Assurance maladie obligatoire: La fermeture des droits fait grincer des dents

Les assurés ou leurs ayants droit s’entendent parfois dire crûment qu’ils ne peuvent pas bénéficier des prestations de ce régime de protection sociale. Les assurés de l’Institut national de prévoyance sociale sont les plus concernés. La situation suscite une véritable controverse

Publié mardi 30 août 2022 à 07:34
Assurance maladie obligatoire:  La fermeture  des droits fait grincer des dents

La machine sert à la mise à jour des cartes Amo


L’idylle de nos compatriotes avec l’Assurance maladie obligatoire (Amo) qui doit devenir le Régime d’assurance maladie universelle (Ramu) résistera-t-elle à l’épreuve du temps ? En tout cas la question taraude les esprits puisque depuis quelque temps, les plaintes des assurés sont de plus en plus audibles.

Ils protestent contre la lenteur des procédures dans les établissements de santé, notamment au niveau des espaces Amo où les agents semblent faire tout ce qu’ils veulent au grand dam des malades. Les assurés sont soumis à un vrai parcours du combattant avec de longues minutes d’attente pour disposer d’un ticket de consultation avec lequel ils se font enregistrer au niveau du bureau d’entrée et aussi obtenir une feuille d’ordonnance afin que le médecin prescrive des produits pharmaceutiques.


L’assuré est ensuite contraint de faire d’interminables va-et-vient entre le prescripteur, c’est-à-dire le médecin traitant et l’agent au guichet Amo pour valider son ordonnance avec le cachet sec. C’est seulement après qu’on peut lui délivrer  des médicaments  prescrits contre son mal dans une officine pharmaceutique conventionnée à l’Amo.

Au regard de la bouffée d’oxygène que représente ce régime de protection sociale, les malades et autres usagers acceptent de se plier à ses exigences. Mais ce qui fait de plus en plus dresser les cheveux sur la tête, c’est de voir des assurés ou leurs ayants droit s’entendre dire une formule désagréable à l’oreille : «Vos droits sont fermés». Les assurés n’apprécient guère cette situation qui survient très souvent dans un contexte de consultation externe voire de prise en charge d’une urgence.

En terme clair, c’est au moment où les assurés Amo ont le plus besoin d’user de leurs droits aux prestations médicales qu’on leur  signifie que leurs droits sont fermés. Et très souvent sans aucune explication plausible. La situation fait grincer des dents chez des assurés. On ne peut pas leur reprocher de s’accommoder mal de la situation surtout s’ils sont à jour dans le paiement de leurs cotisations comme c’est le cas très souvent. 

En tout cas la pilule est amère à faire passer chez eux. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter leurs récriminations. Certains d’entre eux n’hésitent même pas à pointer du doigt l’administration de la Caisse nationale d’assurance maladie (Canam). Ils pensent qu’il y a un amateurisme à ce niveau et estiment que compte tenu de l’informatisation des fichiers, on est censé savoir au niveau de la Caisse si le travailleur est à jour de paiement ou pas, où si son entreprise ne verse pas sa part patronale.

Si on pénalise l’assuré parce qu’il n’est pas à jour dans le paiement de ses cotisations, il ne peut s’en plaindre. Mais s’il est victime «d’amateurisme» des agents de la Canam, il est en droit d’exprimer sa désapprobation. Aujourd’hui, les multiples désagréments causés aux assurés doivent amener les autorités de la Canam à s’inscrire dans une meilleure organisation pour plus de fluidité dans l’accès aux soins pour les intéressés, mais surtout à être plus regardants sur les espaces Amo dans les centres de santé. La fermeture des droits, les obligeant ainsi à faire autrement face à leur prise en charge en attendant le déblocage, est très mal vécue par certains assurés.

FAIRE PREUVE DE PROFESSIONNALISME-Notre équipe de reportage s’est intéressée à la question pour éclairer la lanterne de nos lecteurs.  La semaine dernière à l’hôpital Mère-Enfant Luxembourg, plusieurs personnes faisaient la queue devant un guichet Amo. Abdoulaye Coulibaly, la quarantaine, en avait visiblement assez d’avoir longuement attendu son tour pour rien. Il explique avoir été informé par la guichetière de la fermeture de ses droits après avoir fait le pied de grue pendant plusieurs minutes. Il dit ne pas comprendre cette situation désagréable alors qu’on prélève ses cotisations directement à la source. Ce travailleur d’une entreprise de la place interpelle l’administration de la Canam à faire preuve de plus de professionnalisme.

Makan Doumbia, informaticien dans une agence de communication, passe aussi ses nerfs sur l’administration de la Canam. Il déclare avoir été informé de la fermeture de ses droits lors d’une consultation médicale de son nourrisson au Centre hospitalo-universitaire Gabriel Touré. C’est au niveau de l’espace Amo qu’il a appris désagréablement que son bébé ne peut accéder à des soins sur la base de son assurance, tout simplement parce que ses droits étaient fermés. L’informaticien confie avoir attendu une semaine pour que la Canam rouvre ses droits. Une situation qu’il n’a pas comprise du tout. Très affecté, Makan Doumbia invite la Caisse à trouver une solution durable à ce problème.

Un jour de mardi, il était environ 9 heures au Centre de santé de référence (Csref) de la Commune V du District de Bamako. À la porte d’entrée, notre équipe de reportage tombe sur Binèfou Konaté, agent en charge de la sécurité et de l’orientation guide les malades et autres usagers. Il reconnaît que la fermeture des droits Amo est une réalité dans cet établissement de soins. «Souvent, notre structure peut enregistrer 2 à 3 cas de fermeture des droits par jour», relève-t-il. Il s’empresse de préciser que ce n’est plus fréquent comme avant où on pouvait recenser une dizaine de cas quotidiennement. D’après son constat, les fermetures des droits surviennent très généralement en fin d’année.

Ce travailleur d’une entreprise privée de la place ayant requis l’anonymat dit avoir été victime de la prestation Amo au niveau du Csref de la Commune V du District de Bamako. «J’ai reçu le ticket et l’ordonnance au guichet qui confirment que mes droits sont ouverts. Après la consultation et la prescription médicale, je me suis rendu dans une officine pharmaceutique conventionnée pour acheter mes médicaments. Grand fut mon étonnement d’entendre le pharmacien me dire que mes droits étaient fermés», confie le père de famille. Arouna Traoré, un usager qui attendait devant un guichet Amo du même Csref, estime que la  fermeture des droits ne relève pas des agents de l’Amo.

RETARD DE PAIEMENT- Nous retournons à l’hôpital Mère-Enfant Luxembourg pour apprécier la situation. Salaye Konaté, agent au guichet Amo, n’avait enregistré qu’un cas de fermeture des droits Amo au moment de notre passage. Il révèle que son guichet peut enregistrer au maximum 5 cas par jour. Et de préciser que les cas de fermeture des droits aux prestations sont fréquents à partir de décembre. Cependant, notre interlocuteur ne donne pas de détails, mais se contente simplement de confirmer que les contractuels inscrits à l’Institut national de prévoyance sociale (INPS) en souffrent plus. Pour lui, les droits des fonctionnaires de l’état sont permanemment ouverts.

Harouna Mariko, agent au niveau de la section solde d’un établissement parapublic, regrette que les droits soient souvent fermés, avant la date d’expiration qui est de six mois. Cela, ajoute-t-il, sans aucun préavis de la Canam. «On envoie l’état collectif pour le paiement de la cotisation à l’INPS et on constate parfois que les droits d’une seule personne sont fermés», s’indigne ce comptable de formation.


Un responsable de la Canam qui a requis l’anonymat rappelle que les droits aux prestations Amo ne doivent souffrir d’aucune anomalie. Il justifie les fermetures des droits aux prestations Amo comme un contrôle physique au niveau de la Canam. Et de préciser que les cartes Amo doivent être mises à jour tous les six mois pour voir si les droits sont ouverts.

Ce qui évitera, selon lui, d’avoir des surprises désagréables, avant de  confirmer aussi que ce problème survient généralement en fin d’année. Il indique que son service, c’est-à-dire la Canam, avait, sur instruction du directeur général de l’établissement, le général de brigade Boubacar Dembélé, ouvert massivement les droits des assurés. Mais c’est à la suite d’un contrôle que les droits de tous ceux qui n’étaient à jour dans le paiement de leurs cotisations avaient été fermés.

Il trouve cela tout à fait normal. Ce cadre promu il y a quelque temps maintenant tente de donner sans langue de bois certaines explications. Pour lui, il est évident que le retard dans le reversement des cotisations du personnel à l’INPS peut occasionner la fermeture des droits des travailleurs de l’entreprise ou de la société. Il indique que quelques fois, l’entreprise opère des retenues sur les salaires des agents immatriculés à l’INPS, mais accuse un retard dans le reversement à l’INPS. Cela aussi peut expliquer en partie la situation de certains assurés, parce que les droits aux prestations Amo aussi sont liés au paiement des cotisations.

 «Dans ce cas, si on ferme tes droits et que tu apportes la preuve à l’administration de la Canam, avec ton bulletin de salaire à l’appui, qu’on a prélevé directement à la source, on rouvre automatiquement tes droits. Et la Canam se fera le devoir de rappeler à l’ordre  l’entreprise ou la société en question afin qu’elle honore ses engagements», explique notre interlocuteur de la Canam. Précisant que l’Amo est individuelle.


«Il y a de  grosses entreprises aujourd’hui qui,  à cause de la crise sanitaire liée au coronavirus, qui n’ont pu honorer leurs parts patronales à l’INPS. Pour pallier ces difficultés, l’INPS et la Canam ont signé des moratoires pour leur permettre de payer petit à petit leurs contributions à l’Institut», souligne notre source. Selon elle,  comme tous les services,  la Canam aussi a de petites insuffisances dont certains assurés pâtissent. Et d’ajouter que les responsables sont à pied d’œuvre pour y remédier.

Ce responsable de la Caisse conseille les assurés de vérifier leurs droits aux prestations avec leurs cartes et celles de leurs ayants droit avant tout besoin d’utilisation. Il annonce aussi que sa structure est en train de créer une application qui va permettre aux assurés de consulter leurs soldes et statuts à travers leurs téléphones portables avant d’aller dans les centres de santé. En outre, le responsable de la Canam fait savoir qu’au début de l’Amo, l’assuré paye six mois de cotisation avant d’avoir droit aux prestations.

Cela est considéré comme la période de stage. L’autre cas de figure est qu’un assuré à jour de paiement de ses cotisations même s’il perd son travail, il continuera d’en bénéficier pendant six mois parce que c’est le délai de contrôle pour la Canam. Donc au cours des contrôles, les droits de ceux qui sont en retard de paiement ou de ceux qui n’ont pas payé leurs cotisations seront fermés.

«La fin d’année coïncide donc avec le deuxième semestre de l’année, c’est-à-dire une période de contrôle. Mais la Canam est en train de gérer tous ces problèmes. Les assurés qui ne sont pas à jour par rapport aux cotisations, leurs droits sont fermés après six mois. Mais il arrive que nous fassions souvent des erreurs», explique-t-il.

Qu’est-ce qui explique la récurrence de ce phénomène ? Y a-t-il une négligence coupable ? Les entreprises ou sociétés qui prélèvent à la source les cotisations de leurs travailleurs les reversent-elles correctement?  Bien malin celui qui pourrait trouver la réponse à toutes ces interrogations. Une chose est sûre, certaines difficultés risquent de plomber le régime si l’on ne prend pas garde.

On sait que l’Amo avait fait des vagues à ses débuts, avant d’administrer la preuve de son utilité par le soulagement des malades et autres usagers des établissements de soins. Il est important de maintenir ce régime de prise en charge du risque maladie chez les fonctionnaires et autres travailleurs régis par le Code du travail dans cette dynamique de soulagement de nos compatriotes.

Yaya DIAKITE

Lire aussi : #Mali : Santé et sécurité au travail : Une préoccupation au cœur du congrès de la Somasst

Le 1er congrès international de la Société malienne de santé et sécurité au travail (Somasst) se tient dans notre pays sous le thème : «La promotion de la santé et sécurité au travail, quels rôles pour les entreprises et les assurances ?»..

Lire aussi : #Mali : 1ère session de la Cour d’assises de Bamako : 275 accusés dont 225 détenus fixés sur leur sort

Les amendes prononcées s’élèvent à plus de 111 millions de Fcfa, contre 940 millions de Fcfa pour les remboursements ordonnés. Quant aux dommages et intérêts alloués, ils sont estimés à plus de 126 millions de Fcfa. Ce bilan a été jugé satisfaisant.

Lire aussi : #Mali : Concours sur l’hémophilie : L’Essor se taille la part du lion

Nos deux collègues Mohamed D. Diawara et Aminata Djibo ont respectivement occupé les deux premières marches du podium dans la catégorie presse écrite. Ils ont reçu, pour le premier, une moto Djakarta et une enveloppe de 250.000 Fcfa pour la deuxième.

Lire aussi : #Mali : Agence malienne d’assurance qualité de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique : Des progrès réels

L’Agence malienne d’assurance qualité de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (Amaq-sup) a tenu, hier, sa troisième session budgétaire de son conseil d’administration dans ses locaux sur la colline de Badalabougou..

Lire aussi : #Mali : Tribunal militaire de Bamako : Un jeune garde écope de 2 ans de prison

Le dossier du « Vol et violation des consignes générales militaires », incriminant Y. Coulibaly garde de son état, a été le premier dossier examiné, la semaine dernière par les juges militaires au cours de la première session des audiences correctionnelles de la Grande muette, tenue à Bam.

Lire aussi : #Mali : Cour d’assises de Bamako : 271 accusés seront jugés lors de la présente session

Ils sont impliqués dans diverses infractions portant majoritairement sur des crimes de sang et des infractions contre les mœurs. À la fin de la présente session, des sessions spéciales sont prévues sur les crimes économiques et terroristes.

Les articles de l'auteur

#Mali : Santé et sécurité au travail : Une préoccupation au cœur du congrès de la Somasst

Le 1er congrès international de la Société malienne de santé et sécurité au travail (Somasst) se tient dans notre pays sous le thème : «La promotion de la santé et sécurité au travail, quels rôles pour les entreprises et les assurances ?»..

Par Yaya DIAKITE


Publié vendredi 19 avril 2024 à 08:54

#Mali : 1ère session de la Cour d’assises de Bamako : 275 accusés dont 225 détenus fixés sur leur sort

Les amendes prononcées s’élèvent à plus de 111 millions de Fcfa, contre 940 millions de Fcfa pour les remboursements ordonnés. Quant aux dommages et intérêts alloués, ils sont estimés à plus de 126 millions de Fcfa. Ce bilan a été jugé satisfaisant.

Par Yaya DIAKITE


Publié vendredi 19 avril 2024 à 08:42

#Mali : Concours sur l’hémophilie : L’Essor se taille la part du lion

Nos deux collègues Mohamed D. Diawara et Aminata Djibo ont respectivement occupé les deux premières marches du podium dans la catégorie presse écrite. Ils ont reçu, pour le premier, une moto Djakarta et une enveloppe de 250.000 Fcfa pour la deuxième.

Par Yaya DIAKITE


Publié mercredi 17 avril 2024 à 07:42

#Mali : Agence malienne d’assurance qualité de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique : Des progrès réels

L’Agence malienne d’assurance qualité de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (Amaq-sup) a tenu, hier, sa troisième session budgétaire de son conseil d’administration dans ses locaux sur la colline de Badalabougou..

Par Yaya DIAKITE


Publié vendredi 22 mars 2024 à 07:44

#Mali : Tribunal militaire de Bamako : Un jeune garde écope de 2 ans de prison

Le dossier du « Vol et violation des consignes générales militaires », incriminant Y. Coulibaly garde de son état, a été le premier dossier examiné, la semaine dernière par les juges militaires au cours de la première session des audiences correctionnelles de la Grande muette, tenue à Bamako..

Par Yaya DIAKITE


Publié mardi 06 février 2024 à 08:07

#Mali : Cour d’assises de Bamako : 271 accusés seront jugés lors de la présente session

Ils sont impliqués dans diverses infractions portant majoritairement sur des crimes de sang et des infractions contre les mœurs. À la fin de la présente session, des sessions spéciales sont prévues sur les crimes économiques et terroristes.

Par Yaya DIAKITE


Publié mardi 30 janvier 2024 à 08:19

District de Bamako : Les dealers dans le collimateur de la police antidrogue

Des opérations policières ont permis de saisir d’importantes quantités de produits prohibés et d’interpeller des suspects. Ces derniers ont été renvoyés devant des juges pour répondre de leurs actes.

Par Yaya DIAKITE


Publié lundi 29 janvier 2024 à 08:30

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner