
L’Essor : Que signifie le terme «Copie privée» en droit d’auteur ?
Mme Koné Aïda Diallo : Comme son nom l’indique, c’est à but privé. Elle est une exception au droit d’auteur, raison pour laquelle elle est appelée exception de copie privée, car limitant le droit exclusif des auteurs, artistes interprètes et producteurs sur leurs œuvres, interprétations et enregistrements au titre de la réalisation de copie pour un usage strictement personnel et privé du copiste et non destiné à une utilisation collective.
Pour vous permettre de mieux cerner cette notion de copie privée, il me plait d’expliquer de la façon la plus simple. Un particulier peut copier une œuvre déjà fixée sur un support sur un autre support, cette fois-ci sans l’autorisation préalable de l’auteur. Cette fixation apporte un préjudice certain aux intérêts légitimes des créateurs, car le particulier peut reproduire massivement, selon son bon vouloir. Pour compenser ce préjudice subi par les créateurs, le législateur a institué une Rémunération dite pour copie privée. Elle est directement prise en charge par le fabricant ou l’importateur de matériel au préalable. Donc en résumé, la rémunération pour copie privée est une redevance prélevée sur les supports d’enregistrement tels que les disques durs, les clés USB, les cartes mémoires, les CD ou les DVD, destinée à compenser les ayants-droit pour l’exception de copie privée de leurs œuvres. Il s’agit, de cette façon, de protéger la vie privée des utilisateurs des œuvres, mais également de réagir face à l’impossibilité de contrôler la réalisation de ces copies qui se font dans la discrétion.
L’Essor : La loi sur le droit d’auteur et le droit voisin du droit d’auteur en vigueur au Mali prenait cet aspect en compte. Mais il semble qu’il y avait quelques difficultés d’application ? Qu’elles étaient ces problèmes ?
Mme Diallo Aïda Koné : La rémunération pour copie privée est entièrement régie par la Loi 2017- 012 du 01 juin 2017 fixant le régime de la propriété littéraire et artistique, notamment en sa section VI qui en organise les grands principes de collecte et de répartition. Le principe est très simple : lorsque vous achetez un support d’enregistrement ou un appareil permettant de stocker des copies de musiques, films, livres, d’articles de presse ou d’œuvres d’art, une part du prix que vous payez sert, d’une part à rémunérer les auteurs, les artistes interprètes et les producteurs, d’autre part à soutenir des initiatives culturelles.
Pour la mise en œuvre de la rémunération pour copie privée, l’article 137 de la Loi dispose que : «la rémunération pour copie privée est perçue avec l’aide des services des douanes, du commerce et de la concurrence qui sont tenus d’informer à temps, l’organisme professionnel de gestion collective de toute intention d’importation ou d’exportation, des objets visés à l’article 135 de la présente loi dont ils ont connaissance». Pour cela, nous avons entamé des discussions avec les structures impliquées dans le processus, ce qui a conduit à l’élaboration d’un projet de décret relatif à la mise en œuvre de la rémunération pour copie privée. Parmi les difficultés, nous pouvons retenir également : la plupart des produits visés dans le projet de décret sur la mise en œuvre de la copie privée sont déjà soumis à la redevance radio TV aux taux de 3%. Pour la Douane, il ne sied pas d’instituer encore une autre redevance sur les mêmes produits. Nous rappelons que la taxation de la copie privée est prévue dans la loi de 2017 et les sociétés de droits d’auteurs des pays qui engrangent plus de recettes aujourd’hui ont pu mettre en place la rémunération pour copie privée.
La multiplicité des redevances sur ces genres de produits à l’importation, qui évoluent au même rythme que la technologie, ne fait qu’accentuer le risque de fraude sur lesdits produits ayant pour corollaire des pertes considérables de recettes fiscales et douanières. Une loi est appelée à être appliquée, pour cela il nous faut trouver des solutions pour transcender ces difficultés qui peuvent devenir des opportunités pour pouvoir appliquer la loi dans toute sa dimension et ce sera justice pour les créateurs d’œuvres littéraires et artistiques qui vivent dans la précarité.
À mon humble avis, ces préoccupations et difficultés ne sont pas insurmontables. Il suffit de comprendre l’enjeu de la copie privée afin de pouvoir accorder nos violons et dégager un consensus. La Loi de 2017 a prévu la rémunération pour copie privée et elle doit être appliquée. Je rappelle qu’une loi ne vaut que, quand elle est appliquée. Il faudrait également qu’il y ait une volonté politique très forte; surtout que l’Uemoa vient d’adopter une directive dans ce sens.
L’Essor : La directive sur la copie privée de l’Uemoa, serait-elle appliquée dans notre pays. Et comment ?
Mme Diallo Aïda Koné : Oui en effet, le 22 septembre 2023 à Abidjan, l’Uemoa a adopté la Directive n°07/2023/CM/ portant harmonisation des dispositions relatives au droit à rémunération pour copie privée au sein des États membres de l’Uemoa. Cette directive prend effet, à compter de sa date de signature, et doit être transposée dans nos législations. L’Uemoa prendra les dispositions nécessaires afin que les pays puissent aller à la transposition.
L’Essor : Concrètement, quand est-ce que cette directive rentrera en application dans notre pays ?
Mme Diallo Aïda Koné : Pour la mise en œuvre, les États membres de l’Uemoa disposent de 2 ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente pour prendre les dispositions législatives, réglementaires et administratives pour se conformer aux dispositions de la présente directive. Nous allons prendre les dispositions nécessaires pour saisir l’Uemoa aux fins de transposition de la directive. Il faut noter que les États membres communiquent à la Commission les dispositions de droit interne déjà adoptées ou qu’ils adoptent dans les matières régies par la directive.
L’Essor : Les artistes maliens peuvent-ils s’attendre à une amélioration de leurs droits d’auteurs ou revenus avec cette directive ?
Mme Diallo Aïda Koné : La mise en œuvre de la rémunération pour copie privée va permettre aux titulaires de droit d’auteur et de droits voisins de bénéficier d’une source supplémentaire de revenus susceptibles d’améliorer leurs conditions de vie et d’exercice de leurs métiers, trop souvent précaires, et de favoriser leur contribution à la culture. Elle vise à assurer «une compensation équitable» des auteurs ou artistes interprètes.
L’Essor : Pouvez-vous donner à nos lecteurs la situation du payement des redevances des droits d’auteur et des droits voisins ?
Mme Diallo Aïda Koné : Au préalable, je tiens à informer les lecteurs du Quotidien national ce qu’est la redevance de droit d’auteur et droits voisins.
La redevance de droit d’auteur et droits voisins est la contrepartie financière de l’utilisation des œuvres littéraires et artistiques. Elle est le salaire de l’artiste donc, elle a un caractère sacré.
Malgré la sacralité de la redevance, force est de constater que dans notre pays, les redevances sont en souffrance. Ceux qui utilisent les œuvres littéraires et artistiques dans un cadre public sont ceux-là, qui sont soumis au paiement de la redevance même si l’utilisation est à but gratuit. Pourvu que cette exploitation ou utilisation se fasse dans un cadre public.
Tous ceux qui utilisent les œuvres littéraires et artistiques doivent se soumettre à la réglementation en vigueur notamment la Loi n° 2017-012 du 01 juin 2017 fixant régime de la propriété littéraire et artistique. Cette loi dispose en son article 147 que : «toute exploitation d’une œuvre littéraire ou artistique protégée par voie de communication au public, de reproduction, de distribution, de représentation ou d’exécution publique par quelque moyen que ce soit, entraîne le paiement d’une redevance de droit d’auteur et de droits voisins dans les limites et conditions prévues par la présente loi.»
Nous devons nous conformer à la loi en s’acquittant de nos redevances de droit d’auteur et droits voisins afin que vivent les artistes. Ces artistes qui donnent le meilleur d’eux-mêmes en ramenant au pays les trophées les plus convoités doivent vivre du fruit de leur créativité et cela ne peut se faire sans le paiement des redevances. J’exhorte tous les utilisateurs d’œuvres littéraires et artistiques à s’acquitter de leurs redevances afin que rayonne l’art dans toute sa splendeur.
Propos recueillis Par
Youssouf DOUMBIA
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