«Une télévision sans interprète en langue des signes c'est comme un mur en couleur pour un sourd», confie Awa Cissoko, enseignante à l'École des déficients auditifs (EDA), située à l’Hippodrome en Commune II du District de Bamako. Malheureusement, c’est le supplice que vivent au quotidien ces milliers de personnes atteintes de surdité dans notre pays. En 2015, l’Association malienne des sourds (Amasourd) avait recensé, sur la base des cartes de membres vendues, plus de 5.600 sourds sur le territoire national, dont environ 1.200 élèves.
Cette couche accède difficilement à l’information produite par les différentes chaînes de télévision dans notre pays. En cette période de guerre médiatique, elle est plus vulnérable parce que plus sous l’influence des médias étrangers qui surfent sur les inquiétudes du moment, tout en donnant l’impression que notre pays est parti en lambeaux. Bien aidés dans ce matraquage médiatique par certains compatriotes.
Les lettrés comme Awa Cissoko suivent l’actualité à travers les télévisions, les journaux, mais aussi sur les réseaux sociaux. L’institutrice indique qu’elle se renseigne à partir des liens que certains partagent sur leur groupe WhatsApp dénommé «info sourds Bamako». Elle dit regarder également les chaines de télévision où les informations sont sous-titrées. À titre d’exemple, la pédagogue cite les «Unes» sous-titrées du journal télévisé (JT) de 20 heures de l'Office de radio et télévision du Mali (ORTM) et des télévisions privées du pays.
La suite de l’actualité sur ces chaînes n’est que «mur en couleur» pour Awa Cissoko et ses semblables. Parce qu’elle n’est pas interprétée en langue des signes. Pire, elle est sans sous-titres. L’enseignante possédait une télévision écran 32 pouces avant de s’en débarrasse du fait des coupures intempestives d’électricité. «J’aime la télé comme tout le monde, malgré ma surdité, surtout une chaîne qui diffuse des émission sous-titrées ou en langue des signes», affirme l’habitante de Djélibougou en Commune I du District de Bamako.
Même si les images de la télévision sont animées et présentent également l’environnement et le quotidien des Maliens, la trentenaire plaide pour un accès des sourds à l'information sur la santé, l'éducation et la formation professionnelle grâce à laquelle elles peuvent aussi avoir des emplois. Ces problématiques préoccupent également le directeur exécutif de l’Amasourd non moins président de l'Association malienne des interprètes en langue des signes, Moussa Keïta alias Balla.
APPLICATION DES TEXTES- Il ne porte pas de gants et pointe du doigt un ostracisme qui ne dit pas son nom. «Aucune disposition n'est prise jusqu'à présent pour que les déficients auditifs accèdent à l'information à travers la télévision», martèle-t-il, une casquette vissée sur la tête. En 2016, l'État malien avait financé la formation accélérée de 6 interprètes en Côte d'Ivoire. «À notre retour, il était prévu de nous déployer à l'ORTM. Nous avons eu des échanges avec différents directeurs de la télévision nationale sur le sujet sans succès», déplore Moussa Keïta.
Il signale aussi que la chaîne de télévision Chérifla avait mis en place un programme à court terme de promotion de la langue des signes. Depuis l’arrêt de cette initiative, le directeur exécutif de l’Amasourd regrette l’absence de programmes accessibles aux personnes atteintes de surdité dans les télévisions maliennes. Alors que l'article 2 de notre Constitution stipule que tous les Maliens naissent libres, égaux en droits et devoirs.
L’interprète de la langue des signes cite également la loi n°027 du 12 juin 2018 et la Convention internationale des droits des personnes handicapées, ratifiée par le Mali en 2008, qui indiquent que les médias d’État doivent avoir des interprètes en langue des signes. Il rappelle avec une pointe d’amertume que malheureusement ces textes ne sont pas appliqués. Cependant, il a noté des avancées comme l’interprétation en langues des signes des questions orales au Conseil national de Transition (CNT). «Quand ces questions passent directement à la télévision, les personnes, qui ont pourtant perdu le sens de l’ouïe, accédent à l'information», commente-t-il.
Au-delà de cet acquis, la Fédération malienne des associations de personnes handicapées (Femaph) multiplie les actions de plaidoyer à l’endroit des autorités de la Transition pour l'application des textes afin de lutter contre l’exclusion des personnes en situation de handicap par rapport à l’information. «On a mené des actions de plaidoyer à l'endroit de l'État qui a abouti au CNT à l'interprétation des débats en langues des signes», informe Hadji Barry. Poursuivant que face à une disponibilité insuffisante d'interprètes en langue des signes, l'Amasourd avait proposé à l’État, il y a 4 ans, ses services mais sans succès.
Le leader non-voyant prévient qu’il y a un déséquilibre tant que les déficients auditifs et autres couches n'ont pas accès à l'information. En cette période où le paysage audiovisuel s’enrichit considérablement avec l’arrivée de 14 nouvelles télévisions, selon une liste publiée par la Haute autorité de la communication (Hac) en juillet dernier, on devrait poser la question si l’une de ces chaînes a de quoi offrir aux déficients auditifs. Pour les télévisions qui émettent depuis plusieurs années, les difficultés financières restent des obstacles majeurs.
L'administrateur général du groupe Renouveau indique que faute de ressources financières, sa télévision tarde à matérialiser leur volonté de rendre accessible de façon élargie leur programme aux personnes en situation de déficience auditive. Markatié Daou assure que son entreprise de presse a fait des efforts en matière d'accès des personnes en situation de handicap aux programmes télévisés. «Nous avons facilité leur accès aux studios et aux bureaux. Nous allons étape par étape», signale l'ancien chargé de communication au ministère en charge de la Santé.
Quant à la télévision Alafia, elle ne dispose pas «concrètement de ressources humaines» spécialisées dans la publication des contenus destinés aux déficients auditifs. Son directeur général, Dr Alhoudourou Almaimoune Maïga, soutient la thèse des contraintes financières comme handicap majeur. Selon lui, le contexte actuel marqué par l'absence de partenaires impacte négativement les recettes financières des chaines privées.
NOUVELLES TECHNOLOGIES- Par ailleurs, il souligne que sa télévision fait des sous-titrages en français pour les téléspectateurs lors de la diffusion des informations en langues nationales. Tenin Nana Kouyaté est une utilisatrice de l’Intelligence artificielle (IA) dans la diffusion de contenus d’information et de formation dans les langues locales.
Elle pense que dans notre pays, l’adoption de technologies «high-tech» (IA, Avatars) dans l’accessibilité des sourds à l’information des chaînes de télévision est encore timide. Alors que les nouvelles technologies ont profondément amélioré l’accès des personnes sourdes et malentendantes aux contenus télévisuels. En la matière, celle qui est la secrétaire adjointe chargée de la Promotion de l’entrepreneuriat féminin de l’association MaliStartUp affirme que plusieurs solutions sont disponibles.
Elle cite le sous-titrage automatique qui consiste à utiliser l’IA pour transcrire la voix en texte en temps réel avec une précision quasi-humaine. Selon Tenin Nana Kouyaté, les chaînes de télévision peuvent également utiliser les avatars en langue des signes (3D), c’est-à-dire des personnages virtuels générés par l’ordinateur qui traduisent les informations.
Pour atténuer les effets de cette problématique d’accès à l’information, la technologiste conseille aux déficients auditifs d’utiliser «Google live caption» sur Android pour transcrire les voix émises par les vidéos même sans connexion internet. Toutes nos tentatives auprès de la direction de l’ORTM et de la Haute autorité de la communication (Hac) pour jauger les efforts consentis pour faciliter l’accès des déficients auditifs aux programmes télévisés n’ont pas abouti.
Mohamed DIAWARA
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