#Mali :Album photos : Un patrimoine inestimable

Les téléphones portables et les ordinateurs offrent la possibilité de disposer d’une galerie virtuelle pour stocker ses images en souvenir des évènements vécus individuellement ou collectivement. Mais l’album photos est un témoin scrupuleux des changements socioéconomiques et culturels d’une famille et même d’une communauté

Publié lundi 19 février 2024 à 07:42
#Mali :Album photos : Un patrimoine inestimable

Il permet de retracer les différentes étapes de la vie d’un individu, mais aussi d’une famille

 

Les téléphones portables et autres ordinateurs offrent la possibilité de disposer d’une galerie virtuelle pour sauvegarder des images et autres fichiers en souvenir. Cet état de fait a engendré une perte de vitesse des albums photos. Pourtant, certains spécialistes de la photographie analogique s’accordent à dire qu’un album photos peut être gardé jusqu’à 100 ans.

L’apparition des albums photos remonte, selon certaines sources, à l’arrivée des premiers Missionnaires en Afrique de l’Ouest. C’était une fierté pour tout un chacun d’avoir un album photos en cette époque. Mais c’était surtout considéré comme un signe de bourgeoisie. Ce classeur de poses en souvenir des moments de joie voire de tristesse est un témoin de l’évolution de notre société et un patrimoine inestimable. 

La romancière française Anne-Marie Garat explique mieux le sens de l’album photos dans un passage de son livre intitulé : «Photos de familles». Pour elle, c’est à la fois mémorable et historique. «La photo de famille obéit à la mémoire de soi et des siens, interroge l’autobiographie. Elle convoque l’origine, la filiation, l’appartenance et l’identité et établit un des liens les plus intenses avec l’histoire privée et l’histoire collective, d’où son rôle social».

Selon plusieurs documents, un album photo est un outil permettant aux sociologues de faire un diagnostic de l’évolution de la mode, des sociétés. C’est un indicateur qui permet d’apprécier les différentes mutations d’une société.

Si la population des années 50 a souhaité garder leurs photos de familles et de souvenir dans les albums, le développement des Nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) a permis à la nouvelle génération d’opter pour les supports numériques. C’est ce qui explique l’utilisation des supports comme les téléphones mobiles, les clés USB et autres disques durs pour archiver des photos en souvenir des évènements vécus par les uns et les autres soit individuellement, soit collectivement.

Pour Fatoumata Traoré, monitrice dans un jardin d’enfants, il est plus facile de circuler avec les images en version numérique. «Je n’ai pas besoin d’aller à la maison chercher des photos de mes parents, de ma famille ou de ma promotion de la 9è année pour les montrer aux gens. Un clic sur la galerie photos de mon téléphone me permet de visionner les images», a expliqué la monitrice de jardin d’enfants. Un jeune policier en faction accepte de verser son avis dans le débat. «Peu importe le support d’un album de photos, l’essentiel est de retracer les instants importants de la vie», soulignera-t-il.

Tangara, enseignant à la retraite, trouve qu’un album photos est un témoin scrupuleux qui note les changements socioéconomiques et culturels d’une famille et même d’une communauté. Mais il s’interroge : l’évolution des NTIC pourrait-elle détourner définitivement les amateurs des supports physiques, notamment des albums de familles vers une transition numérique ?

Diby Dembélé, photographe et promoteur du Centre de formation en photographie (CFP de Missabougou), met un accent particulier sur l’importance d’un album photographique dans une famille. Pour ce praticien de l’art de Niepce et Nicéphore, un album est un assemblage d’images qui permet à une famille, à un groupe de génération ou même une administration de fixer pour l’éternité les instants vécus et de s’en servir comme des témoins.


Selon lui, l’album photographie est un patrimoine inestimable qui permet de retracer les différentes étapes de la vie d’un individu, mais aussi d’une famille. Il exprime ses inquiétudes par rapport à l’abandon des albums physiques au profit des galeries numériques dont les conditions de conservation ne sont pas encore maîtrisées de façon évidente par la population.

 

GRANDE NOTORIETÉ- La particularité d’un album est la sensation et la composition des images par ordre d’importance ou chronologique. Ce qui était fait avant par le photographe, qui était tout. Il faisait la prise de vue, le tirage et la composition de l’album. Ce qui a même donné une grande notoriété à certains pionniers de la profession, notamment les photographes, feux Malick Sidibé, Abderahamae Sakali et Seydou Keïta. Ceux-ci ont donné à la photographie dans notre pays ses lettres de noblesse. Et d’inviter les jeunes a continuer de conserver et constituer leurs albums pour retracer les grands moments de leur vie comme la soutenance, l’anniversaire, le baptême, le mariage et autres jours des fêtes.

Mme Konaré Sélimata Traoré explique aussi la sensation ressentie en face d’un album. «Je possède l’album de mon mariage que je regarde souvent avec des parents ou amis qui ont raté cette belle journée inoubliable de ma vie», dit la nouvelle mariée. Mon album est donc un témoin qui m’aide à reconstruire cette journée inoubliable. Et aussi une preuve d’amour d’un époux envers sa femme et inversement.

 Mme Koumaré Bintou Bouaré de dire que l’album photos était d’abord un signe de noblesse dans le temps. Ce trésor était dans les années 50 réservé à ceux qui avaient les moyens ou quelques intellectuels proches ou au service du colonisateur. C’est aussi un témoin des grands événements dans la famille comme les baptêmes, mariages ou anniversaires. «Après 58 années de mariage, je garde toujours mon album bien que les images sont en noir et blanc», déclare-t-elle. Mes photos de mariage sont empilées dans un album en souvenir de mon union avec mon époux et aussi pour raconter un pan de mon passé.

Moussa Kanouté, âgé de 67 ans, affirme que rien ne peut remplacer un album. «Je garde toujours mes albums depuis mon jeune âge et je les revisite de temps en temps pour me faire une idée de ce qu’a été ma jeunesse, mais aussi me souvenir des amis et parents qui ne sont plus de ce monde», a explique cet interlocuteur. C’est le seul moyen de conserver pendant plusieurs décennies les différentes générations d’une famille en passant par les grands-parents jusqu’au petits-fils. Au-delà de son caractère social, un album est aussi un témoin du temps qui permet à un homme de se situer dans le travail à travers les modes ou accoutrements des personnes photographiées.

À travers les images, on peut déterminer la période et même le temps d’une mode comme la coiffure «Afro» ou «Pattes éléphant», explique Oumou Diabaté, monitrice qui a fait valoir ses droits à la retraite à Kita. Elle garde toujours son album de mariage ainsi que les images de certains événements depuis près de 50 ans. «Parfois, je le regarde avec mes enfants et petits-enfants sans complexe et je leur expliquer le contexte de chaque image et les liens entre les personnes qui y figurent», explique-t-elle.

L’ancien chargé de cours du patrimoine culturel à l’Institut national des arts, Cheik Oumar Maïga, explique l’importance et le rôle de l’album photos dans la cohésion sociale. Pour cet enseignant à la retraite, l’album est un objet impératif dans la vie de chaque couple, chaque famille. Selon lui, c’est un élément du patrimoine culturel qui permet à une famille ou communauté de reconstituer sa lignée généalogique. L’ancien technicien de la direction nationale du patrimoine explique que l’album photographie est un document de témoignage historique. Les images rassemblées dans le document peuvent permettre à l’historien ou ethnographe chercheur de remonter les faits, reconstituer certains phénomènes sociaux. En plus, il joue un rôle fédérateur et de socialisation au sein d’une famille. 

Malgré l’évolution des nouvelles technologies, l’album photographique demeure un patrimoine inestimable pour la reconstitution des archives. Bien qu’il soit un peu dans l’oubli avec l’avènement de la téléphonie mobile et des ordinateurs qui offrent des galeries virtuelles, l’album photographique restera toujours dans les armoires. Par contre, les religieux voient la question d’un autre œil.

L’iman d’une moquée de la capitale estime que «nous devons préserver notre intimité». Pour lui, les photos exposent le corps et cela n’est pas toléré par la religion, notamment l’islam. 

Amadou SOW

Lire aussi : Biennale artistique et culturelle, Tombouctou 2025 : Koulikoro n’entend pas faire de la figuration

Le gouverneur de la Région de Koulikoro, le Colonel Lamine Kapory Sanogo, a présidé, vendredi dernier dans la salle de conférence du gouvernorat, une réunion sur les préparatifs de la prochaine Biennale artistique et culturelle qui doit se tenir en décembre à Tombouctou..

Lire aussi : Festival international Triangle du Balafon : Un nouveau souffle de vie

La 9è édition de ce rendez-vous du balafon, un instrument mythique propre à certaines communautés africaines, se tiendra sous le thème : «Le Balafon, symbole de la transformation sociale dans un nouvel espace souverain». Rendez-vous est pris du 9 au 11 octobre prochains dans la capitale du K.

Lire aussi : Tourisme : Des sites et des guides maintiennent l’espoir à Bamako

Il se nomme Aly Guindo, mais tout le monde l’appelle par le sobriquet Waka qui signifie «vient en mossi». Sa profession : guide individuel, une activité qu’il exercice depuis 2013 et qui fait aujourd’hui de lui un acteur presque incontournable du tourisme national..

Lire aussi : Nuit du textile africain : Rendez-vous pour le 8 septembre au CICB

La capitale malienne (Bamako) accueillera la 2è édition de la Nuit du textile africain (NTA). Elle se tiendra du 8 au 14 septembre prochain sous le thème : «Textiles africains : impacts culturels et économiques»..

Lire aussi : Année de la culture : Mimi Pedro habille désormais les présentatrices du dimanche

Le moins que l’on puisse dire est que «2025, décrétée Année de la culture» fait des émules. Depuis janvier dernier, les présentateurs et présentatrices du JT de 20h du dimanche sur les antennes de l’Ortm s’habillent en made in Mali..

Lire aussi : San : La phase locale de la Biennale artistique et culturelle évaluée

Les forces vives du Cercle de San ont procédé, jeudi dernier à l’évaluation de l’organisation de la phase locale de la Biennale artistique et culturelle qui s’est déroulée du 22 au 24 juillet dernier dans la région..

Les articles de l'auteur

Festival international Triangle du Balafon : Un nouveau souffle de vie

La 9è édition de ce rendez-vous du balafon, un instrument mythique propre à certaines communautés africaines, se tiendra sous le thème : «Le Balafon, symbole de la transformation sociale dans un nouvel espace souverain». Rendez-vous est pris du 9 au 11 octobre prochains dans la capitale du Kénédougou.

Par Amadou SOW


Publié lundi 01 septembre 2025 à 08:49

Préparatifs de la Biennale artistique et culturelle : La Commission d’organisation fait l’inventaire

La Commission nationale d’organisation (CNO) de la Biennale artistique et culturelle de Tombouctou 2025 s’est réunie, vendredi dernier dans la salle de conférence du ministère de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie hôtelière et du Tourisme, pour faire le point des préparatifs de la prochaine Biennale prévue en décembre dans la Cité des 333 Saints..

Par Amadou SOW


Publié mardi 26 août 2025 à 09:12

Le Pacte colonial : Une série télévisuelle qui dénonce les 11 accords coloniaux

Ce feuilleton comporte 33 épisodes dont 11 en bamanakan, autant en haoussa et en mooré. Une version du film a été remise à chaque pays de la Confédération AES.

Par Amadou SOW


Publié lundi 25 août 2025 à 08:49

Photographie : L’Amap et la Map consolident leur collaboration

En marge de la célébration de la Journée mondiale de la photographie, l’Agence malienne de presse et de publicité (Amap) et la Maison africaine de la Photographie (Map) ont décidé de cheminer ensemble bras dessus, bras dessous. Les deux structures ont signé, hier au siège de la Map, une convention de partenariat..

Par Amadou SOW


Publié mercredi 20 août 2025 à 10:09

Journée mondiale de la photographie : Des clichés illustrent le Mali kura

Dans le cadre de la célébration de la journée mondiale de la photographie, le 19 aout, la Maison africaine de la photographie (Map) a organisé une exposition nationale à la suite d’un appel à candidatures intitulé : «Yèrèrya sira» sous le thème : «Nos identités comptent»..

Par Amadou SOW


Publié mercredi 20 août 2025 à 10:05

Caravane d’Alphadi pour la paix : Une belle initiative de consolidation du vivre ensemble au Sahel

Exposition des artistes plasticiens, défilé de mode, prestation d’artistes de musique traditionnelle, démonstration des maques dogons, défilé de chameaux et récompense des meilleurs stylistes. Tel était le menu de la Caravane d’Alphadi pour la paix qui s’est déroulée du 15 au 16 aout dernier au Musée national du Mali..

Par Amadou SOW


Publié mardi 19 août 2025 à 08:52

Journée mondiale de la photographie : Le clou sera une exposition de la MAP

L’exposition nationale, initiée par la Maison africaine de la photographie (MAP), dans le cadre de la célébration de la Journée mondiale de la photographie, s’ouvre demain mardi dans notre pays sous le thème « Yèrèya Sira ». Ce rendez-vous de la photographie fait désormais partie de l’agenda de notre pays depuis plusieurs années. Il s’inscrit parfaitement dans la vision des autorités de la Transition pour la renaissance culturelle..

Par Amadou SOW


Publié lundi 18 août 2025 à 10:11

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner