Orpaillage par dragage : Le fleuve Niger se meurt, la faune aquatique presque décimée

Ces équipements sont une source de pollution chimique pour le fleuve

Publié jeudi 10 février 2022 à 07:35
Orpaillage par dragage : Le fleuve Niger se meurt, la faune aquatique presque décimée

Ces engins de fabrication artisanale, équipés d’un moteur de voiture «Mercedes 190» diesel, sont utilisés dans le lit des cours d’eau pour y extraire de l’or. Le fuel et les autres produits chimiques utilisés dans l’activité sont déversés directement dans le fleuve. En plus de la pollution hydrique, l’orpaillage par dragage perturbe l’habitat de la faune aquatique

 

L’obstination est la vertu des gagnants. Chaque matin, au lever du jour, sur les berges du Djoliba dans le quartier de Sébénicoro, en Commune IV du District de Bamako, Boukader Sinenta se rend au petit port de pêche qui s’y trouve, où mouille sa pirogue. La soixantaine révolue, grand comme deux pommes, vêtu d’un ensemble kaki, coiffé d’une casquette, le visage marqué d’amertume, il nous raconte le phénomène nouveau qu’il vit avec ses collègues pêcheurs et autres usagers du fleuve.

Prêt à embarquer pour une improbable moisson, il pointe du doigt en face, le milieu du fleuve. On observe une cohorte de machines fumantes tournant à plein régime. Avec à bord, une poignée de personnes pour le fonctionnement de la plateforme. Depuis qu’ils se sont installés ici, il y a quelques mois, notre activité de pêche a été complètement perturbée, s’indigne le pêcheur. Le bruit des machines effraie les poissons les faisant fuir plus en profondeur de l’eau. Leur capture devient difficile pour nous, déplore-t-il. On comptait plus d’une vingtaine de dragues en activité dans le lit du fleuve, ce jour-là. Cette pratique de l’orpaillage est courante dans notre pays aujourd’hui, car elle est très lucrative. Mais elle affecte la qualité des eaux, dégrade l’écosystème aquatique et assèche les fleuves.

Pour lutter contre le fléau, plusieurs actions ont été initiées par les autorités du régime défunt. Et dans un passé récent, par celles de la Transition. En janvier 2021, une mission interministérielle conduite par le ministre des Mines, de l’Énergie et de l’Eau avait effectué une mission de terrain dans la première région qui abrite la majorité des permis miniers. Il avait déclaré à cet effet, que des poursuites judiciaires seront engagées contre les administrateurs qui délivrent des autorisations relatives à l’usage de dragues sur nos fleuves.

Une lutte implacable sera menée contre les récalcitrants (s’agissant des utilisateurs de dragues) du domaine de l’exploitation minière illégale au Mali, martelait Lamine Seydou Traoré. «Ils veulent être riches, et ils sont avec démesure aveugles face au danger que peuvent causer leurs actions sur la nature», caricaturait-t-il. Comme pour défier ces menaces brandies par le gouvernement, ce sont des dizaines de dragues qui opèrent en plein jour dans le lit du fleuve, à quelques centaines de mètres de la Cité administrative.

 

L’INDIFFÉRENCE DES AUTORITÉS- Pas moins que cette distance, les séparent des bureaux de l’Agence du bassin du fleuve Niger (ABFN), situés sur la rive droite du fleuve à Bamako. Elle a pour mission la sauvegarde du fleuve Niger, de ses affluents et de leurs bassins versants, sur le territoire de la République du Mali et la gestion intégrée de ses ressources. À ce titre, elle promeut et veille à la préservation du fleuve Niger en tant qu’entité vitale du pays, protège ses écosystèmes terrestres et aquatiques. L’Agence doit assurer l’amélioration de la gestion des ressources en eau du fleuve pour les différents usages, prévenir les risques naturels et lutter contre les pollutions et les nuisances.

Contacté par nos soins pour de plus amples informations, le directeur général de l’ABFN affirme être bien au courant de la situation. Addourahmane Oumarou Touré indique que des mesures sont en cours pour trouver une solution. C’est la seule réponse qu’on a pu tirer de lui, face au danger que représentent ces engins pollueurs installés aux portes de Bamako.

Opérant en amont des trois ponts sur le Djoliba, ces orpailleurs illégaux sont la source de pollution aussi bien chimique pour le fleuve, que sonore et atmosphérique pour les riverains. Au grand dam des pêcheurs des campements bozos situés en aval, ils poursuivent leurs activités dans l’impunité totale. Abba Djénépo est un habitant du campement de pêche situé à un jet de pierre des dragues. Il affirme avoir arrêté toutes activités de pêche dans la zone depuis l’arrivée de ces «criminels», ainsi les qualifie-t-il. Avant, on ne faisait pas plus d’un kilomètre à la ronde pour pêcher. Et il y avait beaucoup de poisson, raconte notre pêcheur. Aujourd’hui, «nous sommes obligés de parcourir de très longues distances pour espérer avoir du poisson», se lamente-t-il.

À des dizaines de kilomètres en amont de la capitale malienne jusqu’à la frontière guinéenne, des milliers de dragues sont installés dans le lit du fleuve. Abdoulaye Traoré est hydrologue consultant. Il a participé à beaucoup d’études sur la qualité des eaux de surface au Mali. Selon lui, la présence des dragues sur les cours d’eaux est d’autant plus dangereuse que l’on ne dispose pas de résultats d’études d’impact environnemental, ni de statistiques de laboratoire sur la qualité des eaux. Dès lors, estime le spécialiste, il y a un véritable problème de santé publique.

Cette alerte ne semble pas alarmer les autorités en charge de la protection de nos cours d’eaux et de la préservation de ses ressources. «De nombreuses voix comme la mienne, se sont levées pour dénoncer la situation. Mais rien n’a été fait jusqu’ici», relève Toumani Sidibé, un riverain. Ce dernier fustige le comportement de nos autorités politiques empreint de négligence et d’impunité. Pour lui, l’argent a eu de l’ascendant sur les lois dans notre pays.


«Quand on est riche, on peut tout se permettre, par exemple, détruire un patrimoine commun comme le fleuve, à des fins personnelles, sans être inquiété», conclut-il. En effet, la manne financière que génère l’activité et le puissant réseau constitué par les propriétaires qui seraient de riches hommes d’affaires et certains fonctionnaires, font qu’elle a encore de beaux jours devant elle. D’ici là, nos cours d’eau se meurent. La faune aquatique disparaît peu à peu. On est à un doigt d’une catastrophe écologique si rien n’est fait.


Cheick Amadou DIA

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Semoirs, charrues de labour, pièces de rechange des tracteurs sont fabriqués par nos artisans. La plupart de ces équipements sont vendus dans les zones de production comme Kita, Sikasso, Bougouni ou Koutiala. Certains fabricants arrivent aussi à écouler leurs produits dans des pays voisins.

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