Mali : Société de production des aveugles : La mévente plombe les activités

L’entreprise de production de craie, serpillères et autres produits vit des jours difficiles et risque de fermer boutique, si l’État ne l’accompagne pas. Cette situation pourrait donc en rajouter à l’exclusion et la mendicité des non-voyants

Publié mardi 14 novembre 2023 à 06:29
Mali : Société de production des aveugles : La mévente plombe les activités

Un ouvrier dans une unité de production de craie de la Sopram

 

La Société de production des aveugles du Mali (Sopram) n’a pas encore mis la clé sous le paillasson, mais elle vit ces derniers temps des jours difficiles. L’entreprise peine à écouler ses productions de craie. Cette situation qui dure depuis plus de deux ans préoccupent les responsables de la Sopram qui ne savent plus à quel saint se vouer. Personne ne peut leur reprocher de s’inquiéter d’une situation de mévente de leurs productions de petits bâtons qui servent à écrire au tableau dans les écoles.

Dans la cour de l’Institut national des aveugles du Mali (Inam), où la Société a démarré ses activités depuis 1988, on ne sent pas la grande sérénité quand on évoque la question. Vendredi dernier dans l’après-midi, des jeunes déficients visuels devisent en petits groupes dans les espaces ombragés de l’Ex-Institut des jeunes aveugles (Ija). Certains guidés s’orientent à partir de leurs cannes pour rejoindre des camarades dans un coin de la cour. Sur ces entrefaites, Falaye Cissé, frais émoulu de la Faculté des sciences administratives et politiques (Fsap), meuble son temps avec la lecture dans la nouvelle bibliothèque inclusive de l’Inam.

Le non-voyant diplômé en relations internationales lit un livre d’allemand en braille. Il déplore la situation actuelle de la Sopram et estime surtout que cela diminue les chances de ses camarades non-voyants à trouver un job. Le juriste affirme que certains de ses camarades partagent leur quotidien entre le thé et les discussions sur tout et rien. Falaye Cissé explique aussi avec une pointe d’amertume que certains de ses camarades se livrent discrètement à la mendicité. Ils tendent la sébile en quête d’espèces sonnantes et trébuchantes.

Le jeune diplômé trouve que la Sopram offrait des opportunités de stage aux non-voyants. Selon lui, certains arrivaient à décrocher un emploi grâce à cette formation. Pour lui, tout cela devient un vieux souvenir du fait de la crise d’écoulement de craie. Sur le site de l’unité de production de la craie, un groupe de travailleurs prend le déjeuner dans la salle de séchage. Quelques cartons contenant des bâtons de craie sont superposés dans un coin. La salle réservée à la fabrication accueille tout visiteur dans un décor poussiéreux avec des toiles d’araignée tissées un peu partout du fait que l’entreprise ne fonctionne plus à plein régime.

Anta Kassambara travaille à l’unité de production de craie de la Sopram, depuis 7 ans. Cette non-voyante explique n’avoir jamais vécu une telle situation dans l’histoire de l’entreprise de production de craie. «Nous n’avons pas d’autres sources de revenus. Nous prions les autorités de sauver nos emplois», implore la mère de famille. Son collègue Boubacar Bakayoko accumule aussi six ans d’expériences à la Sopram. «Ce n’est pas la première fois que nous traversons des difficultés liées à la mévente de nos produits. Mais cette fois-ci, le problème persiste», déclare-t-il, avant d’ajouter que le statu quo est intenable pour un chef de famille. Selon l’ouvrier, le taux de mendiants dans le rang des non-voyants risque d’exploser.

 

HUIT MOIS SANS SALAIRE- L’encadreur des aveugles de la Sopram rappelle que la Sopram employait 530 personnes, reparties entre la menuiserie et les unités de fabrication de brosses de nettoyage, de lunettes, de craie et les serpillières. L’entreprise produisait quotidiennement entre 700 et 800 boites de craie. Almamy Gana explique courageusement que la Société a pâti du coup d’État contre le défunt président Moussa Traoré en 1991. Des manifestants ont saccagé le matériel de production et les bâtiments croyant que l’entreprise appartenait à l’ancien chef de l’État et son épouse Mariam Traoré. «Environ une année après ces incidents, l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) nous a aidés à relancer les activités de fabrication de craie, serpillières et de la menuiserie», se souvient-il. La tendance a été inversée et actuellement la Sopram n’emploie qu’une quarantaine de personnes.

Selon l’encadreur, la société permet aux aveugles d’être indépendants et d’éviter la mendicité. à l’en croire, les difficultés actuelles de l’entreprise sont criardes. Les travailleurs n’ont pas perçu de salaire depuis 8 mois. Pour lui, l’entreprise rencontre d’énormes défis dans l’écoulement  de sa craie depuis que l’État a conditionné l’achat de leurs produits à la soumission aux appels d’offres.  Les conséquences de cette décision tracassent les employés.  L’encadreur de la Sopram estime à 540.000 le nombre de boîtes de craie invendues. Il souligne que la crise a sérieusement aggravé la situation. Selon lui, les personnes vulnérables en pâtissent beaucoup. Leur situation, dit-il, devrait davantage interpeller les autorités. L’encadreur s’inquiète de voir la Sopram fermer définitivement boutique. Ce serait dommage de condamner les non-voyants à tendre la sébile pour survivre et aussi à l’exclusion. Almamy Gana invite ses compatriotes à acheter leurs produits en guise de soutien aux non-voyants. Et de dire que ceci permettra de relancer les activités de la Société et de créer aussi des emplois pour des milliers de personnes en situation de vulnérabilité.

Le président de l’Union malienne des aveugles (Umav), Hadji Barry, souligne que la Sopram est une structure mise en place par l’Umav en vue de l’insertion socioprofessionnelle des aveugles dans les milieux urbains. Il souligne aussi la vétusté du matériel, le non écoulement des produits fabriqués en l’absence d’une politique nationale de promotion des produits locaux. «Nous avons fait des actions de plaidoyer auprès de l’État et des particuliers. Sans cette vraie politique nationale, nous ne pourrons pas concurrencer les autres. Nous comptons beaucoup sur l’État», a-t-il conclu.

Hadji Barry invite aussi à dépasser les préjugés sur la qualité de la craie made in Sopram. Ce jugement n’est pas une réalité. «De nos jours, on peut dire que c’est un triste souvenir. Nous avons des moules indiennes voire chinoises depuis 2010. Tout cela fait qu’on a considérablement amélioré la qualité des produits», assure-t-il. Il rappelle aussi que certains ministres de l’Éducation nationale avaient eu l’initiative de payer les stocks de craie sans problème.Moussa Diarra, rencontré sur place, est venu acheter deux cartons de craie de couleurs. «Celles que j’ai achetées sont de bonne qualité.

C’est pourquoi, je suis revenu», assure-t-il, invitant les établissements scolaires de Bamako à acheter la craie de la Sopram. Pour la situation de la Sopram, l’heure est à l’inquiétude. Une relance des activités de cette entreprise de production de craie par les aveugles doit être envisagée par les autorités de la Transition. En tout cas, ce serait un geste fort de solidarité et de lutte contre l’exclusion des non-voyants.

  Assitan KIMBIRY

Rédaction Lessor

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