». Il est répété à satiété, comme une litanie
psalmodiée, que l’Afrique est la nouvelle frontière de la croissance économique
mondiale, ou que l’Afrique est l’avenir du monde, ou même que l’Afrique est le
XXIe siècle… Et les Africains y croient, prêts à ingérer tout ce qui se conçoit
et se fait ailleurs, même de mauvais ; et, vent debout, à refuser et à récuser
tout ce qui se dit et se fait chez eux, même de bon.
Dans un livre à succès « L’aide fatale : Les ravages d’une aide
inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique » (Jean-Claude Lattès,
2009), l’économiste zambienne Dambisa Moyo, ancienne consultante de la Banque
mondiale, n’y va pas par quatre chemins pour fustiger la forte dépendance du
continent africain : «L’aide est une drogue pour l’Afrique. Depuis soixante
ans, on la lui administre. Comme tout drogué, elle a besoin de prendre
régulièrement sa dose et trouve difficile, sinon impossible, d’imaginer
l’existence dans un monde où l’aide n’a plus sa place. Avec l’Afrique,
l’Occident a trouvé le client idéal dont rêve tout dealer ».
L’Afrique ne
veut pas être aimée ; elle veut être respectée. Elle n’a pas besoin de charité
; elle souhaite la parité : coopérer et échanger d’égal à égal. Est-ce si
difficile à comprendre ? L’Afrique a plus besoin de partenaires que de
donateurs, d’intérêts convergents que d’intérêts imposés, de prêts libres que
de dons liés, de relations durables que de générosité vénérable. Les partenaires
et les sources de financement doivent être diversifiés, en mettant en œuvre des
solutions innovantes, audacieuses et vigoureuses de mobilisation de ressources
endogènes.
…et stopper la fuite des capitaux
Déjà en 2015, le Groupe de haut niveau chargé de la question des flux
financiers illicites (FFI) dirigé par l’ancien président sud-africain Thabo
Mbeki alertait les dirigeants du continent sur l’ampleur du phénomène des FFI.
En effet, il était arrivé à la conclusion que l’Afrique perd chaque année la
somme colossale de 50 milliards de dollars, et qu’elle sera siphonnée de la
somme colossale qu’elle a perdue durant cinquante années, plus de 1.000
milliards de dollars du fait des flux financiers illicites.
Selon les auteurs
du Rapport Thabo Mbeki, présenté et adopté lors du 24e sommet de l’Union
africaine, tenu les 30 et 31 janvier 2015 à Addis-Abeba, l’Afrique a perdu,
durant ces cinquante dernières années, plus de 1.000 milliards de dollars du
fait des flux financiers illicites. Et le phénomène a crû de 20,2 % par an
durant la période 2002-2011, selon l’Association Global Financial Integrity.
Le
Rapport dénonce «la menace que représentent les FFI pour le développement
inclusif de l’Afrique» et appelle à «une action politique urgente pour vaincre
le phénomène». Pour Thabo Mbeki, président du Groupe de haut niveau, «l’un des
moyens importants de trouver les ressources qui permettront de financer le
programme de développement pour l’après-2015 consiste à retenir en Afrique les
capitaux qui sont produits sur le continent et qui doivent donc légitimement
rester en Afrique». Le développement de ces activités financières illicites a
des conséquences graves sur l’économie nationale.
Cheickna Bounajim Cissé
L’émergentier
Rédaction Lessor
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