
L’Essor : Quelle analyse faites-vous de
la situation énergétique actuelle ?
Bagui Diarra : La situation actuelle nous
démontre simplement qu’il y a une très forte dépendance de notre système
énergétique des hydrocarbures, notamment du carburant qui est aussi totalement
importé. Très souvent dans un mixte énergétique, c’est-à-dire lorsque
différentes sources interviennent, on essaye d’aller d’abord aux sources qui
sont moins coûteuses vers celles plus coûteuses de manière à ce qu’on puisse
avoir une production d’électricité à un coût maîtrisé ou réduit.
À ce niveau, nous avons le thermique qui
domine. Actuellement, seulement sur le réseau de l’EDM-Sa, nous sommes entre 57
et 58% de part d’hydrocarbures et la partie hydroélectricité est dans les 27 et
28%. On avait une importation de l’électricité avec la Côte d’Ivoire qui
partait dans les 15%. Et nous n’avons que 3% de l’énergie solaire sur le réseau
de l’EDM-Sa. À l’échelle nationale, on est environ 80%, sur tout le territoire,
à dépendre des hydrocarbures.
Même dans l’électrification rurale, il y a des
systèmes hybrides. Aussi, au niveau des auto producteurs (mines, fermes), c’est
quasiment les hydrocarbures qui dominent même si certaines mines ont commencé à
installer des centrales solaires. Donc, notre mixte énergétique est tiré des hydrocarbures
qui sont chers. Puisqu’ils sont totalement importés, il y a la volatilité des
prix, cela constitue le défi le plus important actuellement dans le système
énergétique malien et qui fait que le système est inefficace.
L’Essor : Comment mettre fin à cette
dépendance?
Bagui Diarra : Pour sortir de cette
dépendance des hydrocarbures, des solutions existent. Il y a en trois
fondamentalement sur lesquelles on peut avancer rapidement. La toute première
solution, c’est l’économie d’énergie. Contrairement à ce que certains pensent,
le courant n’est pas produit et stocké. Le courant est en production
permanente. Il n’attend pas jusqu’à ce que vous mettiez, par exemple, votre
doigt sur un interrupteur pour allumer de la lumière chez vous. Ça veut dire
que pour qu’il y ait du courant sur la ligne pour vous, il faut que vous
fassiez la demande.
Aujourd’hui, il y a deux catégories d’abonnés. Les deux sont au
niveau de la distribution. Vous avez certainement entendu parler des basses
tensions et des moyennes tensions. Avec ces deux catégories, à chaque niveau,
l’action d’EDM-SA va venir s’arrêter au point de vente. Ce point est votre
compteur quand vous êtes dans la catégorie basse tension et votre poste privé,
quand vous êtes de la catégorie moyenne tension. EDM-SA n’intervient pas en
aval. C’est dire que dans les installations électriques intérieures au Mali, on
n’a pas prévu encore une structure qui intervient pour aider les gens, leur
donner des explications pour gérer mieux la consommation. Alors que c’est cette
partie qui impose le tout. Si nous baissons nos consommations, la production va
également baisser.
Donc, si on veut réduire la consommation du
gasoil aujourd’hui, la première des solutions est de réduire nos demandes et
arrêter l’équivalent du thermique qu’on est en train de mettre en place. Tant
qu’on utilise le carburant, des gens vont essayer d’autres approches à côté.
C’est une première mesure qu’on peut faire dans tout le pays le plus rapidement
possible. Il faut la sensibilisation, des actions ciblées. Un pays voisin est
arrivé à faire la même chose à travers un arrêté interministériel en 2023 qui
est devenu un cadre règlementaire pour s’imposer à tout consommateur ayant une
consommation annuelle de plus de 1.500 tonnes d’équivalent pétrole (unité de
mesure de l’énergie).
Le consommateur doit faire l’audit énergique
obligatoirement. S’il ne le fait pas, il fera face à des sanctions parce que
l’énergie coûte chère. C’est la première solution rapide dans notre situation. La deuxième solution, c’est de rationaliser ce
que nous mettons en termes d’intrants (carburants et autres lubrifiants), donc
réduire les gâchis dont les cas de vols pour éviter la rupture. Au niveau de la
production, il faut veiller à cela très rapidement pour qu’on puisse rationaliser
au moins le carburant qui vient pour qu’il soit utilisé de façon efficiente. Il
faut aussi regarder l’état de production des équipements.
Il y a une différence
entre la capacité installée d’une infrastructure et la capacité qui peut être
disponible pour cette infrastructure. Par exemple, si un groupe d’une capacité
de 5 MW installé ne parvient à donner, en fonction de son âge et des conditions
d’utilisation, que 3,5 MW, cela veut dire qu’il y a un gap de 1,5 MW. Il faut
alors chercher à savoir est-ce que dans la production au niveau d’EDM-SA, on
met en avant des groupes dont l’état permet de consommer beaucoup de carburant
pour ne finalement produire que peu d’énergie. C’est un travail qui peut se
faire rapidement par les techniciens à l’intérieur.
Après cela, on doit être en mesure aujourd’hui
de prendre des mesures d’efficacité au niveau du transport et de la
distribution de l’électricité. Il s’agit de rendre le système de production, de
transport, de distribution et de commercialisation plus efficace. Troisième
élément qu’on peut faire, c’est introduire le système solaire très rapidement.
Et cela est faisable. Déjà, nous avons de l’exonération sur l’équipement des
systèmes solaires.
Nous avons beaucoup d’entreprises privées qui interviennent
dans le domaine de l’énergie solaire et nous savons aussi que c’est une
technologie qui est connue des populations. Comme on est très coincé par le
temps, on peut déjà commencer tout de suite à voir là où cela est possible en
mettant le secteur privé en contribution. Mais toutes ces solutions sont des
mesures d’urgence. On doit alors se préparer à travailler sur notre
réglementation au niveau de la consommation, lorsqu’on aura passé cette période
de pointe.
L’Essor : Comment réussir la transition
vers les énergies renouvelables ?
Bagui Diarra : La première chose la plus
importance, c’est l’ambition au plus haut niveau décisionnel politique. C’est à
l’État de dire : je donne cette place à l’énergie. L’énergie se fait dans
un secteur comme d’autres, mais le pays lui-même s’est doté d’un document cadre
pour le développement qu’on appelle le Cadre stratégique pour la relance
économique et le développement durable (Credd 2019-2023). Toutes les politiques
sectorielles s’adossent à ce document de base. À ce niveau, l’État n’a pas osé
mettre l’énergie en priorité ou donné une place précise à l’énergie dans les
autres secteurs qu’il a jugé prioritaires comme le développement humain,
l’éducation, la santé et la sécurité alimentaire. Vous savez que ce sont ces
quatre segments que l’État du Mali a mis en avant comme étant ses priorités.
Donc, dans un premier temps, c’est à l’État de
fixer le cap et les ambitions. Il faut qu’il y ait un secteur privé organisé et
pour lequel l’État peut préparer des incitations et avec des performances
attendues. C’est cela qui permet de développer le système. En 2022, sur les
quelques 2.000 bâtiments publics, l’État a évalué les dépenses d’électricité en
particulier. Il se trouve que sur le lot, les dépenses de 161 bâtiments sont
évaluées entre 20 et 30 milliards de Fcfa par an. Et ces bâtiments sont connus
et peuvent être alimentés à partir de l’énergie solaire à 50%.
Si l’État s’y met, on ne dépendra pas du
thermique. Des solutions sont disponibles et peuvent satisfaire les besoins des
populations, tout en créant de la richesse pour l’épanouissement sur l’ensemble
du territoire. Sans une économie énergétique, une pénétration des énergies
renouvelables, la tendance grimpante sinon exponentielle des hydrocarbures va
toujours se maintenir et on aura toujours la dépendance.
Propos recueillis par
Babba COULIBALY
La deuxième session de la conférence des ordres des architectes de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Coa-Uemoa) se tient, depuis hier, dans un hôtel de Bamako..
Pour l’année 2025, SUNU Assurances IARD Mali, filiale du groupe SUNU, ambitionne de renforcer sa position et de reconquérir la 2è place du marché..
Au cours de la rencontre hier à la Primature, le Premier ministre a salué les acteurs du secteur privé pour leur résilience et leur contribution de qualité à la création de richesses, d’emplois et à l’approvisionnement correct et régulier du pays en denrées de première nécessité. Le.
En marge de l’ouverture des panels des dix ans de l’Autorité de protection des données à caractère personnel du Mali (APDP), le secrétaire général de l’institution, Arouna Keïta, a répondu à nos questions sur la «protection de la vie privée sur les réseaux sociaux».
Dix ans d’existence, c’est l’âge de la maturité pour une institution née d’un impératif fondamental : garantir à chaque citoyen le respect de sa vie privée dans un monde de plus en plus connecté où les données personnelles font l’objet de toutes sortes de convoitise..
Ils concernent le textile, l’agriculture, l’assistance humanitaire pour les populations vulnérables l’entrepreneuriat.