#Mali : Azawad, épopée sanglante d’un mythe

L’affirmation dans le défunt Accord d’Alger-2015 que «l’Azawad recouvre une réalité socio-culturelle, mémorielle et symbolique partagée par différentes populations du Nord du Mali» (Titre I, Chapitre II, Paragraphe 2) est une supercherie, une falsification de l’histoire !

Publié dimanche 06 octobre 2024 à 15:54
#Mali : Azawad, épopée sanglante d’un mythe


 Il faut en finir avec la politique du «moussalakha» et, entre Maliens, se dire «les vérités essentielles qui «font rougir les yeux mais ne les crèvent pas» : en termes de peuplement, Arabes et Touaregs sont les derniers arrivés dans le Septentrion. Nomades, ils n’y ont construit aucune entité politique historiquement attestée ! Cela «leur dénie le droit de revendiquer une quelconque souveraineté sur un territoire qui a été occupé des milliers d’années avant eux par d’autres communautés qui ne l’ont jamais abandonné» (Kaman Ibrahima Sidibé : Réflexion sur la question touarègue, in Mali-Actu, 23-09-2014).


Convenons avec Kaman I. Sidibé que ceux qui ont des droits coutumiers ancestraux sur le Septentrion sont, chronologiquement, les Soninkés qui ont possédé et administré la région pendant huit siècles (3è au 11è siècle), les Mandenkas (13è au 15è siècle) et les Sonrhaïs (14è au 16è siècle). Rappelons que ces régions doivent leur grandeur à l’empereur Kankan Moussa qui y a construit les grandes mosquées de Gao, Tombouctou (Djingareyber), le Centre universitaire de Sankoré et y assuré la sécurité collective indispensable à toute prospérité.

Même les inconditionnels de la cause touarègue le concèdent : «L’Azawad est une illusion (…) une absurdité politique. Ça n’a jamais existé», dixit Nicolas Normand, ambassadeur de France au Mali, 2002-2006 (R-Médias, 31-01-2022- https://fb.watch/aTVzxn75oF/). En réalité, cette zone désigne une «cuvette» d’environ 350 km², située entre Tombouctou et Arawane, connue de quelques autochtones seulement. «L’Azawad politique» est un mythe, du grec mythos signifiant «récit imaginaire», inventé par les rebelles touaregs et les médias français dans les années 1990. 

 

Le Mythe, la Lettre du Cadi et l’OCRS

La «Lettre du Cadi de Tombouctou», Mohamed Mahmoud Ould Cheikh, participe de ce mythe fondateur. Datée du 30 mai 1958, elle aurait été envoyée au général de Gaulle en 1960, au nom des «chefs coutumiers, des notables et commerçants de Tombouctou, Gao et Goundam». En substance, la Lettre vient : «réitérer très respectueusement notre Pétition du 30 octobre 1957 en sollicitant votre haute bienveillance une suite très favorable». Prêtant allégeance à la France : «Nous sollicitons votre haute intervention équitable pour être séparé politiquement et administrativement et le plus tôt possible d’avec le Soudan Français pour intégrer notre pays et sa région Boucle du Niger au Sahara français dont faisant partie historiquement, sentimentalement et ethniquement».

Coïncidence ! La France cherchait justement à s’approprier cette partie du Sahara. En effet, avec les deux grandes guerres, les Français avaient bien compris l’importance stratégique de l’Afrique : réservoir de soldats, de travailleurs et de matières premières. Aussi rêvaient-ils de construire «l’Eurafrique». D’où l’idée, dans les années 1950, de faire quatre «Zones d’organisations industrielles africaines» (2 au Sahara, 1 en Guinée et 1 à Madagascar).

Trouver des «Africains amis» devenait urgent, d’autant plus que la révolte grondait dans les colonies : après la défaite de Diên Biên Phu (Vietnam) en 1954, la guerre éclata en Algérie la même année. «Pour éviter que le pétrole du Sahara algérien – et l’uranium dont on commence à suspecter la présence au nord du Niger – n’échappe à la France, le gouvernement Guy Mollet remet au goût du jour une idée qui a fait son chemin depuis le début des années 1950 : le remembrement du Sahara (…) et son rattachement direct à Paris» (L’Empire qui ne veut pas mourir, ouvrage coll. Seuil, Paris 2021 : P-215). D’où la loi du 10 janvier 1957, parrainée par Houphouët Boigny, créant l’Organisation commune des régions sahariennes (OCRS) comprenant les régions du Sud algérien, les zones nord du Soudan (Mali), du Niger, du Tchad et de la Mauritanie.

Ainsi, historiquement la Lettre du Cadi n’est que le résultat d’une manipulation des autorités françaises. En outre, elle comporte des falsifications historiques : selon le Cadi, «Nos ancêtres sahariens… avaient conquis l’Afrique du Nord (…) et l’Afrique Noire» ; et les «Touaregs et Arabes nomades» avaient créé les «grandes villes sahariennes» [en Afrique du Sud, les Blancs prétendaient aussi avoir construit les murailles de pierre du Zimbabwe]. D’où leur «opposition formelle au fait d’être compris dans un système autonome ou fédéraliste d’Afrique noire ou d’Afrique du Nord», et la demande de rattachement à «Notre patrie la France» et notre volonté de «rester toujours français musulmans...» (La Lettre du Cadi…). En 1991, un leader de la rébellion reprenait à son compte ses errements : les Touaregs sont des «Blancs» qui ne doivent pas vivre sous la domination des Noirs (Le Monde, France, 1-2 décembre 1991).

 

Valet de la géopolitique occidentale

La cause de l’Azawad est soutenue par cette frange suprématiste et anti-démocratique : elle ne rejette pas l’esclavage et veut gouverner la majorité noire (90% de la population) du Septentrion par la force. Sans soutien local, elle est devenue le bras armé de la Françafrique. D’où, dans les années 1990, la volonté de transformer le mythe en réalité après l’échec de 1963, la  promotion de cette cause par les médias français, et la création de différents mouvements : Mouvement populaire pour la libération de l’Azawad (1988), Mouvement populaire de l’Azawad (1991), Front populaire de libération de l’Azawad (1991), Front islamique arabe de l’Azawad (1991), Armée révolutionnaire de libération de l’Azawad (1991), etc.

Ces groupuscules étaient tous d’obédience tribale, comme si chaque tribu voulait sa part du gâteau. La «trans-tribalisation» viendra avec la collusion entre rebelles, bandes armées et narco-trafiquants, transformant le Septentrion malien en une zone de non-droit où les voyageurs, les forains étaient détroussés et tués, les Européens pris en otage ! Ce sera le début de l’épopée sanglante !

Après la pause du Pacte national (1992) et la Flamme de la paix (1996), la hache de guerre déterrée en 2006 n’a plus été enterrée. Il y a eu de nouvelles recrues : les «intégrés du Pacte national» (les rebelles recrutés dans les Forces de défense et de sécurité au nom de la réconciliation nationale), les islamistes-salafistes rescapés de la guerre civile algérienne (1992-2002) et les mercenaires touaregs recrutés par la France en Libye.

 Cette horde a déclenché la guerre en 2012 sous la bannière du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), la face présentable d’une nébuleuse de desperados violents qui sèment ruine et désolation au Sahel : massacres, destruction de bâtiments, de ponts, d’écoles, de mausolées, de bibliothèques, amputation de mains, de pieds et viol de femmes. L’escalade dans l’horreur a conduit au «Crépuscule sanglant sur Aguelhok» : «Le 21 janvier [2013], les rebelles annoncent qu’Aguelhok est entre leurs mains. (…) La garnison agonise, mais tient toujours. Finalement, l’assaut est donné le 24 janvier vers 05h00. Les militaires n’ont plus de cartouches ; ils déposent les armes. (…) Ceux qui se rendent sont alors ligotés. La plupart d’entre-eux sont exécutés peu après, à commencer par le capitaine Sékou Traoré : une balle dans la nuque ou égorgés» (Jeune Afrique, 21 octobre 2013).

Témoignage du président Amadou Toumani Touré [Le Figaro (France), 15 mars 2012] : «Les soldats qui se sont battus vaillamment ont été faits prisonniers. Lorsque le MNLA a quitté les lieux nous avons découvert une tragédie (…) Les Noirs avaient les poignets ligotés dans le dos.

Ils ont été abattus par des balles tirées à bout portant dans la tête. Ceux qui avaient la peau blanche, les Arabes et les Touaregs, ont été égorgés et souvent éventrés.» Bilan : 153 exécutés. D’après plusieurs sources : le MNLA, Ansar Eddine et Aqmi ont combattu ensemble à Aguelhok, sous le commandement d’un «intégré du Pacte national», le colonel Ba Ag Moussa.

Depuis, que de sang, de larmes, de massacres au nom du mythe de l’Azawad : Koulogon, Ogossagou, Sobane-Da, Sangha, Madougou, Yoro, Sévaré, Diallassagou, Bandiagara, Gao, Kidal, le «Bateau Tombouctou», etc. ! Des centaines de milliers de «Déplacés internes». Des centaines de milliers d’enfants déscolarisés depuis plus d’une décennie. Même situation au Niger et au Burkina Faso.

Les États du Sahel central, ont subi plus de 3.000 victimes, en moyenne par pays, entre 2019 et 2023. C’est «la région la plus touchée [en Afrique sub-saharienne] qui a enregistré presque la moitié des victimes du terrorisme dans le monde et 26% des attaques en 2023» ; car le Sahel héberge aujourd’hui les groupes terroristes les plus violents au monde : le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans d’Iyad Ag Ghaly (GSIM), affilié à l’État islamique, Aqmi, Al Mourabitoune et la Katiba Macina. L’épicentre de l’extrémisme violent s’est ainsi déplacé du Moyen-Orient vers le Sahel central (Global Terrorism Index-2024-web-290224). «Rebelles» et terroristes se battent sous la même bannière et avec des bailleurs et commanditaires communs !

Les déclarations (avril 2024) du général français, François Lecointre, indiquent que tout cela fait partie de la stratégie de recolonisation. Déjà en 2013, avant de déclencher la guerre, selon un responsable du MNLA reçu par les autorités françaises en novembre 2012, la France «nous avait donné son feu vert pour l’indépendance de l’Azawad» (Hama Ag Mahmoud, in lecourrierdusahara.com, 17-01-2014). Et les services secrets français (la direction générale de la sécurité extérieure) fournissaient le MNLA en carburant et armes (Le Monde 15 août 2013).

 

Instrument de reconquête du Sahel

Les récents événements de Tinzawatène confirment l’engagement de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) aux côtés de la France et des terroristes pour occuper le Sahel Central. L’Occident y convoite les immenses ressources potentielles ; les islamistes rêvent d’y installer un Califat. La prétendue intervention de l’Ukraine cache mal la main de l’Otan : comment l’Ukraine, qui n’a ni munitions, ni chaussures pour ses propres soldats, peut-elle intervenir au Mali ?

Cette implication directe de l’Otan explique pourquoi les pires exactions commises contre les populations maliennes (comme l’attaque du Bateau Le Tombouctou) ne sont pas condamnées par la bonne conscience occidentale des droits de l’Homme.

 Ces exactions font partie de la stratégie car la région intéresse les commanditaires, pas les populations qui y vivent. «L’Afrique sans les Africains» (livre d’Antoine Glaser et Stephen Smith), n’est-ce pas «Le Rêve blanc du continent noir» ? Reconquérir les positions perdues par tous les moyens, y compris les forces de l’Otan, propose le général Lecointre.

Malgré tout cela, de soi-disant intellectuels maliens et des militants de la société civile, insensibles aux drames et enjeux de cette crise, écoutent les chants des sirènes étrangères ! Ces sirènes qui ont toujours entonné, pour les nègres décérébrés, l’hymne de la trahison et de la division qui, jadis, avaient affaibli la résistance à la colonisation !

 

Y. Togora, freelance

Rédaction Lessor

Lire aussi : Contribution : À ceux qui veulent enterrer la transition malienne, qu’ils sachent : elle marche encore !

Certains rapports occidentaux tentent désespérément de faire croire que le Mali serait une « république en ruine », une «transition sans cap», un pays «sous tutelle russe» condamné à l’isolement. Ce récit, souvent répété, ignore la logique interne d’un processus souverain qui.

Lire aussi : Ouélessébougou : Élaboration de livrets pédagogiques des classes de la 1ère et 2ème années

Lancé depuis le mois de septembre, par la Direction nationale de la pédagogie (DNP) avec l’appui technique et financier du Projet d’amélioration de la qualité et des résultats de l’éducation pour tous au Mali (Miqra), l’atelier d’élaboration et de validation des livrets pédagogique.

Lire aussi : Mopti : La solidarité agissante du gouverneur

Dans le cadre des activités de la 30è édition du Mois de la solidarité et de la lutte contre l’exclusion, le gouverneur de la Région de Mopti, le Général de brigade Daouda Dembélé a respecté la tradition en rendant visite, mercredi 15 octobre, aux deux personnes les plus âgées de la Co.

Lire aussi : Gao : Des mesures strictes contre l’exploitation illicite du site minier de N’Tahaka

Suite à la recrudescence de l’insécurité dans la Région de Gao, des mesures strictes ont été prises concernant les activités illicites sur le site minier de N’tahaka, situé à une cinquantaine de kilomètres de la Commune urbaine de Gao..

Lire aussi : Syndicalisme : Le Synabef outille ses militants

Le Bureau exécutif national du Syndicat national des banques, assurances, établissements financiers, microfinances, entreprises pétrolières et commerces du Mali (Synabef), en partenariat avec la Fondation Friedrich Ebert Stiftung (FES), forme depuis hier ses membres..

Lire aussi : Sécurisation des espaces publics : Une feuille de route commune en ligne de mire

La Cellule de suivi de la Politique nationale de la ville a tenu, hier à la Direction nationale de l’urbanisme et de l’habitat, une journée de concertation consacrée à la sécurisation des espaces publics dans le District de Bamako et dans certaines localités de la Région de Koulikoro..

Les articles de l'auteur

L'UNASAM dénonce les collectes de fonds frauduleuses au nom des supporters

Le vice-président de l’UNASAM, Cheickna Demba Dans un communiqué datée u 15 octobre dont copie a été déposée à notre Rédaction, l'Union nationale des associations de supporters des Aigles du Mali (UNASAM), alerte l'opinion publique et les partenaires du sport malien sur des pratiques qu'elle qualifie d'usurpation et de recherche de fonds à des fins personnelles dans la perspective de la phase finale de la CAN, Maroc 2025..

Par Rédaction Lessor


Publié vendredi 17 octobre 2025 à 12:50

Ouélessébougou : Élaboration de livrets pédagogiques des classes de la 1ère et 2ème années

Lancé depuis le mois de septembre, par la Direction nationale de la pédagogie (DNP) avec l’appui technique et financier du Projet d’amélioration de la qualité et des résultats de l’éducation pour tous au Mali (Miqra), l’atelier d’élaboration et de validation des livrets pédagogiques destinés aux premières classes du fondamental s’est bouclé, lundi dernier, dans la salle de réunion du Centre féminin de formation et d’appui au développement rural (CFADR) de Ouélessébougou..

Par Rédaction Lessor


Publié vendredi 17 octobre 2025 à 12:45

Communiqué du conseil des ministres du 15 octobre 2025

Le Conseil des Ministres s’est réuni en session ordinaire, le mercredi 15 octobre 2025, dans sa salle de délibérations au Palais de Koulouba, sous la présidence du Général d’Armée Assimi GOITA, Président de la Transition, Chef de l’Etat..

Par Rédaction Lessor


Publié jeudi 16 octobre 2025 à 13:47

Compléments alimentaires : Pas sans risque

À l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation célébrée aujourd’hui, nous nous sommes intéressés au commerce de ces produits, présentés comme miraculeux. Pourtant leur prise prolongée, sans l’avis d’un professionnel de santé, est déconseillée.

Par Rédaction Lessor


Publié jeudi 16 octobre 2025 à 13:38

Youwarou : Une forte riposte contre l’épidémie de diphtérie à Kormou

L’épidémie de diphtérie a été déclarée au début d’octobre à Kormou, Commune de Dongo (Cercle de Youwarou). La campagne de riposte contre cette maladie s’est déroulée du lundi 6 octobre au vendredi 10 octobre. Les résultats de cette campagne indiquent que sur une population cible de 12.774 enfants de 0 à 15 ans, 13.338 ont été vaccinés soit un taux de couverture vaccinale de 104, 81%..

Par Rédaction Lessor


Publié jeudi 16 octobre 2025 à 13:31

Mois de la solidarité : Le préfet de Kati rend visite aux aînés

Remise d’un don composé de cola, natte, matelas, couverture, moustiquaire, sac de riz et d’une enveloppe symboliqueDans le cadre du Mois de la solidarité et de la lutte contre l’exclusion, le préfet du Cercle de Kati, Harouna Diarra, s’est rendu, mardi dernier au domicile de Mme Sega Soucko à Kati Farada..

Par Rédaction Lessor


Publié jeudi 16 octobre 2025 à 13:30

Fonds de soutien patriotique : Plus de 142 milliards de FCFA mobilisés au 30 septembre 2025

Le Fonds de soutien patriotique (FSP) poursuit sa dynamique de mobilisation nationale. Selon les chiffres publiés par le Comité de gestion, le vendredi 10 octobre, les recettes cumulées du FSP ont atteint 142.603.529.418 Fcfa au 30 septembre 2025, confirmant la forte adhésion des Burkinabè à cet instrument de solidarité nationale..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 15 octobre 2025 à 08:37

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner