
L’Essor: Quelle appréciation faites-vous de la situation socio-politique et sécuritaire de notre pays ?
Amadou Diop : C’est une situation difficile. D’abord, au niveau politique, le problème prioritaire c’est le retour à l’ordre constitutionnel. Aujourd’hui, le calendrier qui avait été donné connaît un léger report. Mais, nous n’avons pas d’éléments pour dire combien de temps va durer ce report. Ensuite, l’inclusivité dont avait parlé le président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, dans son allocution en 2021, n’est pas malheureusement encore totalement effective. Dans cette situation de crise, nous devons mettre l’accent sur le rassemblement, l’union est la condition sine qua non de la période actuelle.
L’inclusivité de tous, y compris ceux qui sont en opposition avec les politiques de la Transition, va nous permettre d’atteindre le meilleur résultat possible. L’union fait la force. C’est quelque chose qui se dit partout mais qui est une réalité. Donc, sur le plan politique, il me semble qu’il y a eu des avancées, mais beaucoup reste à faire. Le plus important, c’est l’inclusivité et les réformes institutionnelles attendues. Il ne faut jamais oublier que cette Transition ne serait une réussite pour les Maliens et pour les autorités actuelles que si et seulement si elle aboutissait à des élections libres, transparentes et crédibles et que le Mali peut enfin repartir vers des horizons plus prometteurs.
Sur le plan sécuritaire, c’est encore très difficile. J’évalue en tant que personne humaine, la valeur de la sécurité sur le nombre de victimes de cette crise. Qu’elles soient militaires ou civiles, nationales ou étrangères. Malgré le renforcement clair des capacités de nos Forces de défense et de sécurité ainsi que les motifs de fierté qui se sont multipliés, je pense notamment à la fin du repli stratégique qui était devenu à un certain moment la partie honteuse de notre armée, nous sommes dans une situation où les drames humains se passent quotidiennement. L’enjeu de cette crise est la paix pour les FAMa, pour les citoyens, pour le Mali. Nous devons construire cette paix coûte que coûte dans notre pays au Sud, au Centre et au Nord.
Par ailleurs, au niveau social, notre situation est précaire. La question de la santé, de l’éducation, de l’assainissement et de l’énergie reste des préoccupations majeures des Maliens et le chemin reste long. En définitive, pour la situation socio politique de notre pays, on peut mieux faire, on va mieux faire j’espère et on doit mieux faire impérativement.
L’Essor : Comment vous entrevoyez le chantier de la refondation de l’État ?
Amadou
Diop : La refondation de l’État,
c’est un beau chantier. C’est un processus qui prend du temps et qui va au-delà
de la Transition. Ce chantier doit être suivi avec rigueur. Beaucoup de
structures ont été mises en place pour la refondation de l’État. C’est une
bonne chose. Il y a un Comité de suivi des recommandations des Assises
nationales de la Refondation (Cinsere-ANR). Nous avons eu un premier rapport où
il a été montré qu’il reste beaucoup à faire. Je pense que là aussi, il faut un
suivi rigoureux et une coordination des actions du gouvernement afin que l’on
puisse atteindre des résultats escomptés.
De même, il faut continuer à communiquer et à faire en sorte que l’on retrouve le Mali d’antan, le Mali kura. Au-delà des qualificatifs plus ou moins pertinents, porteurs d’espoirs et d’ambition, ce qui est important c’est le Mali. Ce nom se suffit à lui-même, à nous citoyens de lui donner un contenu, d’en faire un pays de référence, un pays où il fait bon vivre. Nous avons les capacités de nous améliorer, de nous adapter à la modernité du monde tout en gardant notre identité. C’est cela la refondation.
L’Essor: Notre pays connaît un déficit dans le domaine énergétique. Que préconiserez-vous pour pallier les difficultés ?
Amadou
Diop: Je pense qu’actuellement la situation est dommageable pour tout le monde.
La solution vient de mon point de vue de quatre éléments. En mars 2022, il y a
eu un conseil des ministres qui a validé un plan de développement pour
l’énergie au Mali. La première étape est que ce plan de développement soit mis
en œuvre. Son exécution doit être suivie et nous (citoyens) devons en être
informés. La deuxième, c’est la gouvernance de la Société Énergie du Mali
(EDM-SA). Quand je parle de gouvernance, c’est le rapport entre le ministère de
l’Énergie et de l’Eau et EDM-SA. C’est le rapport entre le conseil
d’administration et l’EDM et la façon dont ce conseil oriente les activités de
la société. C’est également le choix des dirigeants de cette entreprise.
C’est un ensemble. C’est
cela que j’appelle la gouvernance. Par ailleurs, il y a des structures de
contrôle qui ont fait des rapports.
L’état d’exécution du suivi de ces rapports est important. Il y a le troisième
volet qui est l’investissement. Apparemment, EDM a des équipements vétustes. Il
faut les renouveler. Pour cela, il faut de l’argent. Il faudrait une stratégie
de mobilisation des ressources. En dernier point, il se dit partout que le coût
de production est supérieur au coût de vente. L’état doit prendre ses
responsabilités et voir dans quelle mesure il peut faire en sorte qu’au moins,
le coût de production soit égal au coût de vente. Pour y arriver, il faut de la
communication, du courage et de la responsabilité.
L’Essor : Quelles peuvent être les implications du retrait de la Minusma dont la rétrocession de certains emprises au gouvernement a connu des écueils ?
Amadou
Diop : Il faut d’abord dire que le départ de la Minusma est un processus
normal. Je ne sais pas si c’était le moment, mais c’était inéluctable. Nous,
comme d’autres n’avons pas vocation à être sous assistance de manière
permanente. La Mission des Nations unies avait de gros moyens. Cela veut dire
que nous devons remplacer cette Mission avec autant de moyens. Pour un pays qui
a des ressources limitées pour l’instant, c’est un vrai défi. Cette opération
mobilisera beaucoup de personnels de sécurité et de budget. Il y a un autre
défi, c’est notre capacité à occuper ces
emprises et à y rester.
C’est une bonne chose que notre armée reprenne ces
emprises. Par ailleurs, la suite logique c’est le retour de l’administration,
de l’éducation, de la santé pour les populations. C’est aussi plus de sécurité
pour la population. C’est un vrai défi que nous devons relever ensemble (Armée,
citoyens, autorités). Cela nécessitera obligatoirement un sacrifice pour tous
les Maliens. Par ailleurs, de façon pragmatique, même si, nous sommes autonomes
dans le domaine sécuritaire, il est toujours utile que nous ayons recours à des
soutiens et des aides extérieures. Je pense qu’il n’y a aucune honte quand nous
avons des difficultés à avoir recours à des aides extérieures. Cela n’enlève
rien, ni à notre identité, ni à notre indépendance. Il faut savoir simplement
négocier gagnant-gagnant avec chaque partenaire.
L’Essor : Tout cela intervient dans un contexte où la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation connaît des difficultés. Que faudrait-il pour relancer ce processus ?
Amadou Diop: L’Accord pour la paix et la réconciliation a fait l’objet de débat au Dialogue national inclusif (Dni) et aux ANR. Nous avons demandé que cet Accord soit relu. Tout le monde était d’accord avec ce principe, mais ce processus n’a pas été enclenché. Je le regrette. L’on a parlé d’une mise en œuvre intelligente de l’Accord. Là aussi, le mot intelligent me paraît superflu. Tout le monde est suffisamment intelligent pour lire et comprendre ce qui est dans l’Accord et le mettre en œuvre. Ensuite, pour relancer le processus, je dirai que la première chose est que nous devons travailler à ce que les armes se taisent. Comme l’a dit le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, si la main du gouvernement est tendue, il faut continuer à la tendre. Et se donner tous les moyens pour que ceux en face comprennent qu’elle est vraiment tendue.
L’Essor : Les Forces armées maliennes (FAMa) engrangent des résultats probants dans la lutte contre le terrorisme. En quoi cette dynamique peut être confortée ?
Amadou Diop: C’est un combat de longue haleine. Nous avons vu ce qui s’est passé dans d’autres pays en Afghanistan et en Irak. Nous avons compris que les armes seules malheureusement ne suffisent pas à éradiquer le terrorisme.
Il faut certes, la force armée. Les équipements qui ont été acquis sous la Transition et avant cette phase, sont à saluer. Nos Forces armées sont plus aguerries et c’est un motif de satisfaction et de fierté pour chaque fils et fille de la nation. Mais, je pense que nous n’avons pas le choix que de combattre le terrorisme de manière armée. Toutefois, nous devons l’accompagner de deux choses. D’abord, le retour de l’administration dans les zones concernées et entamer sans délai une réflexion stratégique sur la façon dont nous pouvons bénéficier des partenariats extérieurs. Peu importe la provenance. étant donné que je ne suis pas sûr que le Mali peut tout seul le faire. Je n’ai pas de préjugé sur les partenaires extérieurs. Nous défendons nos intérêts, ils défendent les leurs. L’essentiel c’est d’avoir un partenariat solide comme le Mali le fait actuellement avec la Russie, la Türkiye et la Chine. Mais comme il devrait le faire aussi avec l’Occident, l’Union européenne et les états Unis. Idem avec le Niger, le Burkina Faso et au-delà avec la Cedeao.
Pour moi, cette bataille va se gagner avec les Forces armées, le développement et les appuis extérieurs. Nous sommes dans un monde globalisé et nous sommes des humains avant d’être des Maliens. Nous devons travailler avec les autres, mais avec une réflexion stratégique sur nos intérêts (diplomatique, militaire, économique, culturel…). Notre succès dépendra d’abord de nous, de notre capacité de travail, de notre engagement pour le pays, de notre capacité à définir une vision claire pour le Mali de maintenant et de demain. Donc Bravo les Fama, mais ne dormons pas sur nos lauriers, au travail encore et toujours.
L’Essor : Votre mot de la fin ?
Amadou Diop : Tout le monde le répète, le Mali est à la croisée des chemins. Il continue à y être. Il faut rassembler. Il faut l’union des Maliens (partis politiques, société civile FAMa…) autour de la patrie et des autorités de la Transition. Cette union doit être la priorité n°1 du chef de l’état, du Premier ministre, des membres du gouvernement et des institutions de la République.
Une
union qui n’est ni allégeance, ni opportuniste, et fondée sur une vision qui de
mon point de vue reste à définir. Et c’est le sommet qui a le plus grand du
boulot à faire pour cette union, c’est lui qui doit être au dessus de la mêlée,
c’est lui l’arbitre et donc la réussite de cette union ou son échec est d’abord
sa responsabilité. Le Mali est le pays des hommes debout, en tout cas, c’est
mon ambition pour mon pays. Alors soyons debout et prions pour le Mali.
Propos recueillis par
Namory KOUYATE
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Diplômé d’études supérieures en philosophie et en sciences politiques, cet enseignant-chercheur à l’université Kurukanfuga de Bamako, expert/consultant sur les questions sécuritaires et de gouvernance au Centre d’études stratégiques et sécuritaires au Sahel (CE3S) aborde dans ces lig.