Les micros, petites et moyennes
entreprises (MPME) éprouvent des difficultés à accéder au financement bancaire
en raison des risques qu’elles représentent pour les préteurs. Pour contribuer
à la dynamisation du financement de ces entreprises confrontées à des
difficultés de trésorerie dans leur cycle d’exploitation, le gouvernement a
adopté au conseil des ministres du mercredi 26 octobre dernier, un projet de
loi relatif à l’activité d’affacturage au Mali. Ce projet de loi permettra
d’offrir des produits et services financiers variés, abordables, accessibles et
adaptés aux besoins des MPME et des start-ups.
L’affacturage est une opération par laquelle l’adhérent (entreprise) transfère par une convention écrite avec effet subrogatoire, ses créances commerciales à l’affactureur (banque ou Système financier décentralisé : SFD) qui, moyennant rémunération, lui règle par avance tout ou partie du montant des créances transférées, supportant ou non, selon la convention des parties, les risques d’insolvabilité sur les créances cédées. Il permet à l’adhérent de se procurer des fonds et constitue un moyen de recouvrement qui présente, entre autres avantages, l’optimisation de la trésorerie en réduisant l’impact des échéances de paiement, l’élimination du risque d’impayés.
Selon le
rapport de présentation du projet de loi sur l’affacturage, il s’agit d’une
technique couramment utilisée dans les pays développés. Le paysage de
l’affacturage en Afrique est nettement dominé par l’Afrique du Sud (85%), le
Maroc (10%) et l’égypte (3%). La part des pays de l’Union économique et
monétaire ouest-africaine (Uemoa) est encore bien plus faible. Le montant des
ressources accordées au titre de l’activité d’affacturage dans notre espace
communautaire représente à peine 0,4% du volume global des crédits bancaires
qui était de 8.670 milliards de Fcfa en fin septembre 2021.
L’Unité d’appui et de suivi de la stratégie de développement du secteur financier (UAS/SDSF) est une structure du ministère de l’Économie et des Finances. Elle est porteuse du dossier relatif à l’affacturage dans notre pays. Selon son chargé des banques et marchés des capitaux, l’esprit de cette loi part d’un constat qui est commun aux huit pays de l’Uemoa : 80 à 90% des entreprises au niveau de cet espace sous-régional sont des MPME.
«Partant de ce
constat, on s’est dit que soutenir financièrement ces entreprises, c’est in
fine soutenir l’économie à 90%», analyse Aliou Samaké. Face à ce constat,
poursuit notre interlocuteur, la Banque centrale des États de l’Afrique de
l’Ouest (BCEAO) a organisé en mars 2019 une concertation afin de présenter un
projet de loi uniforme sur l’affacturage qui devrait régir de façon homogène
les opérations d’affacturage effectuées au sein des pays de l’Umoa. Selon Aliou
Samaké, le Mali doit insérer cette loi dans son ordre juridique. Les prochaines
étapes de ce processus, affirme-t-il, seront l’adoption de la loi par le
Conseil national de Transition (CNT) et celle de son décret d’application.
Le chargé des banques et marchés des capitaux au niveau de l’UAS/SDSF explique qu’une opération se réalise par l’adhérent qui est une MPME et l’affactureur qui est soit une banque ou un SFD à travers la signature d’un contrat d’affacturage. Ce contrat définit les factures qui peuvent être pris en compte. Aliou Samaké précise que le SFD, avant d’avancer de l’argent à l’adhérent sur la base de ses factures, doit se faire une idée de la solvabilité des clients dont les factures doivent faire l’objet d’un affacturage. En outre, il souligne que les conditions de créance surtout en termes de délai ne sont pas modifiées. «Quand il y a transfert de créance, tous les droits liés à la créance sont aussi transférés à l’affactureur. C’est ce qu’on appelle la subrogation des droits», laisse-t-il entendre. Et d’ajouter que l’affacturage donne droit à une commission pour l’affactureur.
Mobilisation des créances- Parlant des avantages de l’affacturage pour les MPME, le chargé des banques et marchés explique que l’opération dégage l’entreprise de recouvrement. «Dans les entreprises, souvent, il y a un agent qui est chargé du recouvrement. Avec l’affacturage, si les créances sont cédées à l’affactureur, la fonction recouvrement est réduite, comme une peau de chagrin», dit-il. Pour les banques, l’avantage est que ça vient augmenter le produit net bancaire. «Plus une banque fait des prestations, elle encaisse des commissions. Ce qui diversifie les services financiers offerts», affirme-t-il. également, l’affacturage va permettre à l’entreprise (adhérent) de mobiliser ses créances auprès d’un SFD (affactureur) en attendant que les échéances de paiement n’arrivent. Aïssata Naba Coulibaly, directrice (Ceo) d’Affacto group, une fintech spécialisée dans le financement et l’accompagnement des PME-PMI, est convaincue que cette loi va soulager les entreprises.
«L’affacturage n’était pas réglementé dans l’espace Uemoa. La Bceao a essayé de recadrer les bords. Aujourd’hui, pour faire de l’affacturage, il faut être une banque... Il faut essayer de synthétiser l’activité pour que les professionnels puissent le faire et que ça soit surtout réglementée de sorte à aider les PME-PMI», plaide notre interlocutrice. Ces entreprises font en effet face parfois à des mandats qui tardent à être payés. L’affacturage permet de les accompagner «pendant ce laps de temps où les factures ne sont pas payées», selon Aïssata Naba Coulibaly. En outre, la directrice d’Affacto group souligne que cette loi va faire connaître l’affacturage au Mali et dans les autres pays où elle a été promulguée.
Déjà, dit-elle, une grande majorité des PME-PMI n’est pas bancarisée. «Même celles qui sont bancarisées n’ont pas forcément accès au crédit. Et l’affacturage est la solution à ce problème, parce qu’il peut servir à financer les entreprises qui sont dans le formel ou un peu dans l’informel», commente-t-elle. Aïssata Naba Coulibaly demande à l’État de les accompagner. «Quand on parle de facture, on parle aussi de mandants de l’État parce que ce sont aussi des factures. Donc, on peut accompagner aussi les opérateurs de l’État en finançant leurs mandants, en attendant que l’État nous rembourse», indique la Ceo d’Affacto group.
Amadou SOW
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