Marché de Médine : La journée du ferrailleur

Les ferailleurs désirent quitter le cadre informel dans lequel ils exercent

Publié mercredi 23 mars 2022 à 07:01
Marché de Médine : La journée du ferrailleur

Ils sont plus de 2.000 artisans dont 350 chefs d’atelier à occuper une surface de près de 2 ha. Ils travaillent à la force de leurs bras pour fabriquer divers objets : charrues, moissonneuses, égraineuses d’arachide et ustensiles de cuisine qui sont vendus sur place

Dans le marché Dossolo de Médine en Commune II du District de Bamako, le secteur réservé aux ferrailleurs est avant tout un centre de formation aux métiers de transformation des métaux à ciel ouvert. Au pied de la colline du Point G, les forgerons sont installés sous des petits hangars faits de feuilles de tôle.

La chaleur étuve produite par des fourneaux au feu intensément attisé est étouffante. La sueur dégouline du front des artisans habillés pour la plupart de débardeur immaculés de taches noires. Le maniement des gros marteaux a sculpté une musculature d'athlète aux artisans des lieux. Le fer encore rouge est battu et modelé.

Tout se passe sous l'œil vigilant des jeunes apprentis. Jamais loin des chefs d’atelier aux côtés desquels ils apprennent le métier. «Nous recevons beaucoup de jeunes venant de l’intérieur du pays. Ils apprennent le métier pour aller ensuite travailler ailleurs», confie Sékou Samassékou, président de la Coopérative de forgerons Fentogo.

Le vieil artisan à la corpulence imposante fait partie des plus anciens forgerons de la place. Il explique que les travailleurs se sont installés sur cet espace depuis longtemps. Beaucoup travaillaient avec leurs parents près de l’Assemblée nationale avant d’être déplacés.

Le secteur des forgerons de près de 2 ha compte plus de 2.000 artisans dont 350 chefs d’atelier, précise le responsable syndical. Les travailleurs sont repartis en quatre coopératives et payent 3.000 Fcfa par mois par atelier à la mairie. Les artisans fabriquent des objets hors de la fonte, des caisses et d’autres outils. Il y a également ceux qui travaillent avec les fourneaux et les fabricants de savons traditionnels.

Dans cette ambiance particulière, le fracas des coups de marteaux est cadencé comme une symphonie. Les travailleurs, jeunes pour la plupart, manient à merveille les outils. Des marteaux de toutes tailles, les limes, les pinces, tenailles et scies sont, entre autres, utilisés. Les caisses métalliques sont parmi les objets les plus fabriqués. Un chef d’atelier et ses apprentis peuvent en fabriquer une douzaine par jour, dit-on.

C'est dire que ces malles sont encore prisées par bon nombre de clients. Utilisées surtout lors des mariages, ces caisses sont la spécialité d’Ibrahim Dembélé, dans le métier depuis 12 ans. Il fabrique des malles et des ustensiles de cuisine dont des casseroles, les louches, fourneaux et marmites.

Les artisans achètent la ferraille auprès de ceux qui font la récupération. Ils s’en procurent aussi au niveau des usines spécialisées. «Nous achetons la ferraille chez des collecteurs. Mais utilisons aussi du nouveau fer pour certains travaux comme la fabrication des caisses.

Les objets comme les fourneaux peuvent être fabriqués avec de la ferraille usée», explique le jeune ferrailleur, précisant que la ferraille est fondue et modelée pour la fabrication de certains objets. Quant à la barre de fer industrielle, Ibrahim dit acheter les 6 m à 4.000 Fcfa.  

Les équipements agricoles sont aussi fabriqués en grand nombre par les artisans du marché de Médine. Le vieux Cheick Oumar Keïta en fabrique depuis 1991. Commandants comme apprentis, il a en compte désormais une dizaine qui travaillent sous ses ordres. «J’ai fait toute ma vie dans ce métier.

Aujourd’hui, je travaille avec mon fils aîné», explique celui qui est venu de Libye dans les 90 pour se consacrer au maniement de la ferraille.

Le vendeur de charrue explique que dès sa fabrication, l'équipement doit être adaptée au climat et à la qualité de la terre où il doit servir. «Une daba ou une charrue fabriquée pour Ségou est différente de celle destinée à Sikasso ou la terre est moins aride», explique le spécialiste qui relève que la différence se trouvera au niveau de la qualité du fer utilisé pour la fabrication.

INFORMEL- Plus loin, Moumine Djourté vend aussi des charrues, des moissonneuses, des égraineuses d’arachide et d’autres outils. Lui aussi est ferrailleur depuis plusieurs années. Lunettes sur le nez, écouteurs autour du coup, l’artisan porte une chemise déteinte. Il était en Côte d’ivoire où il était menuisier avant de rentrer au pays exercer ce métier.

Une machine égreneuse d’arachide qu’il a appris à fabriquer coûte 50.000 Fcfa. Un prix modique pour lui en rapport avec l’ingéniosité et le travail mis dans sa confection. Ils peut en fabriquer un chaque jour.

Moumine Djourté évoque comme principale difficulté l’augmentation du prix de la ferraille qui s’est accentuée cette année à cause de la crise de Covid-19. Les usines ont augmenté le prix, regrette-t-il.

«Nous avons acheté la moule à 200.000 Fcfa et avons du mal à le mettre en valeur». Ils peinent à mettre en valeur les objets fabriqués localement. Contrairement à ceux fabriqués à l’extérieur sur lesquels on est prêt à investir beaucoup d’argents.

«Si un Blanc fabrique le même appareil, on va l’acheter à un prix beaucoup plus cher sans hésitation», juge-t-il. Le vendeur peste également contre les déguerpissements fréquents dont lui et ses camarades se disent victimes.

Pour lui, leur situation pourrait s’améliorer si on les aidait à quitter le cadre informel dans lequel ils exercent. À ce sujet, Moumine Djourté pense que la création de marques ou le brevetage des inventions des artisans, sera d’une grande utilité.

Ce qui apparait comme un rêve aux yeux de Moumine Djourté aurait pu être d’une grande utilité pour son jeune collègue Moussa Berthé. Ce dernier fait partie de ceux qui souffrent le plus du caractère informel de leur travail.

Dans son atelier de soudure, lunettes de soleil sur le nez, il s’affaire avec d’autres ouvriers. Sous son hangar, l'odeur de la ferraille brûlée se mêle au vacarme ambiant. Le jeune confie avoir inventé, il y a quelques années, un appareil à moudre les oignons et d’autres légumes. L'engin fonctionnant à l’aide d’un moteur monté.

Il comprend une table dotée d'une sorte de casserole. Seulement l'appareil dont le jeune réclame la paternité est fabriqué par beaucoup d’autres artisans. «Sous d’autres cieux, j’aurais pu breveter ma création et bénéficier des avantages liés à sa fabrication», regrette le jeune artisan qui réclame ardemment un cadre plus propice à l’exercice de son travail.

CONCURRENCE- Les problèmes sont ailleurs pour Issa Samaké. Il est assis devant sa boutique remplie d’ustensiles métalliques. Des marmites mais aussi des théières et des louches en aluminium : la matière première pour le forgeron. Rare et précieuse, elle est souvent recueillie dans les objets recyclés auxquels on donne une autre vie. 

L’aluminium est fondu et coulé dans des moules pour fabriquer cette mosaïque d’objets. Selon le vendeur et fabricant de marmite depuis plus de 20 ans, la production dépend du rythme de travail et du marché.

Issa Samaké assure qu’un chef d’atelier et ses apprentis peuvent confectionner une dizaine de marmites par jour. Toutes les pointures sont servies. Des petites marmites de 1 kg aux grandes de 50 kg de capacité. Mais, comme d'autres artisans utilisant l'aluminium, Issa Samaké se plaint de la rareté du métal depuis près d’un an.

La cause de cette pénurie : la concurrence d’acheteurs indiens, désormais dans le même business, selon les ferrailleurs. «L’aluminium est acheté par les Indiens qui l’exportent sans aucune transformation. Avant leur venue nous pouvions avoir le kg à 600 Fcfa mais aujourd’hui le kg est cédé à 900 kg», soutient Issa Samaké.

Les artisans s’inquiètent face à cette nouvelle donne qu’ils considèrent comme une menace pour leur activité. Selon leurs leaders, des démarches ont déjà été entreprises face à la situation. «Nous avons envoyé des lettres à plusieurs reprises aux autorités pour soulever le problème. Les Indiens prennent la ferraille que nous avons du mal à trouver.

En plus, ils font semblant de la transformer localement, ce qui n’est pas le cas», dénonce Sékou Samassekou de la Coopérative de forgeron Fentogo. À côte de lui, Soumaïla Diabaté, aussi forgeron et ex-président de la Coopérative des forgerons «Diamadjigui», lance un cri du cœur.

«Nous demandons aux autorités d’être attentives au problème», plaide le vieux forgeron aux cheveux grisonnants, costaud mais affaibli par le poids de l’âge. «Nous avons besoin d’aide face à cette concurrence déloyale afin de continuer notre activité».

Mohamed TOURE

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