#Mali : Dr Aly Tounkara sur les évènements de Tinzawatène : «La crise entre la Russie et l’Ukraine est aujourd’hui présente dans le dossier malien»

L’expert du Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel livre son analyse sur l’attaque lâche et barbare des terroristes contre les Forces armées maliennes et leurs partenaires russes dans cette localité du Nord du Mali. D’après lui, l’Ukraine va

Publié lundi 12 août 2024 à 17:23
#Mali : Dr Aly Tounkara sur les évènements de Tinzawatène : «La crise entre la Russie et l’Ukraine est aujourd’hui présente dans le dossier malien»

davantage se décrédibiliser sur la scène internationale en apportant son soutien à ces assaillants. Tout comme l’Algérie et la Mauritanie doivent cesser leur jeu de cache-cache avec la nébuleuse

 

 

Fin juillet, les Forces armées maliennes (FAMa) ont fait l’objet d’attaques de la part d’une coalition des terroristes à Tinzawatène, à la frontière algérienne. Il y a eu un nombre important de pertes en vies humaines et matérielles, selon un communiqué de l’état-major général des Armées. Dans la foulée, des informations ont circulé sur un éventuel soutien extérieur aux assaillants. Par la suite, des officiels ukrainiens ont ouvertement reconnu le soutien de leur pays aux terroristes responsables de cette attaque contre les FAMa et leurs partenaires russes.

Quelles peuvent être les conséquences du soutien de l’Ukraine à des groupes terroristes? à quoi devrait -on désormais s’attendre avec cette nouvelle donne dans la crise sécuritaire qui secoue le Mali depuis plus d’une décennie ?  Des questions sur lesquelles Dr Aly Tounkara, expert sur les questions de défense, de sécurité et de paix au Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel (CE3S), se prononce.

D’entrée de jeu, l’enseignant-chercheur explique que les évènements de Tinzawatène sont une illustration parfaite de toutes les hypothèses qui incriminaient la main de l’étranger dans l’exacerbation des tensions à la fois entre les groupes terroristes, les groupes indépendantistes et l’État du Mali. Au-delà de cette exacerbation de tension, Dr Aly Tounkara dira que ces évènements interrogent la sincérité des pays voisins. Selon lui, lorsque des pays frontaliers ne jouent pas franc-jeu, naturellement ils peuvent constituer une sorte de réservoir ou de quartier général pour les entrepreneurs de la violence.

Au-delà des affrontements violents auxquels l’on assiste entre l’Armée malienne et les groupes radicaux violents à Tinzawatène, le chercheur estime que ce sont aussi des questions de frontières et de géopolitique qui sont soulevées et évoquées. D’après lui, il s’agit de comprendre combien la crise en Ukraine s’est clairement transportée ou a migré vers le Sahel.


«Cette crise entre la Russie et l’Ukraine est aujourd’hui présente dans le dossier malien», a indiqué l’expert du CE3S, qui ajoute que le soutien factuel que l’Ukraine a apporté aux groupes terroristes et aux anciens indépendantistes est un témoignage éloquent que ce pays est dans une entreprise peu orthodoxe dans le Sahel au nom de la lutte contre le terrorisme et du positionnement géopolitique.

 

TOURNANT CAPITAL-  Pour le spécialiste, cette irruption de l’Ukraine dans le Nord du Mali constitue un tournant important dans la lutte contre le terrorisme. «Dorénavant, l’ennemi a trois visages : un visage indépendantiste, un visage terroriste et un visage géopolitique», a analysé Dr Tounkara, estimant que ces trois visages réunis vont clairement rendre le conflit davantage complexe et dynamique à l’encontre de l’État du Mali. D’où la nécessité aujourd’hui de jouer sur tous les leviers possibles et trouver une sorte de pondération entre l’urgence sécuritaire et la nécessité d’avoir un certain nombre d’alliés, en l’occurrence l’Algérie et la Mauritanie.

Aly Tounkara précisera que quels que soient les efforts consentis en termes d’équipements, de formation des hommes et même de collecte de renseignements, tant que le soutien de ces deux États n’est pas acquis, ils ne vont pas jouer franc-jeu. Et il sera donc difficile d’arriver à bout de la nébuleuse.

Au-delà des affrontements violents entre l’Armée malienne et les groupes terroristes, il a indiqué que le combat doit être aussi mené sur le plan diplomatique en vue de rapprocher la position du Mali à celle de l’Algérie et de la Mauritanie. Le chercheur de dire que des informations factuelles laissent entendre que l’Algérie, à défaut d’être un soutien à ces groupes terroristes, fermerait les yeux sur leurs actions. Avec cet état de fait, dira-t-il, on ne peut obtenir un résultat satisfaisant que par les canaux diplomatiques.

«Les armes à elles seules auront du mal à avoir raison sur ces enjeux frontaliers, sur ce climat tendu du point de vue diplomatique entre le Mali et l’Algérie et entre le Mali et la Mauritanie à certains égards», a-t-il prévenu Dr Aly Tounkara. Pour lui, parallèlement à la lutte contre le terrorisme, il est de la responsabilité de l’État du Mali de faire en sorte que la diplomatie soit plus offensive positivement. Au nom de la realpolitik, il a conseillé même de faire entorse à certaines valeurs de souveraineté en vue de se positionner vis-à-vis de l’ennemi.

 

UKRAINE PERDANTE- Le chercheur observe que le soutien affiché de l’Ukraine à des groupes terroristes va plutôt avoir des conséquences sur elle-même. Cependant, il estimera que pour le Mali, il n’y a pas de conséquences à ce stade, car notre pays ne compte que quelques étudiants en Ukraine à titre privé. Mais pour le cas de l’Ukraine, Aly Tounkara a déclaré que ce pays va avoir affaire à certains de ses alliés. D’après lui, avec ce soutien affiché aux terroristes, il ne serait pas étonnant que certains parlementaires des pays occidentaux demandent à leurs dirigeants, à défaut de suspendre leur soutien à l’Ukraine, de le nuancer.

«C’est l’Ukraine qui sortirait perdante dans ce dossier malien pour qui connaît tout l’étiquetage autour du soutien aux terroristes », soulignera le chercheur, ajoutant que ce pays s’est inscrit dans une position très embarrassante vis-à-vis de ses partenaires qui sont les États-Unis et les autres pays européens.

L’expert du CE3S de conclure que le fait pour l’Ukraine d’afficher son soutien sans ambiguïté à des groupes terroristes pourrait amener des pays comme les États qui sont liés aux fondamentaux de la démocratie à réinterroger leur soutien en faveur du pays de Volodymyr Zelensky en conflit avec la Russie de Vladimir Poutine.

Dieudonné DIAMA

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