
L’Essor : Quelle lecture faites-vous de l’Année de la culture, décrétée par le Président de la Transition, le Général d’armée Assimi Goïta ?
Pr Oumar Kamara Ka : Il y avait des signes avant-coureurs, en tout cas pour ceux qui savaient lire entre les lignes. Lors du tout premier Conseil des ministres du gouvernement du Général de division Abdoulaye Maïga, tenu en novembre dernier, le Chef de l’État, a annoncé des orientations majeures pour le pays, parmi lesquelles l’amélioration du système éducatif en lien avec la culture endogène, l’éducation aux valeurs sociétales et le sentiment patriotique chez les jeunes. Et lors de son adresse à la Nation, il décrète 2025 comme Année de la culture, tout en réitérant sa volonté de promouvoir le patrimoine culturel malien à travers la valorisation des artistes qui en sont les concepteurs de premier plan. Pour nous, acteurs du secteur des arts, cela doit être une année-test, une année culte qui va s’inscrire dans les annales. Il faut donc relever tous les défis et mériter toute la confiance.
L’Essor : Quel peut être l’apport des écoles d’arts dans la réussite du projet Culture Mali 2025. Est-ce qu’il faut aussi mettre en place dans ces établissements un nouveau programme calqué sur nos valeurs ancestrales ?
Pr Oumar Kamara Ka : Prémonitoire ou pas, nous avions au Conservatoire des arts et métiers multimédia Balla Fasseké Kouyaté initié, pour l’année académique 2024-2025, des projets novateurs qui visaient à expérimenter des pratiques pédagogiques transversales sur le thème : «Le rôle du Conservatoire dans l’émergence d’une conscience patriotique au Mali à travers les arts et la culture» qui sera naturellement dédié à l’Année de la culture. Ce qui explique notre enthousiasme. Par ailleurs, nous comptons montrer au public, en cette Année de la culture, une exposition rétrospective qui consacre plus de 30 années d’une carrière artistique intense. C’est une contribution personnelle et une tentative de transmission de mémoire.
Cette année doit être celle de la revitalisation de nos valeurs traditionnelles. Certes, nos écoles ne disposent pas de programmes spécifiques axés sur les cultures traditionnelles en dehors de l’éducation civique et morale. Cependant, l’existence dans les lycées de séries arts et littératures traduit la volonté politique de faire de l’enseignement des arts un creuset essentiel de l’éducation des futures générations.
À l’Université des lettres et des sciences humaines Yambo Ouologuème de Bamako, nous avons initié, en marge du programme général de l’histoire de l’art, un module sur «l’Iconographie et le symbolisme de la sculpture traditionnelle africaine». Celui-ci vise l’enseignement de nos valeurs ancestrales à travers les réalités endogènes des aires culturelles. Ce n’est pas suffisant. Il est essentiel aujourd’hui de généraliser cet enseignement à tous les niveaux, y compris dans les universités dites à vocation scientifique.
L’Essor : En tant que enseignant-chercheur, doublé d’un artiste peintre, quel contenu faut-il mettre dans l’Année de la culture pour modifier le comportement de la jeunesse et inciter la population à consommer nos œuvres artistiques ?
Pr Oumar Kamara Ka : Avant tout, il faut valoriser l’éducation à la culture. Un pas important dans ce sens vient d’être franchi par les autorités à travers l’annonce de l’Année de la culture. Notre rôle pour l’émergence des consciences au Mali a toujours été constant. Il s’est traduit, non seulement dans la transmission des savoirs, mais aussi à travers des conférences et des expositions d’œuvres sur un fond empreint d’esthétique et de philosophie.
Ce qui traduit notre profonde conviction que la culture, au-delà de son incitation à la contemplation, renforce le sentiment d’appartenance à une communauté avec des valeurs à préserver. Nos détracteurs, qui nous ont souvent reprochés de trop parler d’art africain, soutiennent «qu’il n’y a pas d’art africain, mais de l’art tout court», en rappelant les valeurs universelles de la mondialisation qui assurent une ouverture au marché mondial de l’art.
Certes, le marché est une réalité, mais il exige une formation solide et une expérience basée sur les savoirs endogènes qui sont le reflet de la conscience sociale. Toute création artistique ou littéraire qui ne traduirait pas les émotions réelles de son concepteur est vouée à l’échec, car ne répondra pas aux besoins essentiels et aux préoccupations des communautés auxquelles elle devrait s’adresser. Comme diraient les marxistes, «on ne peut pas vivre dans une société et vivre indépendamment de cette société».
Nos jeunes artistes, non encore conscients du danger, tombent dans le piège de la mondialisation qui consiste, dans une certaine mesure à «commander» l’œuvre d’art comme une marchandise. À tel enseigne que le génie de l’artiste africain finit par dépendre du génie du critique d’art occidental. Il faut éviter de diluer nos cultures dans un universalisme abstrait, surtout lorsque la mondialisation est parfois définie comme l’expression courtoise de la recolonisation. Nos jeunes artistes doivent aller à l’école de la tradition.
L’Essor : Est-ce que le concept (Année de la culture) peut être le point de départ d’une revitalisation de nos valeurs et d’un retour à nos fondamentaux ?
Pr Oumar Kamara Ka: C’est une volonté politique qui ne doit pas être une simple vue de l’esprit, mais une réalité vivante à travers des initiatives créatives dynamiques. Nous profitons de l’occasion pour féliciter le ministre chargé de la Culture pour son expertise déjà perceptible dans la mise en œuvre des différents projets en cours. Nous saluons également le professionnalisme des acteurs culturels qui l’accompagnent. Je ne pense pas si le mot revitalisation est approprié.
Celle de nos valeurs doit commencer aujourd’hui dans nos familles où la plupart des parents, qui sont les premiers acteurs, semblent en avoir perdu l’usage et pour lesquels ces valeurs ne sont que réminiscence. Par contre, nos traditionnistes vivent encore dans nos terroirs et sont restés très attachés aux savoirs et savoir-faire traditionnels. Ils sont le creuset qu’il faut valoriser et solliciter pour intervenir dans des projets ponctuels de formation à la citoyenneté et aux valeurs traditionnelles qui sont malheureusement en déperdition. D’où ce cri de cœur du Président Goïta en faveur d’une culture endogène émergente et une éducation aux valeurs sociétales afin d’inculquer un sentiment patriotique aux jeunes.
L’Essor : Quel peut être l’impact de l’Année de la culture pour une augmentation du budget alloué au département en charge de la Culture ?
Pr Oumar Kamara Ka : Au vu de la pertinence des recommandations issues des États généraux de la culture qui prévoient de grandes actions et initiatives dans le cadre de la refondation du Mali, ainsi que toutes la dynamique et engouement qui sont déjà déployés dans les différentes localités du pays, une vision politique consensuelle pourrait se dégager en faveur d’une augmentation du budget de ce département qui reste très en deçà des ambitions actuelles affichées. Notre pays, terre d’empires et de royaumes, héritier de valeurs humaines inestimables où la culture est aujourd’hui à l’honneur, mérite un accompagnement en faveur de cette augmentation, une des conditions pour la création d’emplois, d’insertion professionnelle des jeunes,et par conséquent, facteur de stabilité sociale et du vivre-ensemble.
L’Essor : Quelles sont les attentes et les perspectives des écoles d’art dans le cadre du projet Culture Mali 2025
Pr Oumar Kamara Ka : Nos écoles d’art au Mali, à savoir l’Institut universitaire de technologie, l’Institut national des arts, le Conservatoire des arts et métiers multimédia, ainsi que les structures autonomes d’enseignement des métiers d’art et d’artisanat, constituent des lieux d’apprentissage par excellence des arts. Les enseignants et les apprenants qui donnent vie à ces espaces perçoivent l’Année de la culture comme une revitalisation de leurs activités pédagogiques habituelles, mais aussi comme une reconnaissance des plus hautes autorités du pays.
J’espère que cet état d’esprit permettra d’éveiller chez eux des émotions esthétiques favorisant des créations nouvelles en hommage à l’Année de la culture et à la paix. Pour les attentes, évitons les énumérations stériles. La plupart des artistes, constamment à contre-courant des habitudes en cours dans la société, sont confrontés à des défis existentiels importants qui mettent à l’épreuve leur résilience et leur potentiel de visibilité.
Pour eux, il est essentiel que des mesures soient prises afin de soulager leur vie et favoriser leurs créations. Dans cet ordre d’idées, la mise en place en avril 2025 d’une Assurance volontaire pour la culture (Avoc) est salutaire. Nous souhaitons, suite à l’annonce de l’Année de la culture, que des actions concrètes soient entreprises pour la mise en œuvre des recommandations issues des États généraux de la culture.
Enfin, au plan politique, pour des raisons d’enracinement de nos valeurs dans les consciences et pour accompagner l’enseignement des traditions locales au niveau scolaire et universitaire, il serait souhaitable de créer un ministère de la Culture et de l’Éducation aux Valeurs. C’est un vœu de l’enseignant-chercheur que je suis, doublé de l’artiste peintre comme vous le faites remarquer plus haut.
Propos recueillis par
Amadou SOW
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