#Mali : Mariage mixte islamo-chrétien : Des hauts et des bas

Si certains couples vivent en paix et en parfaite harmonie. D’autres font face à l’opposition des parents, aux exigences religieuses et au regard de la société

Publié vendredi 05 janvier 2024 à 07:05
#Mali : Mariage mixte islamo-chrétien : Des hauts et des bas

              L’union des conjoints de religions différentes est souvent mal appréciée à tort ou à raison par des ultras

 

Le mariage interreligieux (musulman et chrétien) doit souvent affronter beaucoup d’obstacles avant de se réaliser et pendant la vie conjugale. Généralement, ce sont les belles familles qui mettent des bâtons dans la roue du couple mixte. Malgré ces rudes épreuves, certains arrivent à tirer leur épingle du jeu. Ils affichent leur bonne entente pendant les fêtes religieuses comme le Noël (fête chrétienne) ou la Tabaski (fête musulmane).  

Vendredi 15 décembre dernier, vers 9 heures, le calme règne dans la famille Touré à Bagadadji, en Commune II du District de Bamako. La maitresse de la maison, Mme Touré Marie Dominique Coulibaly, une ménagère trentenaire, nous accueille dans son salon. Elle est mariée à un musulman depuis 8 ans. «Tout se passe bien maintenant dans mon foyer», gratifie-t-elle.

Auparavant, rappelle-t-elle, sa belle-famille était opposée à son mariage. «Le dimanche, jour de prière à l’église, ma belle mère (qu’elle repose en paix) trouvait toujours une excuse pour ne pas me voir partir. J’acceptais mais il a fallu que j’en parle avec le pasteur de l’église où je prie. Ce dernier est venu la voir et après j’ai eu l’autorisation pour faire ma prière», raconte Mme Touré Marie Dominique Coulibaly.

Les premiers jours qui ont suivi son mariage ont été pénibles. «Quand je cuisinais, personne ne mangeait mon plat. J’ai encaissée beaucoup de coup avant qu’elle m’accepte. Mais, maintenant grâce au seigneur Jésus, ma belle famille célèbre la Noël et la Pâques avec moi, on mange ensemble et nous célébrons toutes les fêtes en joie», se réjouit Marie-Dominique accompagnée de son époux Ibrahim Touré. Celui-ci estime que sa femme est une bonne épouse.

«Je ne peux que remercier Dieu de m’avoir donné cette belle femme comme épouse. Ce n’est pas parce que vous êtes présents mais Dieu m’a béni avec cette femme. Elle est là pour toute la famille. Quand le mois de Ramadan arrive, elle se lève depuis 2 heures du matin pour préparer les plats. À l’heure de la rupture du jeun, tu trouveras que tout est fin prêt. Quand je tarde à me lever pour la prière du fadjr, elle fait tout pour que je me lève à temps», apprécie-t-il avant de se résumer qu’il est à l’aise avec « sa chrétienne».

Le couple a eu trois enfants dont une fille qui sont tous musulmans. Le vendredi, précise-t-il, elle prépare les garçons pour qu’ils partent à la mosquée et veille sur la fille à la maison pour qu’elle s’acquitte de ses prières. Ibrahim Touré prie pour que cette entente se poursuive.

 

UNE ENTENTE PARFAITE- Jean Michel Kamité a épousé une musulmane du nom de Zéïnab Cissé. Ils se sont connus durant les études universitaires, il y a une dizaine d’années. Le couple qui habite Djélibougou, en Commune I du District de Bamako, suscite l’admiration des voisins. L’entente est parfaite au sein du foyer et les rapports sont amicaux avec les voisins.

Chacun respecte la foi de l’autre. L’homme va à l’église les dimanches. Pendant, les fêtes chrétiennes, certains membres de la famille de Zéïnab Cissé viennent célébrer avec elle. La femme se rend à la mosquée tous les vendredis. «Je ne pense pas qu’Allah interdit le mariage entre ses enfants, étant donné que nous adorons un même Dieu. L’amour, c’est ce qui compte le plus. Quand on est sûr de ce qu’on ressent, rien ni personne ne peut nous arrêter.

En tout cas, nous la vivons bien cette différence, car c’est elle qui fait la beauté de notre couple», confie Zéïnab Cissé, avant d’indiquer que les conjoints règlent leurs divergences dans le dialogue. Notre interlocutrice avoue que son père était contre leur union, car il ne voulait pas que ses petits-enfants soient des chrétiens. «Mon époux lui a rassuré que nos enfants seront libres de choisir leur religion», explique-t-elle. Contrairement à son épouse, la décision de mariage de Jean Michel Kamité n’a pas suscité d’obstacles dans sa famille qui vit à San. Il indique que la communication et le respect mutuel fait le bonheur de leur couple. «Ma femme amène nos deux premiers fils à la mosquée les vendredis. Chose qui ne me dérange point», affirme-t-il. Avant d’espérer que leur troisième enfant, une petite fille, aura la liberté de choisir sa religion.

 

Almamy Diarra, voisin du couple mixte, félicite les deux tourtereaux pour l’harmonie qu’ils ont instaurée dans leur foyer. Depuis plus de douze ans, témoigne-t-il, personne n’est intervenu pour régler une incompréhension entre Jean Michel Kamité et Zeïnab Cissé. «Leur famille maintient le respect et l’entente avec tout le voisinage. C’est un couple modèle. Je les envie je te le jure, je leur souhaite bonne chance pour la consolidation de leur union», bénit Almamy Diarra.

 

ÉDUCATION RELIGIEUSE DES ENFANTS- L’église de la foi «Assemblées de Dieu» de Bolibana en Commune III du District de Bamako est dirigée par le pasteur Éric Diarra. A Josué, dit-il, il n’y a pas question de mariage mixte dans la Sainte écriture. «Les enfants d’Abraham doivent se marier entre eux dans la famille sur la base de la foi, que rien ne soit obstacle dans leurs vies pour l’adoration de Dieu, Genèse 15-1-7». Il renchérit que c’est le même Dieu qui a interdit le mariage avec d’autres maisons aussi avec d’autres nations.

Le leader chrétien cite les versets 15-16 : «Exode 34 : Garde-toi de faire alliance avec les habitants du pays par le mariage». Selon le pasteur Diarra, le mariage mixte est interdit par le Christ, mais introduit par l’homme dans l’intérêt de sa convoitise. «Ceux qui le font méconnaissent leur religion. Moi, je ne célébrerai jamais ce genre d’union dans mon église. Ce serait de l’idolâtrie, genèse 11 ; 10-14», promet-il. Et d’avertir que la non considération de la loi du Seigneur Jésus emmène toujours les conséquences graves dans la vie de ses enfants et souvent même la mort.

Le pasteur de l’église de la foi «Assemblées de Dieu», déclare que Josué a révélé : «Ne vous y trompez pas. Les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs 1 Corinthiens 15-33». «La doctrine biblique ne nous permet pas de nous marier ailleurs même étant veuf, 1 corinthiens 7 : 39». Cependant, le pasteur admet que certains fidèles de son église sont mariés à des musulmans. Quant à leur sort, tempère-t-il, l’église ne les rejette pas mais prie pour qu’ils retrouvent le droit chemin.

Selon l’imam Abdoulaye Sylla de la mosquée de Badiala III, il est préférable qu’un musulman prenne une musulmane pour épouse. Mais il peut arriver qu’un musulman prenne une femme d’une autre religion (chrétienne ou juive), à condition qu’elle soit noble et dans le but de l’amener à se convertir à l’islam. «Le mari musulman supporte la charge familiale. Il a le pouvoir de décision. Il bénéficie d’une grande influence dans sa famille. Il a le pouvoir d’apporter le changement. Les femmes sont des soumises. Elles vivent dans la quête constante de plaire à leurs époux. Dans cet esprit, beaucoup parmi celles dont la religion est différente de l’Islam finissent par adopter la religion de leur mari musulman», explique-t-il.

L’érudit signale que l’islam ne permet pas à la femme musulmane d’épouser un homme non musulman. «L’homme qui prend une chrétienne en mariage ne doit pas lui imposer sa religion mais peut la conduire à y adhérer, car on ne peut empêcher une personne de pratiquer sa croyance », a insisté l’imam de Badialan III. Il enseigne que la meilleure manière de faire adhérer une personne à une autre religion, n’est pas la parole, mais le comportement. «Le meilleur d’entre nous, est celui qui a le meilleur comportement», cite le fidèle musulman.

 

PRESSION SUR LA FEMME CHRÉTIENNE- Le sociologue Aly Tounkara explique que l’accompagnement pastoral et une certaine indépendance sociale et économique sont nécessaires pour la réussite du couple mixte. «Dans le cas où l’épouse est chrétienne, si le couple vit dans le cadre de la grande famille du mari, la pression sur la femme chrétienne est telle qu’elle peut difficilement maintenir sa pratique chrétienne sans un soutien permanent de la part de sa propre famille et de la communauté chrétienne», dit-il.

Dans tous les cas, insiste le sociologue, il faut une préparation adéquate des époux au mariage. Il s’agit, selon lui, de celle qui instaure un dialogue approfondi entre époux sur tous les problèmes à venir et qui aura une chance de se poursuivre tout au long de la vie du couple. Par exemple, cite Aly Tounkara, la question de l’éducation religieuse des enfants devrait être abordée entre les époux dès qu’il y a projet de mariage.

C’est la question, souligne-t-il, qui est la source des tensions les plus fortes dans le couple. «Le mariage islamo-chrétien n’est pas seulement une affaire entre deux familles, mais engage deux communautés religieuses. Une connaissance réciproque ou un dialogue déjà existant entre les responsables des deux communautés peut être un recours précieux au moment des tensions et des crises», propose-t-il.

Aly Tounkara indique que des rencontres fréquentes de personnes vivant dans un mariage islamo-chrétien s’avèrent d’un grand réconfort. Elles permettent selon lui, d’échanger, de relativiser certaines difficultés, d’avoir les conseils de personnes «expérimentées» ayant vécu des situations analogues. L’accompagnement pastoral de ces couples devrait être un souci constant, et des pasteurs, et de l’ensemble de la communauté chrétienne.

Djeneba BAGAYOGO

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