
Nous sommes un jeudi du mois
de mars. Après la fin de la prière du Asr (celle de 16 heures) à la Grande
mosquée de Madina Kouroulamini, un village situé dans la Région de Bougouni,
les habitants se réunissent dans le vestibule familial ou «bulon» en bamanakan
du patriarche Moussa Diawara pour assister à un mariage religieux.
Ce temple, bâti
en banco et surmonté d’une toiture en tôle, est le siège du pouvoir du chef de
village ou du patriarche. Il abrite les réunions, mais sert aussi de lieu
d’accueil des visiteurs ou étrangers. Ce qui exprime toute la symbolique de l’hospitalité
malienne. Le vestibule est donc chargé de symboles. Il est généralement conçu
avec deux portes.
Dans le village de Koka (Région
de Bougouni), le bruit d’un moulin tympanise le visiteur, mais atteste de la
vitalité des lieux. Les constructions dont les toitures sont faites en tôle
dominent celles en paille. Même le vestibule du chef de village, Alou Bagayoko,
n’a pu résister au phénomène. Le vieillard âgé de plus de 80 ans explique
que la rareté de la paille impose cette situation.
La voix enrouée par l’âge,
l’octogénaire pense que dans sa localité, le vestibule a une architecture
particulière. Et de préciser qu’il était généralement coiffé d’un toit en
paille dont la crête portait une calebasse avec des rayures. «Le jour de la
confection du toit en paille, les jeunes du village étaient mobilisés pour
trouver la paille.
Ce processus cyclique intervenait chaque 7 ans», commente le
vieillard. Alou Bagayoko estime que la présence du vestibule dans la famille
permet aux membres de tenir les réunions dans un endroit unique. Ces rencontres
peuvent porter sur des mariages et des réunions de famille ou pour trancher des
situations litigieuses. À l’occasion de ces séances, relève-t-il, seules les personnes les plus âgées sont
habilitées à s’asseoir aux extrémités des portes d’accès du vestibule.
L’autorité traditionnelle indique que les contrevenants sont sanctionnés. «C’est le totem (gnama) du vestibule. Une personne qui connaît ce principe n’osera pas occuper cette place même si elle est vide», déclare-t-il, avant d’ajouter que dans certains cas, le coupable reçoit des coups de fouet pour manquer de respect aux aînés. Il a aussi tenu à préciser que la sanction est fonction des localités.
Madou Diawara, qui réside à
Madina Kouroulamini, souligne que la sanction peut être très sévère et même coûter
la vie au coupable. Le chasseur ne donne pas trop de détails sur cet aspect.
Selon lui, il y a des villages qui établissent des règles de conduite dans le
vestibule. Il cite l’exemple de Marala, un village dans le Cercle de Yanfolila
où, seul le gestionnaire du vestibule
est autorisé à porter sa chechia pendant
la réunion à la fin de laquelle, chaque participant donne 25 Fcfa à l’hôte.
Cependant, le quinquagénaire déplore le fait que beaucoup de nouvelles concessions
dans le village ne sont plus dotées de vestibules. Il juge cela comme une perte
de repère de la nouvelle génération.
Bakary Diarra, un habitant de Sadiè (Cercle de Bougouni), indique que pour la construction du vestibule du chef de village, la communauté égorge un mouton et accomplit des sacrifices. Il parle de la disparition du vestibule avec un pincement au cœur. Selon lui, les familles qui n’ont pas de vestibule sont obligées d’en construire lorsque l’un des membres devient le chef du village.
Alliance avec les djins-
David Coulibaly est gestionnaire du patrimoine à la Cellule d’appui à la décentralisation
et la déconcentration chargée du patrimoine (CADD-culture). Il est également
l’auteur d’un document intitulé «Boro» ou vestibule, élément essentiel de la
culture bwa. Selon David Coulibaly, le vestibule est la deuxième maison après
la hutte qu’un homme construit quand il s’installe sur un espace pour fonder un
village.
«Il est bâti après trois ans de négociation avec les propriétaires
des lieux (djins)», raconte-t-il. Cela aboutit à un accord, dit-il, qui se matérialise
par une alliance établie entre le
fondateur du village et les propriétaires des lieux. Cette alliance peut
être basée sur l’offrande en animal. Avant d’indiquer qu’il y a trois types de
vestibule à savoir : celui de la famille, du clan, et le vestibule du
village qui est le siège du pouvoir.
Le gestionnaire du patrimoine
explique que le vestibule est construit de concert avec tous les habitants.
Certaines de ces bâtisses, dit-il, sont composées de compartiments servant de
logement aux visiteurs qui séjournent pour une longue durée. «Dans le milieu
des Coulibaly du Buwatun (pays des bwa), le vestibule des clans et le vestibule
central (siège du pouvoir) sont tous unis sur la place publique», souligne
l’agent du CADD-culture. Et de préciser que ce patrimoine est un bien
identitaire pour toute communauté. Selon lui, il fait figure de bien culturel
qui représente la communauté sur le plan culturel, social et juridique. «On
discute de l’organisation des activités socio-culturelles du village dans le
vestibule. Les décisions arrêtées sont exécutoires et ont valeur de loi et de décret
pour gérer le village», dit-il.
David Coulibaly fait
remarquer que la construction du vestibule fait l’objet de beaucoup de rituels,
en conformité avec l’alliance établie avec les djins et le fondateur du
village. Et d’indiquer que les rituels en fonction des communautés font
allusion à la santé, au bonheur économique et financier, spirituel et sécuritaire.
Il regrette que des villages refusent d’honorer ces engagements pour des
raisons liées à l’appartenance à l’islam ou au christianisme.
Chaque village
malien, lance-t-il, doit sauvegarder son vestibule ancestral pour préserver les
valeurs cultuelles et les compétences architecturales de sa communauté. «Dans
la culture Bwa, on construit le vestibule avec les briques traditionnelles
confectionnées à la main sans utiliser le moule», cite-t-il en exemple, avant
de préciser que le crépissage peut être annuel ou fait tous les trois ans.
Selon le gestionnaire du patrimoine à la CADD-culture, ce travail donne lieu à
des rituels consistant à immoler des poules avant de crépir le mur du
vestibule.
La révalorisation des légitimités traditionnelles par les autorités de la Transition a donné un nouveau souffle à la sauvegarde des vestibules. Le gouvernorat de la Région de Bougouni a construit le vestibule moderne de la chefferie traditionnelle sur une superficie de 750,31 mètres carrés. Le coût de l’infrastructure est estimé à 185 millions de Fcfa. Lors de son inauguration en janvier dernier, le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, le colonel Abdoulaye Maïga, a promis que ce bel exemple sera dupliqué dans toutes les localités du pays.
Mohamed DIAWARA
À l'instar de la Communauté internationale, les travailleurs du Mali ont célébré le 1er mai marquant la fête du travail. L'evènement trouve son origine dans les combats pour la journée de huit heures.
Le gouvernement japonais a decerné le 25 avril 2025, le 5è «Prix Hideyo Noguchi» au Pr Abdoulaye Djimdé, directeur au Centre de Formation et de Recherche sur le paludisme dans la catégorie de la Recherche médicale..
L’Association malienne pour le suivi et l’orientation des pratiques traditionnelles (Amsopt) travaille pour accélérer l’abandon des mariages d’enfants..
La coordination des Syndicats de l’éducation signataires du 15 octobre 2016 du District de Bamako avait entamé, hier, un arrêt de travail de 72 heures dans tous les ordres d’enseignement..
Le mot d'ordre d'arrêt de travail de 72 heures dans les écoles publiques a été suspendu suite à un accord sur toutes les revendications..
Les enseignants des écoles publiques de Bamako observent un arrêt de travail de 3 jours depuis ce mercredi 23 avril 2025.