#Mali : Faladié : Les déplacés dans la grande précarité

Lorsqu’elles n’ont pas de proches pouvant les accueillir en ville, les personnes déplacées se retrouvent sur des sites, comme celui de Faladié à Bamako, où elles font face à une situation de vulnérabilité extrême

Publié mardi 27 août 2024 à 18:36
#Mali : Faladié : Les déplacés dans la grande précarité

Les visiteurs du camp des personnes déplacées internes (PDI) de Faladié en Commune VI du District de Bamako luttent contre beaucoup de nuisances avant d’arriver à destination. Pis, sur place, ils doivent faire face à la boue, aux déchets domestiques et odeurs nauséabondes des animaux.

Ce mercredi 21 août, il est 7 heures dans le camp. Sur le site, des passages de fortune faits de morceaux de briques et de bois aident les habitants à circuler entre les différentes familles. À cette heure, Sago Sidibé est accompagnée de ses deux enfants âgés respectivement de 3 et 1 an. Lèvres tatouées, la dame porte un t-shirt blanc et un pagne. Autour de son cou, un collier en perles attire le regard. Le trio attend impatiemment le chef de famille qui est allé en ville à la recherche de la pitance pour le déjeuner.


Ce dernier sort tous les jours à 3 heures du matin pour ramasser des bidons vides, des sachets d’eau et des anciennes boîtes de conserve sur les décharges dans l’espoir de les vendre pour nourrir sa famille. L’époux de Sago Sidibé est enfin arrivé avec un vieux sac au dos contenant quelques bidons. Il affiche un visage attristé. Amadou Sidibé, puisqu’il s’agit de lui, est grand de taille et mince.

L’homme aux cheveux et barbes touffus, avec des lèvres sèches, s’adresse à sa femme en peulh : «Je n’ai rien gagné aujourd’hui.» La famille en conclut qu’elle n’aura rien à se mettre sous la dent au déjeuner. Puis, il rentre à l’intérieur de sa maison en tente. Sa femme et ses enfants le suivent, en le consolant. Il est encore permis de garder espoir, car Amadou Sidibé a quatre enfants qui sont des éboueurs. Ils ont l’habitude de leur apporter à manger à leur descente du travail.

«On se contente de deux repas par jour», fait savoir Sago Sidibé qui ne reste pas les bras croisés. Elle sort tous les jours de 16 à 20 heures pour aller fouiller les poubelles de la ville. Pendant ce temps, son conjoint s’occupe des enfants. Assis sur un escabeau, Amadou Sidibé relate le calvaire qu’ils endurent sur ce site. Depuis leur arrivée, le couple Sidibé et ses sept enfants sont logés dans une petite tente entourée aujourd’hui de vieilles tôles pour agrandir leur habitation. À l’intérieur, des espaces sont réservés à la cuisine, à l’élevage de la volaille et à la vaisselle. Un petit hangar sert de lieu de causerie.

Leur tente, comme beaucoup d’autres dans le camp, est exposée aux inondations. Les eaux pluvieuses s’y infiltrent. «Quand il pleut, on s’assoit sur des bidons d’eau de 20 litres et on tient les enfants sur nos pieds jusqu’à ce que la pluie cesse de tomber», confie la mère de famille, avant d’appeler à l’aide contre les risques d’inondations. À propos de soutien, Amadou Sidibé salue les efforts humanitaires consentis à leur endroit surtout par des familles voisines du camp. Cependant, le ressortissant de Bankass avoue que c’est durant la période du Ramandan que les aides sont constantes.

En dehors du ramassage d’ordures, Sago Sidibé a appris à faire des savons liquides qu’elle vend à l’entrée de chez elle sur une petite table à raison de 500 Fcfa l’unité. Mais, elle peut faire deux semaines sans vendre un seul produit. Amadou Sidibé souhaite faire l’embouche ou l’agriculture. «C’est tout ce qu’on sait faire. Si je trouve un périmètre agricole, on sera au moins à l’abri de la faim», dit-il. Ces ressortissants de Bankass prient pour la stabilité dans notre pays afin de rejoindre leur village.

 

TORTURES VIOLENTES- Un sceau rempli de sable sur la tête, la trentenaire Laya Coulibaly marche prudemment pour ne pas mordre la boue. Ce sable est destiné à sa tente dans laquelle s’introduisent les eaux pluvieuses. Cette mère vit avec ses cinq enfants dans ce lieu depuis bientôt cinq ans. Assise sur sa natte, cure-dent à la bouche, la brave femme à la corpulence massive se souvient des moindres détails de la tragédie qui l’a fait fuir son village, Sankoro, localité située dans le Cercle de Bankass.

Yeux remplis de larmes, elle raconte : «Quand on a entendu les bruits de coup de feu, j’ai vite couru avec mes enfants pour nous enfermer à l’intérieur. Mon mari s’est caché dans les toilettes. Depuis ce jour, je ne l’ai plus revu». Et notre interlocutrice de renchérir que des bandits sont entrés en effraction dans sa chambre et lui ont pointé une arme en lui disant de leur montrer son époux. Elle dit avoir été violée après avoir dit qu’elle ignorait où se trouvait son conjoint. Le lendemain, cette survivante a quitté le village avec les autres habitants pour une destination inconnue. C’est après qu’elle rejoindra les siens sur ce site à Bamako. Laya Coulibaly exerce le métier de lavandière pour nourrir ses enfants.

Sous un hangar, six dames sont assises. À leur tête, Dado Yassana. Pour se faire de l’argent, elles pratiquent le séchage des restes de nourritures que ces femmes ramassent dans les poubelles. Après avoir pris le repas de midi, elles se regroupent pour rassembler les nourritures séchées. Une vieille boîte de tomate concentrée leur sert d’instrument de mesure. La boîte remplie coûte 25 Fcfa aux éleveurs. Ainsi, elles ont pu obtenir quatre sacs de 100 kg de nourritures séchées.

 

Banditisme- Le camp compte 1.103 personnes dont 203 femmes réparties dans 335 ménages. Ces chiffres sont donnés par la direction nationale du développement social (DNDS). La bonne cohabitation entre les communautés peule, dogon, bambara et touareg magnifie la vie sur le site de Faladié. Cependant, le défi de l’insécurité demeure.

A.D se dit inquiet pour l’avenir de ses enfants depuis qu’un groupe de jeunes délinquants a trouvé refuge dans un coin du camp. «Ils nous dérangent les soirs avec le son de la musique. On a même de la peine à dormir. Généralement, ils sont accompagnés de jeunes filles du camp», dénonce ce déplacé avant d’ajouter que ces jeunes fument des stupéfiants et profèrent des injures grossières.

Le soir, le groupe de garçons et de filles est sur place autour d’une théière. Ils écoutent du hip-hop, un genre musical très apprécié par la jeunesse. Ces jeunes viennent majoritairement de différents quartiers. Les enfants les observent fumer la cigarette et croquer de l’arachide. Certaines mères veillent à ce que leurs enfants surtout les filles ne fréquentent pas ce grin.

À notre passage, Madi Nomoko, agent du développement social, était de garde. Il est accompagné de Hamma Diallo, le président du comité de gestion du site. Madi Nomoko travaille de 8 heures à 16 heures. Il est chargé de l’assistance et de la protection des PDI. Selon le président du comité de gestion, c’est pour éviter la multiplication des grossesses chez les jeunes filles du site que la majorité d’entre elles font les travaux d’aide-ménagère en ville. «Celles qui ne veulent pas de cela, se prostituent», chuchote un homme à côté.

L’ONG Association jeunesse action (AJA-Mali) s’est implantée sur ce site avec toute une équipe et équipements. Elle est venue pour une donation suite à une formation de six mois qu’avait bénéficié une cinquantaine de PDI (hommes et femmes). Ils ont été formés en aviculture, maraîchage, restauration et en transformation agro-alimentaire.

La situation sanitaire du camp est préoccupante. Selon le témoignage d’une habitante, une trentaine de toilettes sont à la disposition des habitants du site. Mais pratiquement, elles sont toutes impraticables à cause de l’absence d’hygiène. À chaque saison des pluies, les mauvaises odeurs se propagent et les WC se remplissent très vite.

Un besoin d’aide criard s’impose en faveur de ces PDI, surtout en vivres. À noter que ces déplacés viennent de la Région de Mopti qu’ils ont fui à cause de l’insécurité pour s’installer sur le site de Faladié en novembre 2018.

Fadi CISSE

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