
Les utilisations de l’arbre sont innombrables pour la communauté
Grâce à cette pratique, l’Afrique pourra nourrir un jour le monde, prédit Pierre Rabhi, «le Pape» de l’agriculture écologique. C’est en réalité une technique vieille comme la planète, pratiquée durant des siècles par nos ancêtres, avant qu’une agriculture productiviste des temps modernes nous fasse perdre en quelques décennies seulement, un savoir que nous peinons à retrouver et à valoriser aujourd’hui.
L’agroforesterie allie l’agriculture au sens propre du terme à l’arbre sous toutes ses formes et pour toutes ses destinations. Il s’agit donc de cultiver sous ou à côté de l’arbre, avec ce dernier comme allié. La technique est complexe car il existe bien des arbres, bien des sols, bien des climats, bien des cultures différentes. Bref, bien des paramètres à prendre en compte, explique le Pr Fadialan Dembélé, écologue et enseignant chercheur à l’Institut polytechnique rural/Institut supérieur de formation et de recherches appliquées (IPR/ISFRA) de Katibougou. Se pencher sur cette technique représente cependant une chance unique de mieux comprendre ce que l’on appelle nos agrosystèmes, c’est-à-dire les écosystèmes cultivés, estime le spécialiste. Car, qui dit arbre, dit ombre portée. Ce qui est un réel enjeu pour les décennies à venir.
Avec le réchauffement climatique, l’ombre deviendra indispensable à nos cultures. Sans ombre, c’est à la fois la photosynthèse des plantes que l’on cultive qui pourra cesser sur de plus longues périodes (de nombreuses plantes cessent de croître au-delà des 31°C). Le besoin en eau deviendra de plus en plus grand alors même que l’on en aura de moins en moins. Plus il y aura d’arbres sur terre, plus il y aura de carbone stocké et donc moins le réchauffement climatique se fera sentir, analyse le chercheur. Planter des arbres là où nous avons le plus de place, à savoir sur nos terres cultivées, c’est aussi leur donner une chance de pousser plus vite grâce à la qualité des sols et donc de travailler plus vite contre le réchauffement climatique, conseille-t-il. C’est sur cette voie que s’est lancé en 1994, Mamby Fofana, ingénieur des eaux et forêts de son état, aujourd’hui à la retraite.
Situé à 15 km du centre-ville de Bamako, le Centre de biodiversité forestière et fruitière «le verger de l’avenir», autrefois une terre latéritique fortement dégradée, dépourvue de toute forme d’infrastructure de base, est aujourd’hui une véritable forêt urbaine, un modèle de réussite de l’agroforesterie au Mali. Il s’agit d’un verger agroforestier de 2 hectares, dont la méthode de production concerne toutes les pratiques agricoles qui intègrent l’arbre et les animaux dans un environnement de production, et s’inspirent, en termes agronomiques, du modèle de la forêt. La pratique consiste à élever des animaux et à planter ou laisser pousser spontanément des arbres pour valoriser les ressources du milieu et, agir positivement sur des facteurs de production agricole aussi déterminants que l’eau, le sol, le climat, le carbone, la biodiversité.
40 tonnes de fruits par an- Ce qui était une simple passion au départ, est devenue une activité à plein temps pour le forestier. Chaussé d’une paire de baskets couverte de boue, vêtu de sa tenue de travail (tee shirt et shirt) et chapeau melon sur la tête, il nous reçoit dans le verger de l’avenir. Une visite guidée des lieux nous fait découvrir les miracles de l’agroforesterie. Une trentaine d’espèces d’arbres dont 50% de fruitiers et 50% d’arbres forestiers, est destinée à la conservation du sol, des plantes médicinales et/ou fourragères et la production de bois. La plantation produit au moins 40 tonnes de fruits par an de différentes espèces dont 95%, pour seulement les agrumes (oranges, mandarines, pamplemousses, pomelo). Pour la conservation du sol contre l’érosion due au vent et aux fortes pluies, des ouvrages de conservation des eaux et du sol sont réalisés.
Une haie vive (rideau d’arbres) épaisse entoure la ferme et crée un micro climat. «Il est formellement interdit de couper un pied d’arbre dans le verger», peut-on lire sur un écriteau plaqué à l’entrée. Seules les branches peuvent être taillées pour faire du bois de chauffe (énergie domestique) et les feuilles comme fourrage. Des cuvettes remplies de pailles sont réalisées autour des pieds d’arbres pour diminuer la consommation d’eau en conservant l’humidité et, pour mieux valoriser l’apport en fumure organique. Plusieurs espèces d’arbres sont plantées sur la même ligne pour réduire la propagation des maladies des arbres. La fumure organique est utilisée à la place de l’engrais chimique. Les insecticides biologiques (feuilles de certaines plantes) remplacent les produits chimiques. Des plantes fertilisantes (légumineuses) sont disséminées dans la plantation pour permettre la reconstruction naturelle de la fertilité du sol. L’installation de ruches autour du champ assure la pollinisation par les abeilles, des fleurs pour une meilleure production de miel et de fruits.
Les parcelles agroforestières représentent un mode de mise en valeur parcellaire distinct des parcelles agricoles et forestières traditionnelles, explique l’écologue/chercheur Fadialan Dembélé. Elles tirent parti de la complémentarité des arbres et des cultures pour mieux valoriser les ressources du milieu. Il s’agit de pratiques respectueuses de l’environnement, et ayant un intérêt paysager évident, souligne-t-il. Des formes modernes performantes d’agroforesterie sont possibles, adaptées aux contraintes de la mécanisation. Pour l’exploitant agricole, la parcelle agroforestière reste incluse dans son outil de production, et génère des revenus continus. Ce qui n’est pas le cas d’un reboisement en plein, de terres agricoles, souligne-t-il. L’agroforesterie est une pratique parcellaire qui correspond à des logiques d’exploitation agricole favorisant la diversification des activités et une meilleure valorisation des ressources du milieu. Les pratiques agroforestières ont un triple avantage.
Un protecteur des cultures- Au plan agricole, elles permettent la diversification des activités des exploitants agricoles, avec la constitution d’un patrimoine d’arbres de valeur, sans interrompre le revenu courant des parcelles plantées. Les arbres jouent un rôle protecteur pour les cultures intercalaires ou pour les animaux (effet brise-vent, abri contre le soleil, la pluie et le vent, fixation des sols, stimulation de la microfaune et de la microflore des sols). La récupération par les racines profondes des arbres d’une partie des éléments fertilisants lessivés ou drainés, enrichit le sol en matière organique par les litières d’arbres et réduit la mortalité des racines. C’est aussi une alternative aux reboisements en pleine terre agricole permettant de maintenir une activité agricole sur des terroirs dont les potentialités agricoles sont ainsi conservées.
Ces cultures d’arbres sont réversibles. La parcelle reste propre (pas d’embroussaillement) et le dessouchage est rendu facile à l’issue de la récolte des arbres (souches alignées peu nombreuses). Pour les parcelles sylvopastorales, il y a la mise à disposition d’unités fourragères pour le bétail, à des périodes complétant le calendrier de pâturage. Au plan forestier, la pratique de l’agroforesterie accélère la croissance en diamètre des arbres par le large espacement (+80% sur 6 ans). On enregistre une réduction du coût de l’investissement en cas de plantation, par la réduction du nombre d’arbres plantés sans avenir commercial. Le coût de l’entretien des plantations est très réduit par la présence des cultures intercalaires. Elle améliore la qualité du bois produit (cernes larges et réguliers), adaptés aux besoins de l’industrie. La pratique garantit le suivi et l’entretien des arbres par l’activité agricole intercalaire. En particulier, la protection contre le risque d’incendie en zone sensible avec le pastoralisme ou avec des cultures intercalaires.
Au plan environnemental, on assiste à la valorisation des ressources naturelles. La somme de la production de bois et de la production agricole d’une parcelle agroforestière est supérieure à la production séparée obtenue par un assolement agriculture-forêt sur la même surface. Cet effet résulte de la stimulation des complémentarités entre arbres et cultures dans les parcelles agroforestières. Ainsi, les mauvaises herbes spontanées présentes dans les jeunes boisements sont remplacées par des cultures récoltées ou pâturées. L’entretien est moins coûteux et les ressources du milieu sont mieux utilisées. En se substituant aux parcelles agricoles, les parcelles agroforestières constituent un outil de maîtrise des surfaces cultivées. L’intensification de l’utilisation des ressources du milieu s’accompagne d’une maîtrise des productions agricoles. Elle crée des paysages originaux, attractifs, ouverts, favorables aux activités récréatives. Les parcelles agroforestières représentent un potentiel paysager réellement novateur, porteur de symboles forts et favorables à l’image de marque des agriculteurs dans la société.
L’arbre au cœur de nos systèmes agricoles- C’est un moyen de lutte contre l’effet de serre avec la constitution de systèmes efficaces pour la séquestration du carbone, par combinaison du maintien du stock organique des sols (cas surtout des prairies), et superposition d’une strate arborée fixatrice nette, selon Fadialan Dembélé.
Le système agroforestier protège les sols et les eaux, en particulier dans les périmètres sensibles (nappes de surface, écoulements hypodermiques, zones sensibles à l’érosion). Il améliore la biodiversité, notamment par l’abondance des effets de lisières. Cela permet une performance cynégétique, en favorisant l’habitat du gibier. La protection intégrée des cultures par l’association avec des arbres choisis pour stimuler des populations d’hyperparasites (parasites des parasites) des cultures est une voie prometteuse. Ces aspects favorables sont en cohérence avec de nombreux objectifs des Lois d’orientation agricole et forestière, ainsi qu’avec les principes directeurs de la Politique agricole commune.
Malgré ces nombreux atouts de l’agroforesterie, elle reste le parent pauvre de nos systèmes agricoles soutenus par l’État, dans la mise en œuvre de la politique nationale et la Loi d’orientation agricole, regrette le chercheur. Pour faire de cette pratique le pilier de notre développement agricole durable, il faut une réelle volonté politique qui met en synergie d’actions, les parties prenantes (État, universités, communautés rurales). Ceci permettra de mettre à disposition les résultats de recherches au pouvoir politique qui, à son tour, les inclut dans la mise en œuvre de ses projets et programmes, comme la campagne nationale de reboisement annuelle dont la cérémonie officielle a été lancée hier, en les adaptant aux besoins des communautés agricoles. C’est à ce seul prix que nous gagnerons la guerre contre le réchauffement climatique.
Un arbre sert à tellement de choses dans tellement d’écosystèmes différents, qu’il faudrait un nombre incalculable d’articles de ce genre pour en parler dignement et faire réagir les décideurs politiques, suggère notre chercheur. Ses apports en matières organiques, la filtration des eaux (source de vies), l’abri pour la petite et grande faune, le perchoir pour les oiseaux, la nourriture pour les insectes, sont autant de fonctions qui le rendent indispensable à notre vie. L’arbre participe à la continuité écologique d’un territoire et à la nourriture de nos pollinisateurs domestiques qui nous donnent du miel, secret de notre bonne santé au quotidien. Alors, remettons l’arbre au cœur de nos systèmes agricoles et de nos vies.
Cheick Amadou DIA
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