
Vivre dans un environnement sain est un droit
constitutionnel au Mali. Cela confère à chaque citoyen, la jouissance d’un
cadre de vie amélioré, exempté de vecteurs de maladies tels que les déchets
solides, liquides, biomédicaux et gazeux. C’est pour matérialiser ce droit que
l’État a adopté en 2009 la Politique nationale d’assainissement (PNA). C’est un
document stratégique en matière d’assainissement au Mali.
Il associe cinq stratégies
sectorielles spécifiques aux déchets solides, déchets liquides, déchets spéciaux,
eaux pluviales, et au transfert de compétences aux collectivités territoriales.
La PNA s’adosse à la Politique de protection de l’environnement (PNPE) de 1998,
relue et adoptée par le décret n°2019-0954/P-RM du 05 décembre 2019. Sa légitimité
se trouve dans son alignement au Cadre stratégique pour la relance économique
et de développement durable (Credd).
Sa mise en œuvre prévoyait un maillage géographique
en infrastructures d’assainissement, composées de 120 dépôts de transit dans le
District de Bamako (20 dépôts par commune). Ce sont des espaces dédiés au
stockage temporaire des déchets en vue de leur évacuation vers les décharges
finales. Quatre sites (Samanko, Noumoubougou, Dialakorobougou et Fougadougou)
avaient été affectés à cet effet. Sur ces prévisions, on enregistre pour le
moment un seul centre d’enfouissement technique (CET) fonctionnel au Mali. Il
est situé dans la ville de Sikasso. Pour ce qui est de la décharge de
Noumoubougou, elle n’est pas complètement opérationnelle. Au-delà des
nombreuses difficultés de fonctionnement qu’elle connait, l’accès à cette
infrastructure est obstrué impunément par la construction d’un bâtiment
appartenant à un particulier, signalent les services en charge de sa
gestion.
Par ailleurs, cette seule structure de Noumoubougou «ne répond pas aux normes techniques d’une décharge», affirme le directeur des services urbains de voirie et d’assainissement (DSUVA), Oumar Konaté. Pour assurer le service d’évacuation des ordures en dehors de la capitale, son service négocie avec des propriétaires de champs qui acceptent d’accueillir les chargements pour en faire du fertilisant. Toute chose qui n’est pas sans conséquences pour les cultures, puisque les déchets ne sont pas triés.
Moyens rudimentaires - À la question de savoir
pourquoi en tant qu’acteur clé du processus, la DSUVA n’intervient pas
efficacement dans la gestion des déchets ? Son premier responsable nous répond
que son degré d’implication dépend des moyens mis en sa disposition. À titre
d’exemple, il cite la ville de Bamako qui produit 4.000 m3 de déchets par jour.
Il faut 10 rotations de camions (une
rotation équivaut à un aller-retour d’un camion) par jour pour évacuer la
totalité des dépôts de transit. «Mais, pour cela, je n’ai en ma disposition que
de 12 camions, soit une capacité de 2 rotations par jour, en raison de 427 m3
par rotation», regrette Oumar Konaté.
Plus grande est l’amertume de Mariam Sanogo.
Celle qui réside à Niamakoro en Commune VI, résume bien cette conséquence. En
pointant du doigt un tas d’ordures devant sa porte, elle se plaint de la qualité
des prestations des services de ramassage des déchets au niveau des ménages.
Cette tâche est assurée pour la plupart, par des particuliers ou des
Groupements d’intérêt économique (GIE) évoluant en grande partie dans
l’informel. «Dix jours sont passés sans qu’ils ne viennent ramasser», lance-t-elle
en colère.
Mais, les moyens de collecte dont ils disposent sont inefficaces. Ce sont des moyens rudimentaires composés de charrettes à traction animale. Le ramassage se fait de porte à porte avec un paiement immédiat. «Dans ces conditions, il ne peut pas y avoir un travail satisfaisant», console un passant. «Ce n’est plus le temps où les GIE étaient bien organisés, avec des délais de ramassage bien précis sur la base de contrat», rappelle Bamadou Sidibé, président du Collectif des groupements intervenant dans l’assainissement au Mali (COGIAM) et fondateur du GIE Saniya Magnambougou. Selon lui, à ce jour, il n’existe que deux dépôts de transit opérationnel. «Dans le temps, nous travaillions 6 jours sur 7. Mais aujourd’hui, le service n’est plus régulier. C’est le sauve qui peut ! Chacun se cache pour chercher un endroit où décharger ses immondices à l’abri des regards», confie le promoteur.
Imposition financière- «Comment peut-on
comprendre que depuis l’indépendance jusqu’à la date d’aujourd’hui, Bamako n’a
pas de décharge finale digne de ce nom», s’interroge un usager ? Pour lui,
la situation d’insalubrité chronique dans laquelle nous nous trouvons est
imputable aussi bien à l’insuffisance des infrastructures d’assainissement qu’à
l’incivisme de la population et le manque de rigueur des autorités. « Parce
qu’au plan financier, des ressources existent», argue-t-il.
Il cite, à cet
effet, le principe du pollueur payeur qui contribue financièrement à la prise
en charge du traitement des déchets. Il s’agit de la taxe de voirie qui coûte
3.000 Fcfa par habitant et par an. Il y a aussi la taxe de développement régional
et local (TDRL) qui coûte également 3.000 Fcfa. Elle s’impose aux individus âgés
de 14 à 60 ans résidant dans le District de Bamako et qui sont susceptibles de
travailler. Ces fonds sont reversés aux collectivités pour leur permettre de réaliser
leur programme d’assainissement et de développement rural. Il faut reconnaître
que seulement un tiers de la population est à jour dans le paiement de ces
taxes, selon les statistiques.
De l’analyse de la cheffe de section des déchets
solides à la direction nationale du contrôle des pollutions et nuisances
(DNCPN), Mme Clissé Aïssata Coulibaly, il existe des récalcitrants. Ceux-ci
refusent de respecter les règles établies juridiquement et socialement. Elle
est convaincue que la solution passe par les sanctions. C’est pourquoi, elle préconise
l’application de la loi dans toute sa rigueur pour mettre les gens au pas en
matière d’assainissement. Il faut aussi utiliser l’imposition financière comme
arme de dissuasion, en renforçant les amendes, les pénalités et les
contraventions et la sensibilisation pour un changement de comportement. «C’est
à ce prix-là que nous pouvons gagner un jour, le combat contre l’insalubrité
dans notre pays», estime la technicienne.
Les résultats attendus de la PNA n’ont pas été atteints. Elle doit être relue aux regards des diverses évolutions internationales et nationales intervenues dans le sous-secteur. Il faut qu’il y ait une volonté politique affichée pour la réalisation des infrastructures de gestion des déchets dans le District de Bamako, qu’ils soient solides ou liquides.
Kadiatou OUATTARA
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